A la base de Spentys, ils sont deux, Florian De Boeck et Louis-Philippe Broze. Des amis d’enfance depuis toujours persuadés qu’ils créeraient un jour leur entreprise ensemble. Avant même la fin de leurs études, les voilà à la tête d’une start-up forte d’une dizaine de collaborateurs qui utilise la technologie 3D pour la fabrication d’attelles médicales sur mesure.
EXPLIQUEZ-NOUS VOTRE PARCOURS PROFESSIONNEL
Louis-Philippe Broze: « Nous ne sommes pas issus de familles de médecins et n’avons aucune affinité spécifique avec le monde médical mais nous désirions nous tourner vers un secteur possédant un impact social appréciable. Le secteur de la santé nous a semblé très intéressant et plein de potentiel. Les innovations y sont axées sur le patient, ce qui leur donne un sens. Nous nous sommes orientés vers les attelles permettant d’immobiliser un membre parce qu’il s’agit d’un dispositif simple apportant au patient un supplément de confort par rapport aux traditionnels plâtres toujours d’actualité.»
Dans quelle mesure votre produit est-il innovant ?
L-P.B. : «Nous sommes les premiers en Belgique. Nous nous positionnons en tant que fournisseurs de technologie: nous proposons aux bandagistes-prothésistes, seuls habilités légalement à réaliser les prescriptions des chirurgiens orthopédiques, un software, outil grâce auquel ces professionnels peuvent scanner le membre blessé, modéliser l’attelle et implémenter leur expertise médicale pour obtenir le modèle fini qui sera imprimé en 3D avant d’équiper le patient.
Nous devons donc consentir un double effort commercial: convaincre les chirurgiens orthopédiques de prescrire l’attelle, et les bandagistes-prothésistes d’utiliser notre solution. S’il n’est pas trop difficile de convaincre les premiers focalisés sur la nécessité de faire au mieux pour leurs patients, la tâche n’est pas toujours aussi aisée avec les seconds à qui il peut arriver de se sentir un peu menacés par la 3D, bousculés dans leurs habitudes.»
Concrètement, comment s’est déroulée la création de SPENTYS ?
L-P.B. : Florian faisait des études d’ingénieur civil et j’étais en école de commerce. SPENTYS est né en août 2016 entre notre bachelier et notre master. Pendant un an, parallèlement à nos études et avec un modeste financement de la Région pour de la consultance, nous avons prototypé, entamé des essais cliniques, acheté notre première machine, bref essayé de tester l’idée. Après avoir validé cliniquement le concept d’attelles imprimées en 3D et constaté que le marché existait, nous avons décidé de sauter le pas et de créer la sprl en septembre 2017, donc un an et un mois après avoir eu l’idée.
Pour valider notre projet, nous avons contacté des «key opinion leaders», des références dans le monde orthopédique, en particulier les Pr Olivier Barbier et Xavier Libouton de l’UCL, ainsi que le Dr Robert Elbaum du Chirec qui ont été les trois premiers à croire en l’idée, mais aussi à nous faire confiance bien que nous ne soyons pas issus du milieu médical et malgré notre jeune âge.
Ceci constitue d’ailleurs souvent un handicap. Convaincre nous prend toujours un peu plus de temps. C’est pourquoi nous travaillons énormément sur notre branding, notre communication. Nous faisons en sorte qu’elle soit très professionnelle, très médicale avec un contenu de qualité. Pour l’instant, cela fonctionne.»
Quel bilan pouvez-vous déjà tirer de votre expérience ?
L-P.B. : «Tout a été tellement vite! Nous qui aimons que les choses évoluent rapidement, n’imaginions pas faire autant en si peu de temps. Et prendre autant de risques parce que passer de deux à dix collaborateurs augmente les dépenses, le stress, les tensions pour nous qui manquons encore d’expérience dans le management des relations humaines plus compliquées que prévu, même si c’est un domaine très intéressant et instructif. En plus, nous avions aussi sous-estimé le temps nécessaire à notre cycle de vente. Il a donc fallu adapter toute notre stratégie.
Mais c’est un risque qu’il fallait courir parce que dans notre créneau, il faut être le «first mover» pour intéresser un maximum de clients potentiels, profiter du momentum actuel lié à cette nouvelle technologie et qui ne durera pas.
C’est pourquoi les prochains mois seront cruciaux: d’ici mars, ça passe ou ça casse. On verra si SPENTYS génère assez de revenus, soigne assez de patients et surtout si nous le faisons bien. Nous enregistrons déjà des résultats encourageants: plus de 900 patients ont jusqu’ici bénéficié de notre dispositif et nous enregistrons des retours très positifs dans 99% des cas.»
Une telle évolution aurait-elle été possible sans aide extérieure ?
L-P.B. : «Certainement pas ! Nous avons bénéficié de nombreuses aides. Au début, nous avons surtout utilisé les subsides à la consultance ou à l’investissement, bref les subsides classiques proposés par Bruxelles Economie & Emploi. Depuis cette année, nous nous sommes tournés vers les subsides à l’innovation dans le cadre d’Innoviris et nous venons d’obtenir un subside européen. Il faut aussi mentionner des aides difficilement quantifiables mais tellement précieuses qui, au-delà de l’aspect financier, donnent accès à un marché, à un écosystème entrepreneurial. Lifetech.brussels par exemple, notre cluster au sein de hub brussels, nous a mis en contact avec toute une série d’entreprises, d’agences de consultance, différents types d’interlocuteurs indispensables à notre compréhension du marché, ainsi qu’avec d’autres entrepreneurs actifs comme nous dans les dispositifs médicaux et avec des investisseurs potentiels. Sans cela, SPENTYS ne serait pas là où il en est aujourd’hui. J’ai même envie de dire que SPENTYS n’aurait pas vu le jour.
Nous qui ne sommes pas Bruxellois d’origine, sommes très contents d‘avoir établi notre activité entrepreneuriale à Bruxelles. J’y ai étudié et j’ai toujours trouvé cette ville très dynamique avec un potentiel incroyable. Pour moi, il n’y avait donc aucune raison d’aller ailleurs.»
Comment voyez-vous votre avenir ?
L-P.B. : «Nos débuts précoces dans l’entrepreneuriat nous ont empêchés de terminer nos études et peut-être ne les finira-t-on jamais. Elles ne constituent en tout cas plus notre priorité. Nous avons désormais trop de choses à faire. Notre charge de travail ne cesse pas d’augmenter, les nouveaux problèmes de surgir. On apprend tous les jours. La vie d’un jeune entrepreneur n’a rien d’un long fleuve tranquille mais je le referais sans hésitation, peut-être différemment certes mais en tout cas en duo avec Florian. Tout seul, aucun de nous deux n’aurait réussi ce que nous avons réalisé ensemble. Nous sommes vraiment complémentaires. Nous savons qu’après SPENTYS, nous créerons encore une autre entreprise à deux. Pour rien au monde en tout cas je n’abandonnerais cette vie d’entrepreneur!»
Et comment voyez-vous l’avenir de SPENTYS ?
L-P.B. : «Nous nous sommes fixés des objectifs bien clairs. Quand ils seront atteints, nous serons satisfaits, du moins je l’espère. Dans un premier temps, nous allons lancer dans le nord du pays, aux Pays-Bas et en Suisse différentes études pour quantifier et prouver scientifiquement que notre produit est supérieur par rapport aux solutions traditionnelles, et nous nous intéressons aux animaux.
Nous avons aussi une vraie ambition mondiale: nous comptons nous internationaliser au maximum, nous tourner vers l’Afrique, l’Asie et les Etats-Unis sans négliger l’Europe.»
Et même si l’aventure SPENTYS s’arrête, nous aurons gagné en expérience même aux yeux des autres, des futurs employeurs.»
Quels conseils donneriez-vous à d’autres jeunes tentés comme vous par l’entrepreneuriat?
L-P.B. : « Je leur dirais d’essayer tout de même de finir leurs études mais de mettre cette période à profit pour préparer leur projet. Je crois en effet qu’une fois entré dans une dynamique de vie d’entreprise ou d’emploi classique, avec des engagements familiaux, des emprunts à rembourser, il devient difficile de changer de cap, de prendre des risques.»
Article rédigé par Catherine Aerts