À quoi ressemblera l’entreprise de demain ? À la suite d’un workshop animé en novembre dernier par Ludmilla Petit, coach en gouvernance d’entreprise, hub.brussels a mis la thématique de la gouvernance participative à l’avant-plan. Quels sont les fondements de ce nouveau modèle d’organisation qui vient bousculer les systèmes hiérarchiques classiques ?
Que vous soyez une PME, une start-up, une ONG, une coopérative ou une grande entreprise, mettre en place une gouvernance qui implique vos collaborateurs dans l’organisation est l’une des clés pour survivre dans le monde complexe d’aujourd’hui et de demain. Elle favorise l’agilité et la transmission, et permet de réconcilier bien-être et performance pour une organisation plus durable. Voici un tour d’horizon des principes de la gouvernance participative.
Redéfinir la gouvernance
De quoi parle-t-on exactement ? Que l’on soit juriste, financier ou manager, tout le monde aborde la gouvernance à travers son propre prisme. Globalement, on la définit comme le système par lequel une organisation prend des décisions et les applique en vue d’atteindre ses objectifs.
« Donc, lorsqu’on parle d’impliquer les collaborateur·rices dans la gouvernance, c’est leur donner du pouvoir et de la responsabilité pour atteindre les objectifs de l’organisation, et ça peut se passer à différents niveaux : dans l’opérationnel, à un niveau plus stratégique, voire même dans l’actionnariat », explique Ludmilla Petit.
La gouvernance partagée, une autre approche
Pourquoi vous engager vers ce modèle collaboratif ? « La plupart des organisations qui se lancent dans le collaboratif sont d’abord mues par une envie profonde de fonctionner autrement, de donner un cadre de travail plus épanouissant pour tous, plus en ligne avec leurs valeurs. En pratique, je constate qu’en donnant une plus grande autonomie à leurs collaborateurs, elles les motivent davantage. Elles deviennent aussi plus agiles et plus performantes, c’est précisément ce dont on a besoin dans le monde complexe qui est le nôtre », confie Ludmilla Petit.
Les fondements d’une organisation collaborative
Il n’y a pas de modèle unique de gouvernance participative - ou collaborative, partagée, responsabilisante… C’est plutôt une philosophie, un état d’esprit, qui repose sur quelques fondamentaux, et ceux-ci se déclineront différemment dans chaque organisation.
1. Chaque organisation est pilotée par sa raison d’être
« La raison d’être, c’est le socle de l’entreprise : pourquoi mon organisation existe, que fait-elle (et pour qui) et quelles sont les valeurs qui régissent notre action ? C’est ce qui motive et donne la destination commune… »
2. La place centrale de l’humain
Toute l’organisation repose sur les principes de confiance a priori (peu de mécanismes de contrôle), de non-ego (sortir des jeux de pouvoir en se concentrant sur la mission commune), et d’égalité intrinsèque (chaque personne est digne de respect, quelle que soit sa place). C’est une organisation qui va adopter une politique active de développement des talents et compétences et laisser suffisamment d’espace à l’expression des émotions.
3. L’autonomie
Chacun·e peut prendre des décisions, dans son périmètre bien défini. « C’est celui qui fait qui sait » : je suis par exemple le mieux placé pour choisir la machine sur laquelle je dois travailler… ce qui implique que je dispose de toutes les informations nécessaires pour prendre la bonne décision (budget, impact de ma décision sur les autres, etc.).
4. L’établissement d’un cadre avec des règles, des principes et des valeurs, claires et explicites pour une organisation optimale
« Souvent, ce cadre est négligé, quand on passe au collaboratif, en se disant qu’une bonne dose d’humain et d’implication suffira ! Or, ce cadre est fondamental : le collaboratif, ce n’est pas tout le monde qui décide de tout, loin de là. »
En pratique, comment passer de l’idée à l’action ?
Passer à un modèle collaboratif implique naturellement des changements organisationnels, pour aller vers une organisation plus « plate ». Mais on oublie souvent que cela implique aussi des changements au niveau individuel et collectif : mieux communiquer, tenir des réunions où chacun peut s’exprimer, où décider efficacement, gérer ses émotions…
Quelques étapes clés :
1. Lever les freins
«Pour faire marcher les gens loin, il faut d’abord leur enlever les cailloux dans les chaussures ». Il peut s’agir de difficultés opérationnelles fortes à surmonter avant d’entamer la transformation, mais aussi de freins plus profonds. « J’ai été contactée par une entreprise qui voulait transmettre son activité à ses travailleur·euses, mais ces derniers, bien qu’adorant travailler dans la société, ne voulaient pas endosser cette responsabilité. Certaines personnes peuvent avoir envie d’être très impliquées, mais pas forcément de devenir actionnaires », témoigne Ludmilla.
2. Le rôle de leader
En parallèle, répondre à la double question : jusqu’où suis-je prêt à faire évoluer mon rôle de leader ? Et à quel niveau voudrais-je impliquer mes collaborateurs ?
- dans le capital (les collaborateur·rices deviennent actionnaires)
- dans la stratégie (les équipes s’impliquent dans la vision, les objectifs)
- dans l’opérationnel (le personnel prend part aux décisions de fonctionnement)
3. Se mettre en chemin
« Je suis une adepte du principe des ‘petits pas’. Entamer une grande transformation organisationnelle en chamboulant tout, est rarement efficace. Vous faites face à trop de résistances. Sans qu’il y ait de modèle, la première pierre est souvent de définir la raison d’être de l’organisation (mission, vision, valeurs) en impliquant les collaborateurs dans le processus. Rappeler ‘pourquoi nous sommes ensemble’ est fondamental et fédérateur », poursuit Ludmilla Petit.
Ensuite, il est important de travailler sur un cadre clair qui favorise l’autonomie, avec notamment au point de vue organisationnel, des rôles bien définis, des processus de décision collaboratifs, et des systèmes pour amener la transparence de l’information dans l’organisation.
Enfin, ne pas oublier de donner aux personnes les outils pour mieux communiquer et mieux décider ensemble.
Quand la gouvernance gagne en agilité et implication
La gouvernance participative se dessine comme le modèle d’aujourd’hui et de demain. Elle permet d’être plus agile, plus à l’écoute et de prendre des décisions plus rapidement, y compris sur des aspects stratégiques.
Quelle que soit la taille de l’entreprise, « être autonome », « prendre des décisions », « initier des projets », « être associé à la gestion et à la vision », sont désormais des ingrédients valorisés et recherchés par les employé·es comme par le management dans des organisations existantes.
Mais la gouvernance collaborative peut aussi venir en soutien au repreneuriat, c’est-à-dire la reprise d’une entreprise avec les collaborateur·rices. En témoigne l’exemple de Cameleon, enseigne active dans la vente de vêtements de marque dégriffés. Les repreneurs – la nouvelle société gestionnaire RENGO – ont souhaité reprendre l’enseigne en impliquant les salarié·es dans l’actionnariat, et ont implémenté une gouvernance collaborative pleine de promesses. Vous retrouverez prochainement la success story de Cameleon dans la newsletter de 1819.
Vous cherchez de l’inspiration ?
Dans le domaine de la gouvernance participative, "Reinventing organizations, Vers des communautés de travail inspirées" de Frédéric Laloux, est une publication qui pourra vous inspirer dans votre travail. L’auteur y recense les nouveaux modèles d’organisation émergents et les caractéristiques communes des entreprises collaboratives. Il se base sur une recherche rigoureuse d'organisations pionnières. Vous y trouverez de nombreux conseils pratiques et histoires inspirantes.
Découvrez également dans une prochaine newsletter 1819, les témoignages de trois entreprises Easi, Partena Professional et Cobea Coop sur leur expérience du modèle collaboratif.
Auteurs: Edito3