Plongée émerveillée dans l’univers coloré et enchanté de Myriam Zahri devenue créatrice, garnisseuse et cheffe d’entreprise un peu par hasard.
« Quel beau magasin ! Il me fait voyager ! » Le ton est donné. « Que ces chaises (upcyclées) sont jolies ! Et ce cadre, est-il à vendre ? Travaillez-vous aussi sur commande ? Vous donnez des cours ? Cela m’intéresse ! » Enthousiaste, la cliente entrée par hasard ne sait où poser les yeux dans la boutique claire, colorée, joyeuse que Myriam Zahri a ouverte le printemps dernier rue Haute. Rien d’étonnant à ce coup de foudre puisque Machao, le nom de la boutique, signifie en berbère quelque chose comme « Il était une fois » et ouvre la porte au monde merveilleux des contes.
Tours et détours
Mais pour en arriver là, le parcours de Myriam Zahri a été long etparfois tortueux. La jeune femme, originaire de Louvain-la-Neuve, est arrivée à Bruxelles pour entamer des études de communication et de journaliste qui n’aboutiront pas. Elle se tourne alors vers une formation en gestion « au cas où » et est dans la foulée embauchée dans une administration bruxelloise. Drôle de trajectoire pour quelqu’un qui a toujours eu la fibre artistique… « J’étais très jeune à la naissance de mon premier enfant. J’avais une vie de famille, un bon job convenablement payé au sein d’une équipe sympa. C’était confortable… mais le confort ne suffit pas toujours », sourit-elle.
Quand le hasard fait bien les choses
Pour échapper à ce train-train vraiment trop quotidien et pour combattre le syndrome de l’imposteur qui la taraude dans cet environnement professionnel riche en collègues diplômé.e.s, elle se lance dans des études d’histoire de l’art puis se réoriente vers le secteur associatif. Mais c’est un vieux canapé et le premier confinement qui décideront finalement de son avenir.
Avec son compagnon, elle se lance dans la restauration-sauvetage du vieux meuble ravagé par les ans, certes, mais dépositaire de tant souvenirs. Cela se passe tellement bien que le résultat, posté sur les réseaux sociaux, suscite de nombreuses réactions et sollicitations. Myriam enchaîne donc avec quelques petits travaux de garnissage… jusqu’à la crise sanitaire et au premier confinement durant lequel elle récupère un stock de 25 chaises vintage qui ne demandent qu’à être upcyclées. La jeune femme utilise des chutes de tissu wax qu’elle a sous la main pour un résultat original et très coloré qui la satisfait pleinement. « Ce qui me plaît, c’est la couleur, faire revivre des meubles qui autrement finiraient à la déchetterie, confie-t-elle. J’ai donc profité du confinement pour commencer à développer l’activité, l’entreprise depuis chez moi. »
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Des aides et conseils multiples et efficaces
Myriam Zahri est bien décidée à mettre toutes les chances de son côté. En matière de formation pratique, elle mise sur la méthode des essais et erreurs (« Je me suis trompée mille fois ! » se souvient-elle) ainsi que sur les tutos disponibles sur le net qui permettent, assure-t-elle, d’apprendre une foule de choses. Et sur le plan administratif et financier, elle recourt à toutes les aides mises à la disposition des néo-entrepreneurs en région bruxelloise. « Au démarrage de l’activité, j’ai commencé par un coaching de Village Partenaire et un autre de MAD Brussels. Les conseils du premier sont vraiment importants pour tout ce qui concerne le développement de l’activité, le business plan, le plan financier etc. Quant à l’aide du second, elle a été précieuse pour m’ouvrir les portes du monde artistique, du réseau design qui m’étaient inconnus. J’ai d’ailleurs poursuivi ces coachings assez longuement après le début de l’entreprise. » Mais ce n’est pas tout.
La jeune femme enchaîne avec les speed coachings individualisés dispensés par hub.brussels. « Une excellente formule, assure-t-elle, parce qu’en deux heures en tête à tête, un.e spécialiste de la matière traitée qui peut dispenser des conseils concrets et vraiment personnalisés. » Au programme pour Machao Design : comptabilité, réseaux sociaux ou encore référencement sur Internet. Viendront ensuite l’accompagnement de BeCircular et, au moment de l’ouverture de la première boutique, d’OpenSoon. Sans oublier bien sûr les précieuses informations dispensées par le 1819 « qui vous rappelle dans la journée avec les réponses à toutes vos questions », précise-t-elle avant de confier : « Lorsqu’on lance son activité, on a tellement besoin de l’aide de personnes extérieures dont c’est le métier, qui vous aident à remettre les choses en perspective ! Autre initiative extrêmement précieuse, les réseaux comme Circlemade que j’ai également rejoint. Ils permettent des rencontres, des contacts fructueux. »
Un développement prudent et raisonné
Pour autant, Myriam Zahri n’a pas d’emblée lâché la proie pour l’ombre. Elle a commencé son activité sous le statut d’indépendante complémentaire tout en gardant un mi-temps dans le secteur associatif. Elle ne s’est lancée à temps plein que lorsque Machao Design a généré autant de revenus que son emploi salarié. Mais une étape importante a été l’installation dans un petite espace au sein des Ateliers des Tanneurs où elle peut laisser libre cours à sa créativité, réinterpréter des meubles qu’elle a chinés, ou honorer des commandes en utilisant désormais des textiles écoresponsables mieux adaptés au garnissage que le wax. « J’avais toujours rêvé d’avoir un atelier à moi, s’exclame-t-elle. C’était vraiment une consécration ! » Avec un gros défaut tout de même : pas de vitrine, pas d’exposition extérieure et donc l’obligation de fournir un gros travail de communication via tous les canaux disponibles pour attirer la clientèle.
L’ouverture d’une « vraie » boutique s’impose donc comme une évidence. Ce sera chose faite rue Blaes avec la complicité des Tanneurs et d’Entreprendre Bruxelles. Mais c’est finalement rue Haute que la jeune entrepreneuse trouve l’espace idéal : une boutique claire et suffisamment vaste pour accueillir son atelier et mettre en valeur ses créations désormais environnées d’objets de décoration dénichés par la maîtresse des lieux, histoire d’élargir la gamme proposée et de créer une véritable mise en scène pour les créations originales de Machao Design.
Un projet jamais remis en question
Si Myriam Zahri apparaît à présent épanouie dans sa jolie boutique au cœur de ce quartier particulièrement vivant et multiple, la création et le développement de Machao Design ne se sont pas faits sans quelques inquiétudes. « Mais je n’ai jamais remis tout le projet en question, insiste-t-elle. Par contre, des moments compliqués, j’en ai vécu : lorsque dans la première boutique, l’humidité était telle que les meubles moisissaient sur place. Lorsque je me suis retrouvée enceinte par surprise juste après avoir quitté mon emploi salarié. Lorsque mon employée tellement précieuse a dû interrompre son activité. Lorsque la crise économique a éclaté.
De manière plus générale, il y a des choix à faire entre l’entreprise et la vie de famille, des priorités à donner à l’une ou à l’autre. Du coup, j’ai l’impression de travailler tout le temps. Même quand je ne fais rien, mon cerveau continue à fonctionner. Au début, c’est grisant, c’est passionnant, on oublie qu’il faut consacrer du temps aux autres aspects de la vie. Il faut savoir doser. Heureusement, j’ai la chance d’avoir un compagnon qui me suit et m’encourage depuis le début, qui est impliqué à 100% dans le projet. Et puis le positif est tellement énorme que tout cela n’est pas grave. »
Perspectives d’avenir
Autant dire que la créatrice fourmille encore d’idées pour l’avenir : « J’aimerais disposer près d’ici d’un véritable atelier distinct de la boutique à laquelle il est intégré actuellement, précise-t-elle. Je pourrais y travailler sur de plus gros projets et engager quelqu’un.e de plus. J’aimerais aussi nouer de nouvelles collaborations comme celles que j’entretiens déjà avec Regglo pour des tabourets et Ben Artside pour les lampes origamis. J’aimerais aussi pouvoir proposer des œuvres d’artistes idéalement bruxellois.e.s et disposer de textiles uniques avec des motifs originaux conçus par des graphistes.
Tout vient à point à qui sait attendre
La jeune femme qui confie que les choses se sont passées tellement harmonieusement pour elle qu’elle n’a jamais eu l’impression de ressentir de vraies difficultés, tient à partager son expérience. « Je pense que ce sentiment est dû au fait que j’ai fait les choses tout doucement, sans pression, une par une, explique-t-elle. C’est pourquoi je conseillerais à ceux et celles qui veulent se lancer d’avancer pas à pas, sans se précipiter, en écoutant ses envies et ses peurs car les peurs seront toujours là, comme toujours dans tous les domaines de la vie. C’est un instinct de survie. Qui est important pour permettre de travailler sur comment construire son projet. Et puis il faut bien s’entourer pour se rassurer et faire les choses correctement. »
Machao Design, 157 rue Haute, 1000 Bruxelles
Interview : Catherine Aerts