Le marketing d’influence est devenu incontournable pour faire connaître une marque ou un produit. Les influenceurs et influenceuses, avec leur large communauté sur les réseaux sociaux, jouent un rôle crucial dans la promotion des entreprises. Mais avant de se lancer dans une collaboration, il est important de connaître les règles qui encadrent cette pratique. Voici ce qu’il faut savoir pour travailler en toute légalité.
Publicité ou pas : comment faire la distinction ?
Les influenceurs et influenceuses sont des personnes populaires sur les réseaux sociaux (Facebook, Instagram, TikTok, Thread,…) et qui de par leur profil et le nombre de leurs « followers » deviennent des ambassadeur·rice·s attractif·ve·s pour mettre en avant les produits, marques, ou services de certaines entreprises.
Quand c’est le cas, ces influenceur·euse·s publient des contenus online (texte, video, photo) où elles vantent les avantages d’un produit qu’elles testent, d’une marque ou d’un service qu’elles recommandent. Ces publications ont la particularité de ressembler à des témoignages ou avis personnels ayant pour but de convaincre ou influencer d’autres personnes. Si aucune contrepartie n’est perçue par le·la créateur·trice de contenu, il n’est pas question de publicité. A partir du moment où il y a une contrepartie reçue par l’influenceur·euse (même sans qu’elle ait été demandée) pour une telle publication, qu’elle soit en espèces ou en nature (produits, avantages,..), la publication devient une publicité.
Le SPF Economie explique comment savoir si une publication revêt un caractère commercial : « Vous faites de la publicité ou véhiculez un message commercial dès que vous remplissez les 2 conditions suivantes :
- Vous mettez en avant oralement, visuellement ou textuellement, un produit, une entreprise, un service, une marque, ET
- Vous recevez un avantage de la société derrière cette marque, ce produit ou ce service.
C’est le cas également lorsque vous :
- partagez avec vos followers un code de réduction que vous avez reçu de la marque en question
- offrez des produits pour la marque ou organisez un concours
- partagez un lien d’affiliation pour une marque.
L’avantage que vous retirez peut être de différentes natures :
- un produit gratuit (même si vous ne l’avez pas demandé)
- un bon de réduction
- un paiement en espèces
- un produit que vous pouvez emprunter
- des tickets gratuits pour assister à un festival
- une nuit d’hôtel gratuite
- un repas gratuit dans un restaurant
- une invitation à un événement
- un pourcentage sur la vente des produits réalisée grâce au lien d’affiliation que vous avez partagé
- ...
Autrement dit, il n’est pas nécessaire d’avoir conclu un contrat, que la marque vous demande explicitement de publier un message ou qu’elle ait le contrôle sur vos publications.
Même lorsque vous publiez des messages sur votre propre marque/produit ou sur des produits auxquels vous êtes visiblement associé (par exemple une ligne de vêtements que vous avez conçue en collaboration avec une chaîne, des produits que vous commercialisez en collaboration avec une chaîne…), vous faites de la publicité. Par conséquent, votre message commercial doit être clairement reconnaissable comme tel. »
Clarté et transparence: une obligation
Une règle d’or pour les influenceurs et influenceuses : chaque contenu à caractère commercial doit être clairement identifié comme tel. En effet, pour protéger les consommateurs, la législation exige que toute publicité soit immédiatement reconnaissable. Cela signifie que l’influenceur doit indiquer clairement que le contenu est sponsorisé, et ce sans ambiguïté. Cela signifie que vos followers doivent lire, voir ou reconnaître en un clin d’œil qu’il s’agit d’une publicité.
Il arrive encore trop souvent que les publications à caractère commercial ne reprennent aucune mention spécifique. Et cela arrive d’autant plus souvent dans les publications à durée limitée, comme les « stories » d’Instagram, visibles publiquement pendant 24 heures uniquement.
Outre l’omission de mention claire, le fait de reconnaitre le caractère commercial d’une publication est rendu encore plus difficile par le fait que les publications commerciales apparaissent souvent aléatoirement entre d’autres simples publications non sponsorisées. Enfin, la forme caractéristique du témoignage ou de l’avis personnel renforce également la difficulté à distinguer les contenus commerciaux de ceux qui ne le sont pas et dont certains parmi ces derniers font aussi mention de nom d’entreprises (restaurants visités, produits utilisés, etc.) .
Les obligations qui assortissent les contenus à caractère commercial ne sont pas nouvelles et s’appliquent pour les réseaux sociaux mais également pour tous les médias, y compris les canaux plus classiques comme la télévision ou la radio.
Comment rendre une publicité reconnaissable ?
Le SPF Economie recommande ce qui suit :
1) Vous devez faire savoir que vous faites de la publicité
a) Taguez de préférence votre publication avec un mot explicite, clair pour tous, comme « publicité », « annonce ».
Ce tag doit être :
- immédiatement visible pour vos followers, sans avoir à ouvrir le message, et ce tag ne peut donc pas être placé après le message entre différents hashtags ou comme dernier hashtag. Mentionnez de préférence le tag au début de votre publication ou placez-le directement sur la photo ou dans la vidéo.
- clair et ne peut pas disparaitre en arrière-plan. Veillez donc à un contraste suffisant (couleurs et police) avec votre arrière-plan.
- dans la même langue que votre message. Si vous publiez des messages en anglais, vous pouvez utiliser sans souci le terme « advertisement ».
- Des tags tels que « collaboration », « sponsored », « partner », « ambassador », « remerciements à », « pour le compte de » et des abréviations telles que « récl », « pub », « ann » sont considérés dans la plupart des cas comme trop ambigus.
Le tag « sponsorisé » peut également être utilisé dans les cas où :
- vous n’avez aucun accord avec la société derrière la marque et cette dernière n’a aucune attente concernant le nombre ou le contenu de vos posts
- et vous n’avez établi aucun contrat concernant la communication
- et vous ne percevez aucune commission basée sur le nombre de clics.
Toutefois, même si votre post est sponsorisé, il est conseillé d'utiliser les tags « publicité » et « annonce » car ils correspondent davantage au contenu ou à la nature commerciale de votre message et sont par ailleurs plus clairs pour votre public cible.
b) Public cible
- Tenez compte de votre public cible.
Certains groupes vulnérables, comme les jeunes et les enfants, auront besoin de plus clarté (voir « Soyez prudent lorsque vous vous adressez aux enfants »).
c) Utilisez les labels des plateformes
Utilisez, lorsqu’ils sont disponibles, les labels proposés par les plateformes, comme « Collaboration commerciale » d’Instagram ou « Inclut une communication commerciale » de YouTube.
c) La marque de l’entreprise dont vous faites la promotion doit être taguée ou mentionnée clairement.
2) Donnez toujours votre avis de manière honnête
En tant que créateur de contenu, vous devez toujours être honnête. Votre avis doit refléter fidèlement le produit, le service ou la marque afin de ne pas tromper le consommateur et de ne pas créer de fausses attentes.
3) Evitez de cibler les mineurs
Il est interdit d’encourager les enfants dans une publicité à acheter les produits ou les marques dont vous faites la promotion ou de les inciter à convaincre leurs parents ou d’autres adultes d’acheter ces produits ou ces marques pour eux.
Dans les publications destinées aux enfants, vous ne pouvez donc pas écrire et ou dire « achète-le maintenant », « dépêche-toi d’aller en magasin... », « ainsi, tu seras le/la plus cool de la classe », « clique vite sur le code de réduction »... »
« La publicité ciblée pour les mineurs est désormais interdite pour toutes les plateformes, de même que la publicité basée sur des données sensibles comme les opinions politiques, la religion ou l’orientation sexuelle (sauf consentement explicite). » (Article du 07.2024 )
Être influenceur.euse nécessite d’être indépendant.e : statut et obligations à la loupe
Dès que vous souhaitez faire des publications mettant en avant une marque moyennant (l’opportunité de recevoir) une contrepartie de manière régulière, vous devez disposer du statut social d’indépendant pour pouvoir le faire de manière légale, car l’activité est considérée comme une activité professionnelle/économique.
Le SPF Economie rappelle en ce sens que « par conséquent, vous devez :
- inscrire votre entreprise à la Banque Carrefour des Entreprises (BCE).
- ajouter les coordonnées de votre entreprise sur vos pages de médias sociaux et votre (vos) site(s) web. Il s'agit des informations suivantes :
- le numéro d'entreprise (numéro BCE)
- l'adresse de votre entreprise
- une adresse e-mail
Vous pouvez également répondre à cette obligation en faisant référence à votre site Internet sur vos réseaux sociaux. Vous devez ensuite répertorier les coordonnées de votre entreprise sur ce site Internet et vous assurer que celles-ci sont facilement, directement et en permanence disponibles pour vos abonné.e.s. Cela peut être fait soit en bas du site Web, soit dans une section appropriée (par exemple « Contact »). »
Si l'adresse de votre entreprise est aussi votre adresse privée et que vous ne souhaitez pas communiquer publiquement votre adresse privée, la solution recommandée est de rejoindre un centre d'affaires agréé par le SPF Economie et d’y établir l’adresse de votre entreprise. Si vous optez pour cette option, vous êtes obligé d’exercer effectivement des activités dans le centre d’affaires. Y faire suivre votre courrier sans y travailler réellement ne pourra pas être considéré comme une activité.
Cela implique de créer deux unités d’établissement dans la Banque-Carrefour des Entreprises (BCE) pour votre entreprise :
- 1 unité d’établissement (UE) avec votre adresse de domicile (si vous souhaitez pouvoir travailler chez vous),
- 1 unité d'établissement (UE) avec l'adresse du centre d'affaires avec lequel vous avez conclu un accord.
Les revenus que vous percevez comme influenceur.euse sont en principe des revenus professionnels d’indépendant qui doivent être déclarés comme tels dans la partie 2 de la déclaration fiscale et sur lesquels vous devrez payer des impôts. Le SPF Finances a dédié une page à ce sujet. Si les revenus générés sont plutôt occasionnels et si les conditions prévues par le SPF Finances sont réunies, ces derniers pourraient être plutôt être déclarés comme des « revenus divers » dans la rubrique au même nom de la partie 2 de la déclaration fiscale.
Sanctions en cas de non-respect de ces règles
Pratiques déloyales
L’absence de mention claire du caractère publicitaire peut coûter cher. L’inspection économique du SPF Economie réalise régulièrement des contrôles auprès des influenceur·euse·s pour vérifier si le Code de droit économique est bien respecté ou s’il y a lieu de constater une pratique commerciale trompeuse (action ou omission). Les infractions les plus fréquentes sont l'absence de coordonnées de l'entreprise (adresse et/ou numéro d'entreprise) et l'absence d'identification claire de la publicité. Vous encourez des risques d’amende élevée en cas d’infraction et encore plus élevée en cas de récidive, en plus du retrait des publications, si cela n’est pas encore fait.
A Bruxelles et en Wallonie, le Jury d’Ethique Publicitaire est également compétent pour recueillir une plainte. Toute personne dont le but est de défendre les intérêts des consommateurs ou l’image de la publicité peut déposer une plainte devant cet organe. Après avoir entendu le point de vue de l’annonceur, le JEP prend une décision d’arrêt, de modification d’une campagne ou rend un avis de réserve. Les décisions du JEP sont non contraignantes mais dans la pratique, elles sont suivies.
En Flandre, de nombreux avertissements ont déjà été donnés en Flandre à des influenceur·euses pour cause de violation de l’article 53 du Mediadecreet (obligation qu’une publicité soit identifiable comme telle) (exemples dans la presse), et les amendes commencent également à tomber (exemple dans la presse). Cela va sans compter les éventuels arriérés d’impôts pouvant être réclamés par le SPF Finances à cause de montants non déclarés comme revenus professionnels/divers (exemple dans la presse).
Défaut de statut approprié
A défaut de vous être inscrit.e comme indépendant·e pour cette activité, vous serez dans l’illégalité par rapport au Code de droit économique belge.
Des arriérés de cotisations sociales ainsi qu’une amende pourront vous être réclamés par l’INASTI, des arriérés d’impôts à un taux éventuellement majoré ainsi qu’une amende pourront vous être demandés par le SPF Finances en fonction de la situation, et l’Administration de la TVA pourra également vous réclamer le paiement d’arriérés de TVA et une amende.
Réglementations européennes et belges pour les contenus à caractère commercial
Le cadre légal qui régit le marketing d’influence en Europe est strict. Il repose sur plusieurs textes, dont la Directive sur le Commerce Électronique et la Directive sur les Services de Médias Audiovisuels. Ces règles imposent à tous les influenceurs de mentionner clairement leurs partenariats commerciaux. En Belgique, cela relève du Code de droit économique, qui stipule qu’une publicité non identifiée est une pratique commerciale trompeuse.
Les plateformes comme Instagram, TikTok et Facebook doivent également veiller à plus de transparence, notamment en proposant des options pour signaler des contenus illicites ou trompeurs.
Pour aller plus loin dans le détail des règles :
- La Directive européenne sur le Commerce Électronique (numéro 2000/31/CE) (art. 6) ainsi que la Directive Services de médias audiovisuels (UE 2018/1808) imposent à tous les influenceurs en Europe de mentionner leur partenariat commercial ainsi que la société pour laquelle cette communication est réalisée.
Cette obligation d’information et de transparence est demandée à chaque État membre de l’UE, qui a du transposer cette directive dans son pays, ce qui fait que les règles ou leur formulation varient encore quelque peu d’un pays à un autre.
- Le règlement européen sur les services numériques (pour Digital Services Act) est quant à lui directement applicable dans tous les pays européens et à toutes les entreprises qui y opèrent. Ce règlement protège les droits fondamentaux des consommateurs en ligne en imposant aux plateformes numériques des contraintes diverses en matière de transparence et d'information (modération des contenus, etc.), de lutte contre les contenus illicites (création de signaleurs de confiance, etc.) ou encore de publicité (interdiction de la publicité visant les mineurs, etc.).
- Les plateformes en ligne de réseaux sociaux (Facebook, Instagram, Tiktok, etc.), qui hébergent des contenus doivent afficher plus de clarté et de transparence sur le fonctionnement des algorithmes qui proposent du contenu. Elles doivent aussi proposer un bouton permettant aux utilisateurs de signaler les contenus illicites publiés par un influenceur, et réagir rapidement suite à un signalement. Enfin, elles sont également obligées de surveiller elles-mêmes les publications et de les supprimer si nécessaire voire de suspendre des comptes.
Il y est aussi repris que les influenceurs en tant que créateurs de contenu endossent une plus grande responsabilité que d’autres internautes pour le contenu qu'ils.elles publient en ligne. Ils.elles devront également s'assurer que leur contenu est approprié, non trompeur et légal.
- En Belgique aussi : une publicité qui n'indique pas clairement son caractère commercial constitue une pratique commerciale trompeuse et est donc interdite. Le Code de droit économique indique que le professionnel dont le produit ou service est promu doit s’assurer que les influenceurs qui sont payés pour en faire la promotion sur les réseaux sociaux, doivent mentionner clairement qu'il s’agit d’une publicité. Cette règle ne s'applique qu'aux entreprises. Dès que vous publiez régulièrement des messages à contenu publicitaire pour des marques les personnes qui font régulièrement de la publicité contre un avantage, vous serez considéré comme une entreprise ayant une activité professionnelle au sens du Code de droit économique. Vous devrez dès lors respecter tant les dispositions quant aux publications commerciales que celles sur le statut d’indépendant.
L’article qui s’applique à notre thématique se trouve au LIVRE VI (Pratiques du marché et protection du consommateur), TITRE 4 (Pratiques interdites), Chapitre 1er (Pratiques déloyales à l’égard des consommateurs), Section 2 (Pratiques trompeuses) : Art. VI.99 § 1-5.
« Art. VI.99.1 § 1er. Une pratique commerciale est considérée comme une omission trompeuse si, dans son contexte factuel, compte tenu de toutes ses caractéristiques et des circonstances ainsi que des limites propres au moyen de communication utilisé, elle omet une information substantielle dont le consommateur moyen a besoin, compte tenu du contexte, pour prendre une décision commerciale en connaissance de cause et, par conséquent, l'amène ou est susceptible de l'amener à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement.
§ 2. Est également considérée comme une omission trompeuse, une pratique commerciale par laquelle une entreprise dissimule une information substantielle visée au paragraphe 1er, ou la fournit de façon peu claire, inintelligible, ambiguë ou à contretemps, ou n'indique pas son intention commerciale dès lors que celle-ci ne ressort pas déjà du contexte et lorsque, dans l'un ou l'autre cas, le consommateur moyen est ainsi amené ou est susceptible d'être amené à prendre une décision commerciale qu'il n'aurait pas prise autrement. »
- En Flandre spécifiquement, la Directive européenne (UE) 2018/1808 a été transposée dans le Mediadecreet en 2021, qui oblige les fournisseurs de services de médias flamands à rendre les communications commerciales reconnaissables comme telles. Les influenceurs.euse.s qui tirent un revenu d’une communication commerciale doivent être considéré.e.s comme des fournisseurs de services de médias.
Le Régulateur des médias flamands (VRM) a même créé un protocole pour les créateurs de contenus (Content Creator Protocol ou CCP). Il s’agit de guidelines faciles à comprendre (textes et vidéos) pour aider les influenceurs à se conformer aux règles.
- A Bruxelles et en Wallonie, le Conseil belge de la publicité et la Fédération des métiers du web (FeWeb) ont publié des recommandations sur le marketing d'influence (en 2018 puis mises à jour en 2022) pour aider les influenceurs à se conformer à la législation et mieux protéger les consommateurs. Le Jury pour les pratiques éthiques en publicité (JEP) veille au respect de ces règles en donnant des conseils préventifs et en prenant des décisions non contraignantes suite à des plaintes.
Qui peut m'aider ?
Evénements
Actualités