Lancer son site e-commerce, c’est bien. S’assurer qu’il est en ordre avec les réglementations économiques, c’est mieux. Mais quelles sont précisément vos obligations ? Découvrez dans cet article ce que vous devez absolument vérifier pour que votre boutique en ligne soit conforme à la réglementation en vigueur.
Disposer d’un e-shop en ordre ne signifie pas « avoir des CGV » !
Pour vendre en ligne et créer un site d’e-commerce, il faut passer par beaucoup d’étapes : prévoir une charte graphique, décliner ses arguments commerciaux, créer des fiches-produits, paramétrer le tunnel de commande et ses moyens de paiement, etc.
Et c’est souvent tout à la fin du processus de création de l’e-shop, que le ou la responsable de projet se dit « ah, il faudrait maintenant que le site soit en ordre ! ». Lors de la mise en ligne du site, il arrive même que les pages légales ne soient même pas remplies.
La croyance populaire veut que le fait « d’avoir des conditions générales de vente » est la condition nécessaire et suffisante pour être en conformité avec la réglementation. Et pourtant… en Belgique, rien n’oblige à avoir des CGV ! Ce qui signifie qu’un site n’est pas officiellement dans l’illégalité s’il n’en a pas. Et il ne suffit pas de publier des CGV pour considérer que le site est en ordre.
Précision importante
Bien que le conditions générales de vente ne soient pas obligatoires, il est quand même fortement conseillé de les publier, car elles visent plutôt à protéger le vendeur contre certains abus ou situations non prévues par la Loi, et pour lesquelles il est préférable pour le vendeur de faire accepter par l’acheteur la position envisagée afin de pouvoir la faire appliquer le cas échéant devant le Juge de paix.
Que faire pour avoir un e-shop conforme ?
Mais alors, si les CGV ne sont pas nécessaires, qu'est-ce qu'il faut faire pour être en règle?
Damien Jacob, chargé de cours et de formation à l’EPHEC Bruxelles, à HEC-ULiège et à la faculté de Droit de l’Université de Strasbourg, nous éclaire. Il nous livre également des retours d’expérience de terrain, fruit de son activité au sein du cabinet-conseil Retis.be, spécialisé dans l’accompagnement en e-commerce d’indépendants et entreprises de tout secteur.
Pour être en ordre en Belgique, 4 grands aspects doivent être vérifiés :
- La présence d’informations complètes sur le vendeur
- La présence d’informations complètes sur les fiches-produits
- Un processus conforme au niveau du tunnel de commande en ligne
- Un processus à respecter au niveau du service après-vente
1e étape : les mentions légales
Tout professionnel présent en ligne, même s’il ne vend pas en ligne, a l’obligation de préciser :
- Son identité réelle :
- Prénom et nom s’il exerce comme personne physique, ou s’il exerce comme personne morale, le nom et le statut juridique (ex : SRL),
- le n° de TVA,
- le numéro d’entreprise (bien que les 2 identifiants soient presque similaires en Belgique, sauf le BE si le numéro TVA est intra-communautaire, parce qu’il s’agit d’une obligation harmonisée sur le plan européen) ;
- Ses coordonnées de contact :
- l’e-mail en clair, donc avec la possibilité de contacter l’entreprise pas uniquement via un formulaire de contact, sauf si celui-ci permet à l’interlocuteur de conserver une trace de son envoi,
- le numéro de téléphone (sauf si l’entreprise n’en dispose pas),
- les autres éventuels canaux de contact (fax par exemple).
- L’existence d’éventuels agréments obligatoires dans le secteur, ainsi que les obligations ou engagements déontologiques et le cas échéant les coordonnées pour contacter l’organe de régulation (ex : l’Ordre des Pharmaciens).
Ces informations sont souvent indiquées dans une page « Mentions légales » ou « Qui sommes-nous », accessible via un lien présent en bas de page du site (dans le « footer »). Car elles doivent être accessibles à partir de n’importe quelle page du site web, et, on l’oublie souvent, doivent également être accessibles à partir du profil de l’entreprise sur les réseaux sociaux.
C’est ce point de la réglementation qui génère le plus grand nombre d’« avertissements » (demandes de régularisation) lors des contrôles effectués par le SPF Economie. La non-mention de ces informations étant souvent perçue en justice comme circonstance préjudiciable au plaignant, cela risque d’alourdir une éventuelle sanction à l’égard d’un vendeur qui serait en tort pour une autre raison.
Plus d’informations.
Bon à savoir
Depuis 2016, il est également obligatoire de fournir une information sur l’existence de procédures extrajudiciaires de règlement des litiges (O.D.R – Online Dispute Resolution) avec le renvoi vers le site http://ec.europa.eu/odr. (voir PDS sur site du SPF Economie). Cette communication est généralement effectuée soit dans les mentions légales soit dans les CGV.
2e étape : les fiches de présentation de l’offre
Le consommateur doit être pleinement en mesure de juger de l’offre présentée. L’expérience sensorielle d’un produit habituellement vécue en boutique (voir, toucher, sentir, goûter) est impossible en digital. Le vendeur doit donc fournir une information et une description du produit la plus complète possible.
Ainsi, tout ce que le client aurait pu savoir en point de vente physique, même sans faire appel à un vendeur (par exemple : les caractéristiques indiquées sur une boîte d’emballage ou sur une étiquette), doit être mentionné spontanément sur la fiche produit.
Le consommateur doit également être informé dès la fiche-produit (ou via un lien cliquable) :
- des modalités de livraison possibles,
- des modes de paiement acceptés,
- des modalités du service après-vente (rétractation, processus en cas de commande non ou mal honorée , garantie légale et contractuelle),
- des obligations contractuelles éventuelles (ex : durée de celui-ci, options),
- ainsi que, très important, du prix total tout compris, c’est-à-dire avec les taxes incluses, de même qu’en intégrant le cas échéant les frais de livraison (si ceux-ci ne peuvent être calculés automatiquement, le consommateur doit pouvoir avoir accès directement de la fiche produit à un tableau où il peut déterminer, en fonction par exemple du pays de destination, du coût de la livraison).
Et ceci sans devoir créer de compte client sur le site internet.
3e étape : conformité du tunnel de commande
Il existe une série d’éléments, imposés par la Réglementation européenne 2014 de protection du consommateur achetant à distance, qui régissent l’étape de validation du panier par le consommateur :
- Les étapes du processus de commande doivent être explicites pour le consommateur et à tout moment, indiquées ;
- Il est interdit d’ajouter en cours de parcours, des options payantes pré-cochées (ces options peuvent être suggérées, mais ne peuvent se rajouter dans le panier que si l’acheteur a explicitement marqué son accord) ;
- Au moment où le vendeur souhaite que l’acheteur s’engage fermement, il est obligatoire d’afficher un récapitulatif de commande. Il s’agit d’une liste des éléments présents dans le panier (avec les informations nécessaires pour éviter toute confusion avec une autre offre), rappelant le prix total tout compris, ainsi que les conditions de vente s’y rapportant (modalités de rétractation, durée minimale du contrat). Il doit être possible de modifier les quantités, supprimer, ou bien de revenir en arrière à l’étape qui permet d’effectuer ces changements ;
- Le vendeur doit faire approuver séparément la politique vie privée (conformément aux obligations liées au RGPD) et les éventuelles conditions générales de vente (disponibles dans la même langue que la commande, conservables et imprimables complètement). La preuve de leur acceptation incombe au vendeur, de sorte qu’il est recommandé de les faire valider par une case à cocher explicitement (du style « je confirme avoir pris connaissance et avoir accepté les CGV »), afin de les rendre opposables.
- Enfin, très important, pour que la commande soit ferme, il faut prévoir un bouton de signature de ce bon de commande (différent du bouton de validation du mode de paiement). La réglementation impose que ce bouton comporte la mention « commande avec obligation de paiement », ou une formule qui ne peut laisser place à l’ambiguïté, indiquant que passer la commande oblige à payer l’entreprise. Les termes « payer maintenant », « commander et payer », « valider l’achat », « j’achète » sont généralement considérés comme valables. Mais « suivant », « confirmer », « commander », « réserver », « clôturer »,… ne sont pas conformes car ne reprennent pas la notion de paiement. Si ce point n’est pas respecté, la réglementation prévoit une sanction civile qui considère que le vendeur est tenu par le contrat conclu, mais que le consommateur n’est pas lié par la commande (donc pas tenu de payer).
4e étape : Processus après la commande
Après la commande en ligne, le vendeur a encore des obligations légales à respecter : il doit notamment « transmettre un accusé de réception » (différent de la facture), qui est une sorte de duplicata du bon de commande.
Cet accusé est souvent automatiquement par la plateforme d’e-commerce. Mais il doit comporter des éléments importants à vérifier, donc, par le vendeur :
- le rappel de l’existence (ou pas) d’un droit de rétractation,
- le lien vers le formulaire de rétractation et les CGV,
- un numéro de référence pour faciliter les contacts au niveau du service après-vente (recommandé, mais pas obligatoire).
Le vendeur doit également permettre à l’acheteur de conserver cet accusé sur un support durable, par exemple, en intégrant un bouton « imprimer cette page, et, parallèlement, envoyer cette confirmation de commande par e-mail ».
Le droit de rétractation en e-commerce
En cas d’achat à distance, il existe un droit de rétractation prévu par la Réglementation européenne de 2014. L’objectif est de protéger le consommateur en ligne, qui n’aurait pas eu l’occasion de bien percevoir l’offre, en lui permettant de renoncer à son achat après coup.
Il s’agit d’un droit légal en BtoC, et non un geste commercial, applicable dans tous les cas (sauf 14 exceptions très précises dont nous parlerons plus bas). C’est donc une obligation incontournable pour le vendeur.
Quant au délai de réflexion, il ne peut être inférieur à 14 jours à dater de la réception du bien par l’acheteur (et non à dater de la commande, sauf s’il s’agit d’un service commandé en ligne).
D’un point de vue pratique, la réglementation oblige le vendeur à signaler pro-activement ce droit de rétractation et de fournir les informations complètes, y compris un formulaire-type (sinon le délai est rallongé de 12 mois et le consommateur n’est pas responsable de la dépréciation du bien). Mais le consommateur peut valablement exercer son droit par un autre moyen s’il le souhaite (e-mail, courrier, formulaire en ligne…). De plus, ce dernier n’est pas obligé de communiquer une raison pour faire valoir ce droit.
Dans le cas d’un remboursement de l’achat, des règles sont également précisées par la réglementation :
- Le remboursement de la commande et des frais de livraison standard doit s’effectuer dans les 14 jours après exercice du droit de rétractation et le consommateur doit renvoyer le produit dans ce même délai.
- Le remboursement peut être postposé jusqu’à réception de la preuve de renvoi de celui-ci (si stipulé dans le contrat / CGV), mais pas au-delà de 14 jours.
- Le remboursement (par le même moyen de paiement que celui utilisé lors de l’achat, sauf accord du client) doit être le premier choix proposé, avant une éventuellement suggestion de bon d’achat.
- Les frais de renvoi peuvent être incombés au client, de même que les éventuelles dégradations résultant de manipulations des biens (autres que nécessaires pour établir la nature, les caractéristiques et le bon fonctionnement des biens), si cela est bien stipulé dans le contrat.
Parmi les 14 exceptions au droit de rétractation que le législateur a explicitement autorisées, les plus fréquentes sont :
- les contrats de service (après que le service ait été pleinement exécuté),
- la réservation de prestation de services (tickets de transport, tickets de spectacles et attractions, réservation d’hébergement, de location de véhicules,…) si le contrat prévoit une date ou une période d’exécution spécifique,
- la fourniture de biens confectionnés selon les spécifications du consommateur ou nettement personnalisés,
- la fourniture de biens susceptibles de se détériorer ou de se périmer rapidement,
- la fourniture de biens scellés ne pouvant être renvoyés pour des raisons de protection de la santé ou d’hygiène et qui ont été descellés par le consommateur après la livraison (médicaments, cosmétiques,…).
Plus d’informations sur les exceptions ici.
Pour aller plus loin sur la question de ce qui peut être retourné ou non au vendeur, la jurisprudence a déjà statué sur quelques articles particuliers : par exemple, un e-commerçant ne peut refuser le retour d’un matelas et par analogie un maillot de bain.
Le droit de rétractation est également applicable auprès d’un vendeur professionnel pour des produits soldés ou en sonde main.
En revanche, le vendeur peut mentionner dans les CGV que le droit de rétractation ne s’applique pas en cas d’achat par un professionnel.
Les Conditions Générales de Vente
Comme indiqué précédemment, il n’est pas obligatoire en Belgique de publier des conditions générales de vente sur un e-shop (même si, nous le rappelons, toutes les obligations d’informations expliquées ci-dessus doivent être respectées, et que souvent la forme la plus simple de le faire est de reprendre par exemple les dispositions en matière de service-après-vente dans les CGV). Par contre, elles sont très recommandées.
Elles régissent les relations contractuelles, de façon standardisées, et en pratique, servent plutôt à protéger le vendeur, mais dans les limites permises par la réglementation, à condition qu’elles aient été acceptées explicitement par l’acheteur, et que les clauses reprises soient valables, non abusives.
Par exemple, il ne sert à rien d’y indiquer que le consommateur ne peut pas se rétracter après 7 jours à dater de la commande, ou y exclure toute responsabilité pour les textes et illustrations publiés, ou encore exclure sa responsabilité en cas de problème de livraison.
Les clauses qui pourraient être rédigées et qui seraient contraires à une réglementation, ou créent un déséquilibre disproportionné avec l’acheteur, ne seront dès lors très probablement pas prises en considération en justice.
Comment rédiger ses propres CGV ?
La plupart des CGV qui circulent « libre de droit » ne reprennent que les termes de la Loi (car le droit d’auteur ne s’y applique pas), parfois même la Loi d’un autre pays, et sont donc superflues. Il est donc judicieux que les clauses tiennent bien compte du secteur d’activité ainsi que de l’approche et de la manière dont l’e-commerçant souhaite gérer son service à la clientèle.
Attention également à ne pas reprendre des CVG d’un autre e-shop sans son accord (il s’agirait d’une violation du droit d’auteur, et la situation serait encore aggravée s’il s’agit d’un concurrent puisqu’il s’agirait d’une action de parasitage économique).
Pour en savoir plus
Un soin particulier a été entrepris dans la rédaction de cet article, mais il n’est pas possible ici d’aborder en profondeur tous les aspects de la règlementation e-commerce. Certaines simplifications ont par ailleurs été opérées pour rendre la lecture la plus accessible et pédagogique.
Voici quelques liens utiles qui vous permettront d’aller plus loin dans ce sujet :
- La rubrique « publications » du site du cabinet conseil en e-commerce Retis. Celui-ci, de même que de nombreux cabinets d’avocats sont susceptibles d’apporter un conseil personnalisé et d’accompagner les entreprises qui souhaitent vendre en ligne dans leur démarche de mise en conformité.
- Le site www.infoshopping.be du SPF Economie illustre de façon pédagogique cette réglementation en l’appliquant à un e-shop fictif. Des « guidelines » peuvent y être consultés.
- L’organisme de formation TechnofuturTIC propose une formation en ligne sur la réglementation économique en e-commerce. Celle-ci est accessible gratuitement aux demandeurs d’emploi.
- Bruxelles Formation propose une formation en e-commerce pour les demandeurs d’emploi, qui aborde notamment la réglementation
- Au-delà de l’aspect réglementation, des fiches pratiques pour se lancer dans la vente en ligne sont consultables sur le site lancezvotrenentreprisenligne.
- Sur ce site, hub.brussels diffuse également 10 conseils pratiques avant de se lancer, de même qu’une fiche pratique spécifiquement pour faire de l‘e-commerce vers le Royaume Uni.
Auteur: Damien Jacob, Retis, juin 2024
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