Après avoir enchaîné des missions pour plusieurs ONG internationales - l’une active sur le plan des droits de l’homme, l’autre dans le développement durable - Héléna Van Aelst décide se lancer, à 29 ans, dans une nouvelle aventure : le lancement de Wonderloop, un pop-up store où on peut découvrir des marques à la fois élégantes, éthiques et éco-responsables.
Comment est née l’idée de Wonderloop ?
Sur le plan professionnel, mon expérience au sein d’ONG internationales n’avait pas entièrement répondu à mes attentes: le travail m’y est apparu trop bureaucratique et trop dans la critique, pas assez dans la construction. C’est cependant dans ce cadre que j’ai eu l’occasion de me pencher sur les problématiques relatives à l’électronique et au textile. On sait que des enfants travaillent dans les ateliers de confection, et après avoir approfondi la question de la fast fashion versus la slow fashion, j’ai essayé de faire plus attention à la façon dont je m’habillais.
Peu attirée par la seconde main, pas du tout par les achats en ligne et faute de boutiques correspondant à mes critères à Bruxelles, je me suis retrouvée frustrée d’achats pendant six mois. Aussi lorsqu’à la mi-octobre 2016 j’ai découvert à Paris une boutique qui vendait des marques que j’avais déjà repérées en ligne et que je savais durables, j’ai eu une sorte de révélation: je me suis dit ‘il faudrait une boutique comme cela à Bruxelles’ puis ‘tiens, si j’en ouvrais une ?’ Je me suis dit que l’entreprenariat me permettrait de m’épanouir... Même si un an plus tôt lors d’une formation où j’avais côtoyé des candidats à l’ouverture d’un commerce, il m’avait semblé évident que je n’avais pas la fibre entrepreneuriale. C’est donc vraiment l’idée qui a suscité l’envie de me lancer.
Décrivez-nous le processus de création de Wonderloop
J’ai eu l’idée mi-octobre 2016 et je m’y consacre à plein temps depuis janvier 2017. J’ai commencé par enchaîner plusieurs formations: une formation pour l’entreprenariat féminin de deux mois au Credal, une formation en gestion à l’EFP (Centre de formation en alternance des classes moyennes) et à partir d’avril 2017, j’ai intégré le Greenlab dont la définition est d’être un accélérateur et c’est vraiment ce que j’ai ressenti: on m’y a insufflé la confiance nécessaire pour que début juin, je décide de passer à la phase test. Début juillet, en quête de la structure nécessaire à cette étape, j’ai consulté le 1819 qui m’a conseillé JobYourself.
Grâce à eux, j’ai pu concrétiser mon projet début août. Tout cela m’a pris moins d’un an. J’ai ouvert mon premier pop-up store onze mois après avoir eu l’idée. Je ne sais pas si c’est rapide ou lent mais, moi, ça me va!
Laquelle de ces aides a été la plus déterminante ?
Chacune d’entre elles m’a apporté quelque chose: le Credal m’a apporté confiance en moi mais aussi une forme de pragmatisme et d’humilité par rapport au projet. La réussite d’une idée, aussi bonne soit-elle, dépend de sa réalisation.
Le Greenlab apporte des conseils de méthodologie, il vous pousse à passer de la réflexion aux actes. JobYourself, une coopérative d’activité réservée aux chômeurs indemnisés depuis un certain temps désirant devenir indépendants, m’a donné les moyens de tester mon idée: pendant les dix-huit mois maximum de la phase test, les candidats entrepreneurs conservent leurs allocations de chômage et peuvent utiliser le numéro de TVA de JobYourself qui fournit un coach et se charge de la comptabilité. C’est vraiment une transition en douceur vers la création d’une activité indépendante. Sans le Credal, pas de Greenlab et sans le Greenlab, pas de JobYourself !
Comment s’organise votre activité ?
Dans le cadre du Greenlab, j’ai rencontré Selene, une jeune designeuse suisse de mon âge spécialisée dans tout ce qui est récupération et revalorisation de textile. Elle développe notamment une gamme de sacs élaborés à partir de parapluies cassés donc imperméables. Ses créations seront les bienvenues dans ma boutique au même titre que les autres créateurs durables que nous distribuerons. Par ailleurs, elle m’aide pour la sélection des articles, les commandes, les relations avec les fournisseurs…
Nous voulons offrir un maximum de marques responsables tout en restant dans un style assez sobre et élégants contrairement à l’image courante de la mode éthique très colorée, folklorique, baba-cool. Nous travaillons avec deux types de fournisseurs: des petits créateurs belges et européens qui produisent des pièces uniques en quantités limitées comme ces sacs réalisés par des créateurs grecs au départ de chutes de toile d’auvents de balcon. Idéologiquement c’est l’idéal car il s’agit d’upcycling, de la réutilisation de matière, et socialement tout est produit en Europe. Mais le coût est trop élevé pour permettre à tout le monde d’y accéder. Nous travaillons donc aussi avec des marques durables qui existent depuis quinze ou vingt ans et possèdent des labels garantissant que le coton utilisé est bio et que les conditions de fabrication respectent les droits des travailleurs.
Nous nous situons dans une gamme de prix allant de 10 € pour des chaussettes jusqu’à 150-165 € pour les petits créateurs. Il est important pour nous de rester relativement accessibles, de manière à inciter les gens à se demander: ai-je besoin de deux T-shirts à 15 € ou d’un T-shirt à 30 € ? Nous voulons démontrer qu’il y a moyen de consommer moins mais mieux.
Quelles sont vos premières conclusions au bout de ces onze mois de fonctionnement ?
Pour l’instant, j’ai ouvert des pop-up stores dans deux espaces que j’avais trouvés par moi-même: d’abord un café place du Jeu de Balle disposant d’une salle à l’étage que la gérante a très sympathiquement et très généreusement mise à notre disposition pendant les deux jours du week-end sans voiture. C’était exactement ce que je désirais. Nous y avons une centaine de visiteurs répartis en un tiers d’amis, un tiers d’amis d’amis et un tiers d’inconnus. En octobre ensuite, nous nous sommes installés pendant quatre jours au 91 rue de Flandre dans une galerie d’artistes accessible aussi à d’autres personnes intéressées par l’espace. La localisation était meilleure et nos visiteurs ont été à 80 % de personnes que je ne connaissais pas, attirée par la communication sur la page facebook de Wonderloop ou entrées par hasard. C’est un bon démarrage, mais cela reste un démarrage. Il faut arriver à aller chercher les clients, à leur faire savoir qu’on est là. L’enjeu est la communication.
Nous renouvelons l’expérience rue de Flandre depuis le 3 novembre pour trois mois, jusqu’au 31 janvier. Ouvrir trois mois, c’est mieux qu’ouvrir quatre jours! On va profiter des fêtes et des soldes, périodes propices aux achats. Ce sera l’occasion de proposer l’alternative d’acheter du beau qui soit responsable car tout ce qu’on vend est fabriqué en respectant l’environnement et les droits des travailleurs.
J’adore l’aspect touche à tout de cette activité: s’occuper de la stratégie, de la communication et être au contact des clients. En boutique, on fait des rencontres: des gens agréables, d’autres un peu plus farfelus. Cela me correspond assez bien.
Dans la réussite d’un tel projet, il y a un facteur chance mais surtout un facteur travail. Il faut travailler encore et encore pour mettre toutes les chances de son côté. Il faut faire de la communication en ligne, rencontrer les media, être à l’écoute, noter, mesurer tout ce qui se passe, … Pour le moment, je me consacre à mon projet plus qu’à plein temps. Physiquement et mentalement, c’est un rythme exigeant…
Quels conseils donneriez-vous à des aspirants entrepreneurs ?
Ce n’est pas facile a priori, mais c’est un conseil que les coachs répètent avec raison: il faut parler de son projet même si on a l’impression que tout le monde a la même idée. Et surtout il faut être très à l’écoute de ce que les gens disent. Lorsqu’on a une idée, on est souvent très, trop centré dessus, on a l’impression qu’elle est déjà parfaite alors qu’elle nécessite encore énormément de travail.
Il faut aussi recourir aux structures d’accompagnement. Je n’ai pas fait d’école de commerce, je n’ai pas de formation à l’entreprenariat. Ces structures font toute la différence. On y trouve beaucoup d’écoute, jamais de jugement sur le projet. On y apprend l’humilité, le pragmatisme par rapport à son projet et l’importance du travail.
Enfin, il faut tester son concept au plus vite, cela aussi on nous le répète. J’étais terrorisée au moment de me lancer parce que c’est quitte ou double. Mais il vaut mieux tester très tôt, à petite échelle, pour pouvoir se réorienter en cas de besoin, plutôt que tester une fois qu’on est installé, quand il est beaucoup plus difficile de rectifier le tir si on s’est trompé.
Le pop-up store slow fashion de Wonderloop est ouvert du 3 novembre au 31 janvier, au 91 rue de Flandre à 1000 Bruxelles, du mardi au samedi, de 11h à 18h30. En Décembre, les horaires d’ouverture changent : du mercredi au dimanche, de 12h à 20h.