En raison des différences dans les législations nationales et de l’absence de notion de secrets d'affaires à l'échelle européenne, le vol de secrets d'affaires s'est répandu de plus en plus au sein de l’UE. Pourtant, lorsqu'une PME, entreprise en démarrage ou entreprise innovante commence à développer un projet, le secret sur le produit imaginé, sur sa création ainsi que son développement est un atout concurrentiel, voire une nécessité commerciale. Consciente de ce problème, la Commission Européenne propose d'améliorer cette protection dans une nouvelle directive. Récapitulatif...
Pourquoi l’adoption d’une directive relative au secret d’affaires ?
En 2013, la Commission européenne a porté son attention sur le secret d’affaires et a constaté que les législations des pays européens n’étaient pas uniformes. En effet, certaines législations protégeaient le secret d’affaires, alors que d’autres n’y consacraient que peu, voire même aucune règle protectrice. La notion de secret d’affaires était particulièrement floue. Face à ce constat, la directive 2013/0402 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués (secrets d’affaires) contre l’obtention, l’utilisation et la divulgation illicites a vu le jour. Cette directive est encore au stade de proposition et se discute actuellement au Parlement européen mais son adoption ne saurait tarder.
En Belgique, tout comme dans de nombreux pays de l’Union européenne, il n’existe pas à proprement parler de définition spécifique du secret d’affaires. Les mesures de protection disponibles sont en outre fortement limitées, puisque les personnes, entreprise ou sociétés voulant protéger leurs secrets, n’ont d’autre solution que de se tourner vers les clauses de confidentialité ou la protection limitée qu’offre le droit des brevets ainsi que le droit des marques.
Il n’y a actuellement, en tout état de cause, pas de mesures de protection aussi étendues que celles proposées par la directive.
La directive pourrait donc s’avérer innovante, puisqu’elle suggère une définition détaillée du secret d’affaires tout en prévoyant des sanctions en cas d’utilisation illicite de celui-ci.
Qu’est-ce qu’un secret d’affaires selon la nouvelle directive?
Le secret d’affaires sont des informations secrètes, ayant une valeur commerciale en raison de leur caractère secret, et pour lesquelles la personne qui en a le contrôle a pris l’ensemble des dispositions raisonnables afin de maintenir leur caractère secret. Autrement dit, le secret d’affaires, pour en être un, doit rassembler les 3 éléments suivants :
- être une information secrète ou confidentielle ;
- avoir une valeur commerciale en raison de son caractère secret ;
- la volonté de son détenteur de vouloir la garder secrète.
Ces 3 caractéristiques étant cumulatives, l’absence d’une seule d’entre elles permet de considérer que l’information n’est pas protégée par le secret d’affaires.
La proposition de directive envisage notamment une liste de circonstances où il y a divulgation, obtention ou utilisation illicite du secret d’affaires, ainsi qu’un listing d’actes considérés comme étant illicites (article 3 de la directive). Parmi ces actes, on retrouve notamment le vol de données, le non-respect d’un accord de confidentialité,…etc.
Mais ce qui est intéressant c’est qu’elle tente également d’uniformiser des sanctions en cas de divulgation du secret d’affaires.
Il s’agit là d’une reconnaissance claire du dommage économique et compétitif qu’une personne ou une entreprise peut subir en cas de divulgation de ses secrets d’affaires.
Quelle est la différence entre le brevet et le secret d’affaires ?
Concrètement, la protection que fournit le brevet est limitée dans le temps. L’obtention d’un brevet nécessite la réunion de plusieurs conditions ainsi que des frais d’enregistrement. Il existe aujourd’hui différents types de brevet dont l’étendue de la protection territoriale variera. L’avantage du brevet est qu’il confère à son titulaire un droit exclusif, à savoir celui d’empêcher tout tiers d’utiliser son produit.
A contrario, le secret d’affaires n’est pas limité dans le temps. Il ne nécessite pas non plus l’accomplissement de formalités, ni le paiement d’une taxe d’enregistrement. Il sort ses effets directement.
Le désavantage principal du secret d’affaires est que s’il est dévoilé, le propriétaire du produit ne pourra pas empêcher un tiers, autre que le contrevenant, à utiliser le secret dévoilé. Quelle protection choisir alors, le brevet ou le secret d’affaires ? Les deux ont des avantages et des inconvénients. Tout dépend de la perspective d’évolution du produit dans le temps.
Certaines entreprises ont fait le choix, à la fin du 19ème siècle de ne pas breveter leurs produits mais de les protéger par le secret d’affaires. Ce choix leur a permis d’être, aujourd’hui, les seuls à produire ce type de produits (goût, texture, …) . Il s’agit par exemple de la société Coca-Cola qui a gardé la recette de son breuvage secret depuis 1886. La préservation de ce secret présente aujourd’hui un coût important pour l’entreprise.
Il existe aussi chez nous, une entreprise qui a préféré, en 1882, garder la recette de ses gaufres secrètes. Il s’agit du restaurant « Marie Siska » à Knokke-Heist et de ses célèbres gaufres. La pâte des gaufres est préparée par le propriétaire du restaurant dans une pièce dont lui seul à la clé.
Si votre secret d’affaires est dévoilé, quels sont les moyens de recours ?
Le détenteur du secret d’affaires pourra demander en justice :
- des mesures provisoires et conservatoires afin de limiter les conséquences, principalement économiques et compétitives, de cette atteinte ;
- une mesure de confidentialité durant la procédure judiciaire ;
- l’interdiction d’utiliser ou de divulguer le secret d’affaires, sous peine d’astreinte par exemple ;
- l’interdiction de fabriquer, d’offrir, de mettre sur le marché ou d’utiliser les produits délictueux, sous peine d’astreinte par exemple ;
- certains types de mesures dites correctives (il s’agit notamment de la destruction des informations secrètes obtenues illicitement) ;
- en cas de préjudice subi, des dommages et intérêts ;
- la récupération des bénéfices illicitement obtenus par le contrevenant ;
- la publication du jugement, pour autant que le secret d’affaires ne soit pas divulgué dans celui-ci ;
- ….
Secret d’affaires : comment s’y prendre concrètement
En pratique, il convient de veiller à identifier clairement les informations pouvant être considérées comme relevant du secret d’affaires. Pour démontrer votre volonté que l’information demeure secrète, vous pourriez par exemple :
- apposer lisiblement un cachet « secret d’affaires » sur les documents à protéger.
- veillez à limiter le nombre de personnes détentrice du secret d’affaires.
- veillez à prévoir des clauses de protection du secret d’affaires lors de la conclusion de vos contrats (clause de protection des secrets d’affaires, clause de confidentialité, pénalités y afférentes,…).
Frédéric Dechamps
Avocat au barreau de Bruxelles – cabinet lex4u.com
Chief Document Officer de Lawbox.be (documents juridiques en ligne)