Peut-être les avez-vous déjà vues. Lors d’un repas entre collègues quand manger ensemble était encore chose aisée, sur le comptoir d’un restaurant pratiquant le take away, dans les rayons d’une boutique ou même dans le cartable d’un enfant. À moins que vous utilisiez vous-mêmes l’une des lunchbox en inox de Tiffin, un concept que Violaine Dupuis, sa créatrice, développe à Bruxelles depuis quelques années déjà.
Cela fait longtemps que Violaine Dupuis cultive une conscience écologique sincère. Qu’elle est particulièrement sensible aux différents aspects du développement durable et du réemploi. Et qu’elle accorde une grande importance à la dimension santé de ses initiatives. Rien d’étonnant donc à ce qu’elle se soit émue de la quantité astronomique de déchets générés par le recours croissant aux récipients à usage unique pour le conditionnement des repas à emporter, et qu’elle ait cherché une solution. Elle dont le travail de fin d’étude à l’ICHEC s’intitulait «L’utilisation des contenants réutilisables dans la restauration à emporter» a donc créé Tiffin, concept de cercle vertueux du take away à Bruxelles grâce à des boîtes à repas zéro déchet en inox.
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Un projet vertueux en pleine évolution
«Quand j’ai conçu le projet, j’avais dans l’idée de faire de l’économie de fonctionnalité, détaille la jeune femme. Je voulais proposer aux travailleurs appelés à prendre leur repas sur leur lieu de travail un système de consigne ou d’abonnement à un service basé sur la collaboration avec les restaurateurs du quartier. Les clients se seraient affiliés au système pour une vingtaine d’Euros puis auraient pu disposer de leur lunchbox en inox moyennant un système de consigne. Les restaurateurs membres du réseau qui réaliseraient une économie en proposant cette solution comme alternative aux coûteux contenants à usage unique leur accorderaient en outre une réduction.» Petit à petit, le concept a évolué vers la vente des lunchbox en direct, en boutique et auprès des restaurants partenaires. Les consommateurs, désormais propriétaires à part entière de leur boîte à repas vertueuse, restent libres d’acheter leur repas auprès des membres du réseau ou dans des restaurants extérieurs. «On connaît la volatilité des consommateurs, on sait qu’ils ne se fournissent pas systématiquement chez un seul et même restaurateur, observe Violaine Dupuis. Au départ, le nombre de restaurants partenaires assez réduit risquait de constituer un frein. Je suis donc partie du principe que le consommateur allait ‘éduquer’, ‘donner l’idée’ de la lunchbox réutilisable aux commerçants chez qui il achète des plats à emporter, et c’est ce qui s’est produit.»
Un choix réfléchi
Le choix de l’inox pour les lunchbox de Tiffin n’est pas le fruit du hasard. «J’ai opté pour l’inox parce que ce matériau ne s’altère pas avec le temps, est très hygiénique et ne provoque pas de migration chimique, précise Violaine Dupuis très attachée à la composante ‘santé’ de son projet. De tels contenants sont encore utilisés aujourd’hui en Inde. La lunchbox de Tiffin vient d’ailleurs d’Asie, plus exactement de Corée du Sud, parce qu’en Europe, on ne travaille plus guère ce type de produit en inox.» Et elle ajoute que par souci de cohérence et dans le cadre d’une présentation au Greenlab, elle a même examiné la possibilité de collecter l’inox qui possède une valeur marchande, de le revendre au kilo et d’investir l’argent dans une petite structure susceptible de refabriquer des boîtes Tiffin en Belgique.
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Une expérience professionnelle riche et diversifiée
Voilà donc un projet mûrement réfléchi, argumenté. Il est vrai qu’avant de se lancer dans l’entrepreneuriat, Violaine Dupuis avait mené une carrière professionnelle riche et diversifiée: après des études de communication, elle passe huit ans aux Pays-Bas où elle enchaîne un stage Erasmus et un emploi dans une société de location en ligne de maisons de vacances, un créneau alors innovant où elle s’acquitte de missions parfois très éloignées de sa formation.
À son retour en Belgique, elle rejoint la Croix Rouge où elle multiplie aussi les expériences professionnelles, de l’organisation de la campagne annuelle de récolte de fonds au développement d’un réseau de boutiques de seconde main. Pendant cette période, elle boucle un cycle de deux années d’études en gestion commerciale à l’ICHEC et, en 2016, crée Tiffin sous statut d’indépendante complémentaire avant, début 2019, de faire le grand saut.
Elle opte pour le statut Tremplin Indépendant qui garantit pendant un an à l’aspirant entrepreneur un revenu garanti sous réserve de ne pas dépasser un certain montant de bénéfices nets, et envisage de passer ensuite dans le giron de la coopérative d’activités JobYourself qui offre en outre un encadrement précieux à l’entrepreneur débutant. «J’avais envie de mettre toutes les chances de mon côté, de ne pas travailler seule, précise-t-elle. Je trouvais intéressant de bénéficier de l’écoute d’un coach. Je pense d’ailleurs qu’il faut insister sur l’intérêt de faire appel à des structures existantes. Elles sont là, à notre disposition et permettent vraiment de challenger, de réfléchir, donnent de précieux outils.» Armée d’un bon business plan, elle devient indépendante à titre principal à la veille du premier confinement.
Remise en question
«Le confinement de mars 2020 a fait chuter mon revenu de 70% puisque je travaille à 50% avec des restaurants, à 20% avec des traiteurs et à 30% avec des magasins, détaille Violaine Dupuis. J’ai contacté le 1819 pour avoir des renseignements et recourir au droit-passerelle. Pour m’adapter, j’ai multiplié les collaborations avec des magasins, des sociétés de vente en ligne ou des chaînes avec lesquelles je ne travaillais pas encore en Wallonie. Ce faisant, j’ai un petit peu mis de côté l’essence de mon projet que j’avais lancé pour réduire les déchets d’emballages. La fermeture de nombreux restaurants et des bureaux m’y a contraint. »
Dans ce contexte, certaines commandes ont été providentielles : «Il peut arriver qu’une administration ou une université me contacte parce qu’elle anticipe la réouverture de sa cafétéria et veut offrir un cadeau utile et durable à ses employés. Pour elle, ce n’est pas un grand budget mais moi, cela me permet de tenir. J’ai aussi été en contact avec le 1819 à la recherche de micro-crédits pour financer des achats de marchandise pour ces commandes plus importantes.»
Perspectives
Violaine Dupuis garde le cap en pensant à de belles histoires, comme cette collaboration qui se poursuit depuis 2016 avec les étudiants de La Cambre bien décidés à privilégier les contenants réutilisables. Ils ont trouvé une formule financière rendant l’utilisation des assiettes Tiffin par leurs pairs incontournable. Leur dernière commande en décembre dernier avait tout pour rebooster le moral de la jeune entrepreneuse. Ou ce partenariat avec une influenceuse qui va décrire à sa communauté son utilisation des récipients Tiffin durant un voyage en van à travers l’Europe tendant vers le zéro déchet. Pour montrer qu’on s’habitue au changement.
Violaine Dupuis continue à se projeter dans l’avenir. Elle insiste: «Il y a encore beaucoup à faire. Et si des grosses structures comme Deliveroo décidaient du jour au lendemain de travailler avec des lunchbox réutilisables, si la législation interdisait les lunchbox à usage unique ou les rendait payantes comme les sacs, cela donnerait un fameux coup d’accélérateur.»
En savoir plus? Visitez www.tiffin.be
Interview par Catherine Aerts