Si, dans les bureaux, remplacer le distributeur automatique de friandises aussi mauvaises pour la santé que néfastes pour l’environnement par un bar à céréales et fruits secs bio et zéro déchet, c’est possible et même apprécié ! Virginie de Selliers et son BulkBar le prouvent depuis plusieurs mois déjà. Le projet né à Bruxelles est même en train d'essaimer en région carolorégienne.
Les journées sont longues quand on est une jeune avocate au début d’une carrière prometteuse. Au fil de ces innombrables heures de travail, coups de fatigue et fringales guettent. La tentation est alors grande de se précipiter au distributeur tapi dans la salle de repos ou au night shop le plus proche pour trouver de quoi se caler l’estomac à coups de barres chocolatées et autres confiseries industrielles peu diététiques et suremballées. Voilà qui ne pouvait qu’interpeller Virginie de Selliers, jeune juriste sensible aux enjeux environnementaux ainsi qu’aux vertus d’une alimentation responsable.
Du bon et du bio en libre-service
La jeune femme, habituée des magasins proposant des produits en vrac, a une idée simple et originale: proposer sur les lieux de travail des distributeurs zéro déchet de céréales et de fruits secs, histoire de garantir à tous les travailleurs et à toute heure des encas sains, savoureux, bio et écoresponsables. Un choix de vingt variétés différentes est proposé aux entreprises qui accueillent l’un de ces distributeurs. Elles en choisissent six et sont livrées aussi souvent que nécessaire avec la possibilité de modifier leur choix au fil du temps, des saisons, des préférences de leur fournisseur et des préférences de leurs collaborateurs. Cette innovation a un nom: le BulkBar.
Démarrage en douceur
De la théorie à la pratique, il n’y a qu’un pas que la jeune femme franchit tout en douceur en commençant par concevoir le meuble destiné à accueillir les six contenants de céréales et de fruits secs qui constitueront le BulkBar. Pour elle, pas question d’agir dans l’urgence. «Je ne me sentais pas mal dans mon statut d’avocat, commente-t-elle. Cette carrière m’offrait la perspective d’un avenir tout tracé et avant de changer d’orientation, je désirais boucler une boucle, terminer le stage long de trois ans dans cette profession.» Mais l’envie de créer sa propre activité, et surtout la conviction que c’était possible, était bien là. «Sans doute est-ce dû au fait que je suis issue d’un milieu où l’entrepreneuriat est profondément enraciné. Je suis entourée d’amis et de proches qui ont déjà créé leur propre entreprise. Ils m’ont conseillée, encouragée, ont considéré mon projet avec bienveillance. Bref, je me suis dit qu’en cas d’échec, je ne risquais pas grand-chose, hormis peut-être le regard désapprobateur de quelques personnes.»
Développement ralenti mais pas enrayé par la crise
BulkBar voit donc le jour fin 2019, quelques mois à peine avant le déclenchement de la crise du covid-19. «Heureusement que je me suis lancée à ce moment-là, commente Virginie de Selliers. J’ai eu le temps de commencer à m’implanter dans les entreprises avant que tout s’arrête.
Quelques mois plus tard, je n’aurais sans doute pas abandonné mon job d’avocate pour le lancement de BulkBar.» Le confinement et la généralisation du télétravail ont bien sûr ralenti le développement de BulkBar «Mais heureusement pour nous, rares sont les entreprises qui ont été en mesure de neutraliser totalement leurs locaux. Même si le télétravail est la règle, certains collaborateurs doivent encore fréquenter leur lieu de travail pour des raisons purement pratiques, et éprouvent la tentation de s’offrir un petit grignotage à l’occasion de leur visite. En outre, nos produits jouissent d’une très grande longévité, ce qui nous permet de gérer au mieux l’approvisionnement des BulkBars.»
Quant aux meubles, ils ont été conçus d’emblée pour répondre aux normes sanitaires les plus sévères: «Le seul point de contact entre les différents consommateurs et notre dispositif est la molette qui permet de libérer la ration de céréales ou de fruits secs. Pour en garantir la parfaite propreté, la présence d’un flacon de lotion désinfectante est prévue sur le meuble», précise la jeune femme.
Les vertus de l’incubateur
Pour débuter son activité, Virginie de Selliers a pu bénéficier du soutien de Groupe One au Village Partenaire dont la mission est de faciliter la transition vers une économie durable, et plus particulièrement de proposer des programmes et des outils pour favoriser le développement de l’entrepreneuriat durable à Bruxelles et en Wallonie. Elle a ainsi eu l’occasion d’intégrer l’incubateur ‘Boost Your Project’, un type d’encadrement qu’elle recommande chaleureusement aux autres néo-entrepreneurs. «Quand on travaille seul au lancement de son activité, il peut arriver que l’on ressente un sentiment d’isolement. Côtoyer d’autres entrepreneurs, eux aussi en phase de développement, se rendre compte qu’ils rencontrent les mêmes difficultés, éprouvent les mêmes doutes, mais sont aussi animés par les mêmes idéaux constitue une aide appréciable.»
Duo de choc
Virginie de Selliers a commencé son activité seule, mais au bout de quelques mois, elle a été rejointe par Gilles Waterkeyn, titulaire pour sa part d’un diplôme en sciences de gestion et d’une solide expérience en management. Ensemble, ils forment une équipe particulièrement complémentaire et efficace. Virginie de Selliers : « J'apprécie par-dessus tous les contacts humains, avec la clientèle, d’autant plus que les retours les plus intéressants - largement favorables jusqu’ici - nous viennent du terrain. Lorsque j’étais seule aux commandes de BulkBar, j’avais été amenée à déléguer les livraisons, faute de temps, mais je n’ai pas tardé à les reprendre moi-même parce que le contact avec mes clients me manquait trop. Gilles est beaucoup plus rationnel, il me canalise très bien. »
Diversification
Ensemble, les deux forment en tout cas une équipe performante et ambitieuse. Virginie de Selliers: « Actuellement, les entreprises de 25 à 100 ou 200 collaborateurs constituent notre cœur de cible, mais nous sommes ouverts à toutes les autres configurations. Nous projetons par exemple de mettre sur pied une formule adaptée aux entreprises plus petites, de moins de 25 collaborateurs. Nous avons commencé notre activité à Bruxelles, mais nous avons désormais des clients jusque dans la région carolorégienne. Étendre notre périmètre d’activité fait donc partie de nos objectifs.»
Autre marché potentiel : les écoles, mais à condition cette fois d’adapter les distributeurs. « Pour le moment, ceux-ci ne comportent pas de module de paiement, ce que nous n’excluons pas de prévoir dans le futur. En attendant, pourquoi ne pas commencer par une phase test dans les salles des profs, les secrétariats ? »
Projets d’avenir
Quoi qu’il en soit, le duo est bien décidé à faire fructifier son idée qui demeure jusqu’à présent totalement singulière sur le marché belge, si l’on excepte quelques initiatives visant à proposer des paniers de fruits frais. Lorsque la crise du covid-19 sera terminée, ils envisagent de multiplier le nombre de BulkBars en service par dix minimum. L’objectif peut sembler ambitieux, mais Virginie de Selliers est confiante et un événement récent la conforte de sa démarche : « Pour les entreprises, il est en général très difficile de mettre fin aux contrats les liant aux sociétés installatrices des distributeurs automatiques de friandises. L’une d’entre elles vient pourtant d’y arriver pour laisser la place à l’un de nos BulkBars. » Le mouvement est lancé et les salariés vont être de plus en plus nombreux à pouvoir grignoter sain !