Quand on évoque l’entrepreneur idéal aujourd’hui, on imagine tout de suite une personne extravertie : très à l’aise dans les interactions sociales, assertive, qui aime tenir le devant de la scène, qui n’hésite pas à foncer… Cela signifie-t-il qu’un entrepreneur introverti est voué à l’échec ? Si vous êtes une personne plutôt réservée, posée, tournée vers la réflexion, voici quelques conseils pour utiliser ces atouts pour la création de votre entreprise et vous aider dans les activités qui vous sont moins naturelles !
Notre société valorise grandement la posture extravertie : il est “bien” d’être confiant, assertif, ouvert, social, confortable sous les feux de la rampe. Mais ces traits ne correspondent pas à chacun de nous, loin s’en faut : dans la population occidentale, seulement 30% de la population se définit comme fortement extravertie. Cela signifie qu’une grande majorité de gens ne se reconnaissent que peu ou pas du tout dans ce modèle. Pourtant les introvertis ont aussi leurs atouts ! Etre conscient de vos points forts – et de vos points faibles – vous aidera à mener vos projets à bien dans les meilleures conditions possibles !
Etes-vous introverti ?
C’est le psychologue suisse Carl Jung qui a introduit les deux notions d’intro- et d’extraversion dans sa théorie de la personnalité au début du 20ème siècle. Dans les tests de personnalité, comme celui de Myers-Briggs, on associe à introverti les adjectifs attentiste, contemplatif, réfléchi. Les extravertis sont ouverts, sociaux, assertifs et actifs.
Vous êtes plutôt introverti si vous vous retrouvez en partie dans ces attitudes :
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Pour vous ressourcer, vous préférez vous isoler.
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Vous êtes perçu comme plutôt pensif et méditatif.
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Vous avez tendance à intérioriser vos réactions.
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Vous avez besoin de temps et d’espace pour vous-même.
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Vous êtes plutôt calme au moins en apparence.
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Votre tendance naturelle est d’écouter et de parler ensuite.
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Vous ne vous sentez pas à l’aise dans les petits échanges conversationnels, les conversations sans but précis.
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Vous préférez communiquer par écrit qu’à l’oral.
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Vous aimez travailler seul.
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Vous n’aimez pas attirer l’attention.
Vous reconnaissez-vous partiellement dans ces traits ? Alors, les conseils qui suivent sont pour vous !
La préparation du projet
Une des grandes forces des introvertis est leur perfectionnisme. Plutôt que foncer tête baissée sans vous poser de questions, vous allez avoir tendance à préparer avec soin votre projet, à évaluer autant que possible votre marché, à essayer d’identifier toutes les sources de risque. C’est évidemment très positif, surtout quand on connaît le grand nombre de faillites de jeunes entreprises dues à une mauvaise préparation du projet.
Attention cependant à ne pas tomber dans le piège d’une préparation purement théorique : le plus beau business plan du monde ne sera jamais qu’une succession d’hypothèses, qu’il faut dès que possible tester sur le terrain ! Le risque zéro n’existe pas, mais tous vos tests en grandeur nature vous aideront à limiter en partie les aléas.
Ensuite, à un moment, il faudra bien faire le grand pas et vous lancer dans l’aventure : votre tendance à l’introspection et à l’amélioration pourrait vous conduire à l’inaction. Si le projet est mûr, si tout ce qui était testable a été testé (de façon concluante, cela va de soi), il ne vous reste qu’à foncer !
Le networking
Le réseautage fait partie intégrante de toute activité commerciale : on fait en effet rarement des affaires seul ! Les événements de réseautage sont des occasions en or de rencontrer des clients potentiels, des partenaires, des fournisseurs, des meneurs d’opinion. Mais pour un introverti profond, ce genre d’événement rime souvent avec cauchemar. Avez-vous déjà passé des soirées en rasant les murs et prétendant consulter votre smartphone ? Ou en stationnement près du buffet en vous demandant ce que vous êtes venu faire là ?
Pourtant, en tant qu’introverti, vous avez vraiment des points forts pour tirer un maximum de ce genre d’événement. Le principal est certainement la qualité de votre écoute et votre capacité à assimiler les informations. Contrairement aux extravertis qui vont accumuler les cartes de visite, un introverti va approfondir et créer de vraies relations.
Voici quelques astuces pour tirer parti au mieux de ces occasions.
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Motivation
Gardez à l’esprit que la plupart des gens que vous allez rencontrer ont besoin de vos produits ou services, ou connaissent quelqu’un qui a besoin de vos produits ou services, ou ont des informations ou des contacts dont vous avez besoin (et vice et versa) !
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Arrivez tôt
Arriver tôt peut vous permettre de rencontrer les gens qui dirigent l’événement. Ils pourront sans doute vous diriger vers des personnes utiles pour vous, voire vous présenter. Cela vous évitera aussi d’arriver quand la salle est déjà comble et les conversations déjà bien entamées.
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Préparer l’événement avec soin
Il ne s’agit pas seulement de roder votre pitch (mais il est évidemment important de pouvoir communiquer vos idées avec clarté et précision !) mais également de vous renseigner sur les personnes qui seront présentes, et de choisir qui vous désirez rencontrer. Les outils actuels vous permettent d’apprendre pas mal de choses sur les personnes et peuvent vous donner des pistes de sujets à aborder. Peut-être avez-vous des connaissances communes qui peuvent faire le lien ? Si vous n’avez pas accès à la liste des participants, tenez-vous informé de l’actualité, renseignez-vous sur les éventuels intervenants et préparez des questions brise-glace (Comment avez-vous eu connaissance de cet événement ? Aviez-vous déjà eu l’occasion d’entendre cet intervenant ? Pourquoi êtes-vous venu à cette conférence ?...)
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Reposez-vous avant l’événement et connaissez vos limites
Le réseautage est une activité épuisante pour un introverti qui, contrairement aux extravertis, se ressource dans le calme et la solitude. Faites donc en sorte d’arriver en forme à l’événement et fixez-vous des objectifs raisonnables (par exemple trois vrais contacts).
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Mettez en avant votre point fort : l’écoute !
En tant qu’introverti, vous préférez, en général, poser des questions plutôt que révéler des renseignements personnels. Tant mieux, la plupart des gens adorent être écoutés ! Posez le plus possible de questions ouvertes (commençant par exemple par comment, ou quoi : ainsi « qu’est-ce qui vous plaît le plus dans votre travail ? » amène une réponse plus élaborée que « aimez-vous travailler ? »). Votre capacité d’écoute et votre curiosité sont des atouts dans la construction de relations clients ou partenaires. Si vous êtes à court d’inspiration, demander la carte professionnelle de la personne à qui vous parlez et la lire peut vous faire remarquer des éléments pouvant devenir des sujets de conversation (exemple, un logo unique, un nom d’entreprise hors de l’ordinaire).
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Evitez « l’effet bouée » !
Ne vous accrochez pas à la première personne avec qui vous avez établi le contact comme un noyé à sa bouée. Il/elle est là pour rencontrer du monde, et vous aussi ! Ne passez donc pas du statut de « bon contact » à celui de « boulet », et sachez mettre fin à une conversation. C’est parfaitement permis de dire « je me suis promis(e) de circuler… je dois malheureusement vous quitter » ou « vous voulez sans doute parler à d’autres invités… je vous laisse circuler, merci de notre discussion intéressante ».
La vente
Dans toute activité commerciale, il y a une partie « vente », cruciale pour la survie de l’entreprise. Et de nouveau, si vous demandez au quidam de la rue de vous décrire le vendeur type, il va sans aucun doute vous dresser le portrait d’un extraverti : spontanéité, assurance, assertivité…
En tant qu’introverti, il vous faudra mettre en avant vos atouts (empathie, écoute, réflexion) ; peut-être êtes-vous moins assertif, moins spontané ; mais ce que vous perdez de ce côté, vous le gagnez en pertinence et en qualité relationnelle. L’introverti va être plus à l’écoute du client, va essayer de répondre à ses besoins, de trouver une solution à ses problèmes. Vous prendrez le temps de nouer avec vos clients des relations à long terme – et quand on connaît le coût d’acquisition d’un client, c’est un avantage stratégique !
On dit parfois qu’un bon vendeur peut vendre n’importe quoi. Dans le cas d’un introverti, il doit être passionné et à 100% convaincu par son produit pour que ses démarches soient couronnées de succès. Passion et écoute forment ensemble un duo redoutable !
Pour la vente comme pour toute interaction, une bonne préparation vous aidera à agir sans vous épuiser. Ainsi, définissez avec précision qui est votre public cible et qu’est-ce qui est susceptible de l’intéresser, cela vous aidera à concentrer vos efforts plutôt que de disperser votre énergie.
Le management
Une autre image des introvertis est qu’ils/elles ne font pas de bons leaders. Des études récentes montrent que les introvertis sont capables d’atteindre les mêmes objectifs que les extravertis mais avec un style différent. L’introverti laissera plus d’espace pour l’initiative des membres de son équipe, sans chercher à tout prix à imposer sa marque. Sa motivation est plus liée à un objectif large qu’à son ego. Gandhi, Roosevelt étaient des introvertis, tout comme Larry Page (Google) aujourd’hui : des leaders avec une vision “transformative” de leur entreprise ou de la société.
L’évolution de la société va de pair avec l’évolution de ce type de leadership. Ainsi, Le XXe siècle était celui des leaders extravertis. Pour être un leader efficace, il fallait se placer au centre de l'attention en étant par exemple dominant, assertif, bavard, entraînant ou encore à la recherche d'un statut social élevé. Avec des générations élevées sur un modèle prônant plus d’autonomie et d’esprit d’initiative, le leadership introverti peut s’avérer plus adapté car plus à l’écoute et utilisant au mieux les capacités de chacun.
Étant donné l'environnement toujours plus incertain dans lequel les entreprises évoluent, il s'agit de réagir rapidement au changement. Un management ascendant, avec des employés pro-actifs, est d'avantage adapté. Les leaders introvertis ont par conséquent de beaux jours devant eux !
Sources
- Fondation Myers Briggs
- Devora Zack, Développer son réseau quand on déteste réseauter, 2011
- Suzanne Cain, La force des discrets, 2013