La location d’une surface commerciale est un grand moment dans la vie d’un entrepreneur. Mais elle peut engendrer bien des questions et des inquiétudes, dont celle-ci : mon propriétaire sera-t-il un adversaire ou un partenaire ?
Les propriétaires de locaux commerciaux que nous avons rencontrés sont formels : ils entendent instaurer une bonne collaboration avec leurs locataires commerçants afin d’encourager les commerces de bon niveau et la qualité de vie des quartiers dans lesquels ils sont implantés. Pour arriver à cette symbiose, il suffit de pas grand-chose, de quelques principes de bon sens à respecter de part et d’autre.
Accepter la variation des prix des locaux commerciaux
À Bruxelles, le marché locatif des biens commerciaux fonctionne en écosystème propre. Il n’a donc rien de commun avec le marché locatif du logement en progression constante dans notre ville. Un quartier commercial peut être florissant pendant de nombreuses années avant de passer de mode ou d’évoluer vers une offre commerciale moins attractive au préjudice de l’ensemble du quartier, et certains types d’enseignes (librairies, prêt-à-porter) sont actuellement en butte à la concurrence de l’e-commerce. Ces variations peuvent concerner l’ensemble d’un quartier ou toucher seulement un tronçon d’une artère commerçante.
Pour nos témoins, les propriétaires doivent tenir compte de ces paramètres, rester attentifs aux tendances locales et adapter leurs exigences aux circonstances. Quitte à diminuer le prix du loyer pour permettre à un commerce de qualité de s’implanter.
Une chose est certaine : en matière de location de surfaces commerciales, viser la rentabilité immédiate est un mauvais calcul.
La qualité des commerces valorise les logements
Les propriétaires possédant locaux commerciaux et logements dans le même périmètre remarquent tous les jours à quel point les magasins de bon niveau et de proximité augmentent la qualité de vie du quartier et en améliorent l’image, avec les répercussions que l’on imagine sur le prix des logements. Voilà encore un paramètre qu’ils prendront en considération dans le choix de leurs locataires.
S’investir dans la vie du quartier devrait être un must
Le propriétaire peut aussi utilement contribuer à créer une spécificité dans l’offre commerciale à l’échelle du quartier ou même d’une simple rue. Tout le monde y gagnera. C’est ainsi que l’association des commerçants de la rue des Chartreux dans l’hypercentre organise depuis plusieurs années des évènements et des animations dans la rue et installe des décorations saisonnières afin de marquer durablement l’esprit des clients attirés par ces actions originales. À l’actif de cette association de commerçants : le chaulage de tous les trottoirs de la rue pour simuler le blanc immaculé de la neige en décembre ou l’installation prochaine d’un système DMX afin de créer une ambiance lumineuse et mettre en valeur les éléments esthétiques de la rue. «Au lieu de masquer ce qui est laid, mettons en valeur ce qui est beau, c’est plus efficace », confie l’un de nos témoins qui ajoute : «Je rêve de peindre une rue tout en couleurs pour que les passants n’oublient jamais cette rue. »
Croire dans le projet du commerçant et le considérer comme son client
Nos propriétaires témoins considèrent leurs locataires comme des clients qu’il s’agit de satisfaire. Ils veillent à mettre en location des locaux en bon état. Et lorsqu’il s’agit pour eux de choisir un locataire, ils privilégient un projet auquel ils croient, dont ils pensent qu’il est viable et légitime dans le quartier concerné. Sans cela, le locataire ne restera pas ou payera son loyer de façon irrégulière.
Pas de loyer mais un dédommagement en attendant le permis d’urbanisme
Il est indispensable pour le propriétaire de jouer la transparence et de communiquer à son candidat locataire tous les renseignements relatifs à la situation légale du bien et à son affectation (commerce de détail, restaurant, snack, café, atelier ou bureau). Lorsqu’un permis d’urbanisme est nécessaire, dans l’attente de celui-ci, il est aussi de bon ton de proposer une solution financière au nouveau locataire qui ne peut pas encore exploiter le local. C’est ainsi que l’un de nos témoins a mis au point une formule qui permet aux deux parties de s’y retrouver financièrement, que le permis soit accordé ou non, et donc que le commerce puisse ouvrir ou non.
Exemple : lors d’une demande de permis d’urbanisme obligatoire pour la viabilité du projet, le locataire-commerçant dépose 3000 € au propriétaire. Durant le temps d’attente du permis, le locataire ne paye pas de loyer ou un loyer fortement réduit. Si le permis est accordé, cette somme servira de garantie locative, et si le permis est refusé, les 3000 € servent à dédommager le propriétaire qui a mis à disposition le local pendant plusieurs mois.
De gros de travaux sont à réaliser ? Avec la participation financière du propriétaire
Une rénovation constitue en général une très bonne chose pour le propriétaire. Mais il est bon qu’il ait un droit de regard sur le projet et qu’il y participe d’une façon ou d’une autre. Certains financeront une partie des travaux à condition d’avoir leur mot à dire sur le projet, d’autres préféreront avancer une certaine somme qui sera répercutée sur les loyers, etc. Ici aussi, il s’agit bien sûr d’opérations au cas par cas à négocier avec le nouveau locataire.
Le soutien du propriétaire précieux en toute circonstance
Les impondérables font malheureusement partie de la vie d’un commerçant. L’un de nos propriétaires témoins nous a donné l’exemple d’un cambriolage survenu dans un de ses magasins dont la porte était vétuste. Il a financé l’installation d’une nouvelle porte plus robuste, et son locataire, celle d’une alarme. Une fois de plus, la concertation fait des merveilles et le soutien du propriétaire est le bienvenu.
L’horeca, c’est tendance
À Bruxelles, restaurants, cafés et autres lieux de restauration tendance ont le vent en poupe. Gérés avec compétence, ils proposent en général une offre de qualité parfaitement adaptée au mode de vie citadin des Bruxellois. Alors, pourquoi rester frileux vis-à-vis de ce type de commerce ? A cause du risque que le projet initial soit dénaturé lors de la première, voire de la deuxième revente du « pas-de-porte » ? Certains propriétaires ont cependant décidé de sauter le pas et de faire confiance au secteur de l'horeca tout en regrettant de ne pas avoir un droit de regard sur un nouvel occupant éventuel…
Toute l’équipe tient à remercier Messieurs Philippe Dupret et Boris De Doncker pour leur disponibilité et la clarté de leurs réponses.
Article rédigé par Catherine Olbrechts, hub.brussels