Offrir à la location des langes réutilisables et proposer un service de collecte et de nettoyage pour faciliter la vie des jeunes parents tout en réduisant l’impact écologique des changes pour bébé, l’idée de Zoé Mahaut est résolument dans l’air du temps.
La jeune femme à l’initiative de Dropiz est depuis longtemps sensibilisée aux problèmes de pollution par les plastiques, et plus particulièrement de la pollution par les microplastiques dans l’océan. Elle a découvert cette cause dans le cadre de ses études d’agronomie en environnement et a eu l’occasion de l’approfondir à l’occasion d’un séjour d’un an en Australie.
Une drôle de dame
Mais la sensibilité à la protection de l’environnement n’empêche pas d’aspirer à un parcours entrepreneurial, surtout lorsqu’on est issue d’une famille qui excelle à faire rimer esprit d’entreprise et écologie. Tout le monde n’est pas la fille du patron d’une blanchisserie et de la créatrice de KOSHI, une marque d’articles réutilisables en tissu, ni la sœur de l’initiateur de WOSH, un projet visant à moderniser le secteur de la blanchisserie.
À son retour en Belgique, Zoé Mahaut trouve donc un contrat de travail à durée déterminée (C.D.D.) chez Bruxelles Propreté qui lui laisse le loisir de réfléchir à son projet personnel. « J'ai quitté le domaine de la recherche pour m’orienter vers la sensibilisation et l’éducation parce que j’avais constaté que même si les gens sont relativement bien informés sur les solutions qu’il est possible de mettre en place, le passage à l’action reste difficile », confie-t-elle. Encore lui fallait-il définir précisément son projet. Elle avoue : « Au tout début, je voulais changer le monde et faire tout à la fois. Mais je me suis vite rendu compte qu’il fallait être réaliste et se concentrer sur une problématique en particulier. Les couches se sont imposées comme une évidence tant grâce à une série de reportages et documentaires que j’ai visionnés qu’en raison de mon contexte familial. J’ai donc passé beaucoup de temps à m’informer sur ce secteur qui s’est révélé beaucoup plus complexe qu’il y paraît. »
Un service sur mesure
En pratique, Dropiz s’adresse prioritairement aux jeunes parents. « C'est dans ce créneau que nous nous sentions les plus légitimes, commente Zoé Mahaut. Nos clients ont le choix entre trois ou quatre marques éthiques, pratiques et complémentaires de langes réutilisables. De quoi leur permettre de trouver le modèle le mieux adapté à leur enfant. » Dropiz propose également plusieurs niveaux de service répondant aux différentes attentes de chaque famille. « On a remarqué que beaucoup de parents pas ou mal encadrés arrêtent aux premières difficultés parce qu’ils ne comprennent pas la source du problème alors que la solution est toute simple. » Le marché des crèches, plus complexe et lourdement ébranlé par la crise sanitaire, prend plus de temps à se développer.
Jamais deux sans trois
Autre réalité à laquelle la jeune femme est rapidement confrontée : l’impossibilité de tout faire seule et la nécessité de constituer une « fine équipe » capable de porter le projet à bras le corps. Il ne faudra pas longtemps à Zoé Mahaut pour rencontrer ses deux futures complices, Anouk Puymartin et Loÿsa de Chevigny. Cette dernière raconte : «En parallèle de mes études en communication avec une spécialisation en éducation média, je me suis formée à l’éducation à l’environnement chez ‘Jeunes et Nature’, une asbl dont j’ai même été présidente. C’est d’ailleurs grâce à la newsletter de cette association que j’ai eu vent de l’initiative de Zoé qui cherchait des associés. Je l’ai donc contactée. »
Quant à Anouk Puymartin, c’est lors d’un pitch à CoopCity que son chemin a croisé celui de Zoé Mahaut. La jeune maman cherchait un nouveau projet après une première expérience entrepreneuriale non concluante. Le concept de Dropiz ne pouvait que lui plaire. Entre les trois aspirantes entrepreneuses, tout s’est très vite enchaîné. «Anouk, Zoé et moi nous sommes rencontrées en novembre-décembre 2020, poursuit Loÿsa de Chevigny. En janvier 2021, nous avons officialisé notre association, en février, nous avons créé l’asbl et en juin 2021, nous avons accueilli nos premiers clients tests. Nous étions vraiment sur la même longueur d’ondes. La confiance en cette équipe et cette dynamique s’est rapidement instaurée. » Et elle précise : « Actuellement, Zoé et moi assurons la gestion journalière. Anouk est le troisième cerveau qui nous permet de prendre du recul, d’avoir la distance avec le projet. Cette dynamique à trois est vraiment très précieuse. »
Des aides bienvenues
Même si les choses ont été très vite, les trois associées ont veillé à se documenter, à bien s’entourer et à se faire accompagner. « Assez rapidement, nous nous sommes fait suivre par Village Finance, Village Partenaire, détaillent-elles. Nous avons aussi posé pas mal de questions au 1819, un service qui s’est révélé précieux pour nous qui voulions bien faire les choses sans perdre trop de temps en démarches administratives. »
Et c’est suite aux différents conseils reçus de ces deux organismes qu’elles ont opté pour le statut d’asbl. « Au départ, nous voulions créer une coopérative, mais ce sera pour plus tard, lorsque Dropiz sera connu, que nous disposerons d’un réseau bien établi. Nous maintiendrons le statut d’asbl, transitoire, tant que nous ne serons pas encore en mesure de nous rémunérer.» Dropiz a également remporté une bourse BeCircular et une bourse mobilité durable, deux apports qui se révéleront précieux comme l’explique Zoé Mahaut: «L’année 2021 a été une période pilote durant laquelle nous avons testé à petite échelle. Nos fonds propres suffisaient donc. Mais maintenant que nous entrons en période de croissance, nous devons consentir d’importants investissements en matériel. Les bourses viendront donc bien à point. Elles nous garantissent un démarrage serein et une croissance soutenue. »
Eloge de la lenteur
Cette approche prudente n’exclut cependant pas quelques coups de stress même si Zoé Mahaut affirme « Je ne suis pas sujette à la peur. J’ai plutôt tendance à faire confiance à la vie et je suis en général assez chanceuse. Même la crise du covid n’a pas constitué un obstacle majeur.
Trois raisons amènent généralement les gens aux couches lavables : l’aspect économique, les questions de santé et les préoccupations environnementales, autant d’éléments exacerbés par la pandémie. En plus, notre timing s’est révélé favorable : nous avons maturé notre projet pendant le confinement, ce qui nous a permis d’être prêtes quand la vie a repris ses droits ! Ceci dit, c’est toujours plus long que ce qu’on avait imaginé, à moins que ce soit moi qui veux toujours penser que tout va très vite. On aurait voulu que cela aille plus vite, mais cette croissance relativement lente nous permet d’organiser la continuité de notre service de qualité. »
Loÿsa de Chevigny tempère: «Il y a bien sûr des moments difficiles, où l’on ne sait pas dans quelle direction aller. Faire des choix est le plus difficile. Prendre les bonnes options est important pour ne pas perdre les ressources précieuses que sont le temps et l’argent. Mais nous sommes vraiment très bien entourées, nous avons la chance de venir toutes trois de familles d’entrepreneurs et d’avoir des amis aux compétences complémentaires et vraiment utiles, du design à la comptabilité, pour développer un projet. »
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Osez !
Lorsqu’on leur demande quel message elles désireraient faire passer aux aspirants entrepreneurs, les deux associées sont bien d’accord : «Lancez-vous ! », assènent-elles d’une seule voix. « Même si la réussite n’est pas garantie d’office. Entourez-vous bien. Faites-vous confiance. Ne vous découragez pas au moindre contretemps. Rencontrer des difficultés, ajuster son modèle, cela fait aussi partie du parcours entrepreneurial. Cela permet de construire une base solide pour mieux grandir ensuite. Et attendez-vous à passer par certains stades par lesquels on n’a pas nécessairement envie de passer.»
Interview : Catherine Aerts