Madeleine et Maria veulent ouvrir une sandwicherie ; Jean-Luc transforme son café en friterie ; Rachid et Loubna ouvrent un salon de thé, Fred hésite entre salade-bar et phone shop… Bien entendu, ces transformations nécessitent des démarches administratives. Celles qui relèvent de l’urbanisme sont loin d’être les plus aisées à comprendre. Illustration au travers quelques cas concrets…
Cas pratiques illustratifs
Septembre 2024, Madeleine et Marie envisagent de diversifier leurs activités. Jusqu’à présent, la pâtisserie qu’elles exploitent les occupe à plein temps, mais depuis qu’une école a ouvert dans le quartier, elles ont une forte demande de sandwiches le midi et de goûter en fin de journée. Elles souhaitent donc installer quelques tables et chaises pour satisfaire leurs clients. Il va de soi que leur activité principale sera toujours la préparation de leurs tartes aux fruits et de leurs quiches aux légumes qui attirent leurs clients des 19 communes de la Région ! Pas questions non plus d’y sacrifier leur vie de famille : à 18 heures 30, le magasin sera fermé !
Si la sandwicherie/salon de thé fonctionne bien, peut-être seront-elles tentées de se consacrer entièrement à cette activité de restauration.
Depuis l’ouverture de l’école voisine, le café du quartier a beaucoup moins de succès que précédemment : il vient d’être mis en location. Jean-Luc envisage de le transformer en une friterie, dans l’espoir d’attirer les enfants sur le temps de midi. Il prévoit un espace de consommation, suffisamment grand pour leur servir de refuge par tous les temps.
Rachid et Loubna ont exploité pendant de longues années leur restaurant. Aujourd’hui, ils souhaitent alléger leur travail ; leur fils est devenu pâtissier à quelques rues de là : ils souhaitent transformer leur établissement en un salon de thé où ils vendraient les productions de leur fils, tout en gardant le contact avec leurs clients.
La mercerie du quartier a fait faillite : le rez commercial est à vendre. Fred voudrait y développer un commerce de salade à emporter. Peut-être dans l’avenir pourra-t-il acquérir le commerce voisin et y installer tables et chaises… Mais s’il lui faut un permis d’urbanisme, il abandonnera le projet pour y installer un phone shop.
Des autorisations sont-elles nécessaires pour ces projets ? Quelles sont les règles urbanistiques ?
Changement de destination ou d’utilisation
Principe général
La législation bruxelloise est claire : tout changement de destination1 nécessite un permis d'urbanisme. Par ailleurs, certains changements d’utilisation2, identifiés par arrêté du Gouvernement, sont également soumis à permis d’urbanisme.
Les changements évoqués ci-dessus sont tous des changements d'utilisation au sein de la destination « commerce » (ex : passer d’un café à une friterie, d’un magasin de mercerie à un commerce de restauration,…).
Nouvelles règles (septembre 2024)
Un nouvel arrêté entré en vigueur le 1e septembre 2024 définit et liste les situations où un permis d’urbanisme est nécessaire pour effectuer un changement d’utilisation.
Nous analyserons plus loin les cas liés aux établissements de restauration, réglementés aux art. 4 et 5 de l’arrêté.
Art. 4. Est soumis à permis d'urbanisme, dans toutes les zones du Plan régional d'affectation du sol, à l'exception des zones d'industries urbaines, des zones d'entreprises en milieu urbain, des zones de transport et d'activités portuaires et des zones de chemin de fer, le changement d'utilisation d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble abritant un commerce en vue d'y créer un commerce relevant d'une ou de plusieurs des rubriques suivantes : Art. 5. Est soumis à permis d'urbanisme, le long des liserés de noyaux commerciaux et dans les galeries marquées d'un « G », le changement d'utilisation d'un immeuble ou d'une partie d'immeuble de commerce principalement orienté vers la vente de biens meubles en commerce principalement orienté vers la fourniture de services. |
Critères d'évaluation
La question à se poser: dans quelle zone du PRAS se situe le bien ?
S’il est en liseré de noyau commercial et dans les galeries marquées « G » au PRAS, le passage d’un commerce de biens (par exemple, un magasin de chaussures) vers un commerce de services (par exemple : une banque, un restaurant, … ou un ReCa) est soumis à permis. L’objectif de cette étape administrative est d'encadrer le développement des commerces de services par rapport aux commerces de vente de biens meubles afin de préserver l'attractivité commerciale d’un quartier.
Pour créer un commerce où il y a la possibilité de consommer sur place boissons et/ou nourriture hors zones d’entreprises en milieu urbain, d’industries urbaines, d’activités portuaires et de transport ou de chemin de fer (affectée principalement aux activités économiques), un permis sera nécessaire.
Il y a ici des exceptions : si cette activité ReCa est accessoire, occupe une surface inférieure à l’activité principale à laquelle elle est liée et que le commerce n’est pas ouvert après 20 heures, aucun permis ne devra être demandé pour celle-ci.
La seule vente de nourriture ou boisson à emporter n’est pas soumise à permis, à l’exception des fastfood qui pourraient incommoder le voisinage à savoir les commerces de restauration rapide (à emporter ou consommer sur place) qui proposent principalement des plats préparés à base de friture ou préparés à l'aide d'un rôtisseur, grill ou gaufrier.
Il convient d’être attentif : plusieurs communes de la Région limitent le nombre de ReCa dans certains quartiers où il y a déjà beaucoup d'établissements de ce type et ne délivrent désormais plus de permis d’urbanisme.
Analyse des cas pratiques
En appliquant ces règles aux cas concrets, on constate que chaque situation requiert une analyse spécifique.
Dans un premier temps, Madeleine et Maria ne devront pas demander de permis d’urbanisme : l’ouverture d’un espace de consommation accessoire à l’activité principale n’est plus soumis à permis d’urbanisme. La création de la pâtisserie a été soumise en son temps à permis d’urbanisme et permis d’environnement. Par contre, si elles abandonnent entièrement la pâtisserie pour le service à table, ou si le restaurant ne remplit pas les conditions pour être accessoire à la pâtisserie, un permis d’urbanisme sera requis !
Jean-Luc devra demander un permis d’urbanisme pour son changement d’utilisation : un commerce où il y a possibilité de consommer sur place boisson et /ou nourriture est soumis à permis d’urbanisme, à plus forte raison s’il s’agit d’une restauration rapide qui pourrait incommoder le voisinage (friture et/ou de rôtisserie et/ou de grill et/ou de gaufre) : ces deux éléments devront apparaître dans la demande de permis. Avant toute chose, il veillera à inscrire des clauses suspensives dans son bail locatif, pour éviter d’éventuels frais contractuels de dédit si son projet était refusé.
Rachid et Loubna n’ont pas de souci à se faire pour le passage d’un espace de consommation à un autre : leur salon de thé n’incommodera pas les voisins…
Pour Fred, un permis sera demandé pour ouvrir son phone shop (commerce de service) seulement s’il est situé en liseré de noyau commercial ou en galerie marquée d’un « G » au PRAS. Par contre, il n’en aura pas besoin pour changer l’utilisation de la mercerie en salade bar à emporter, quelle que soit la zone où il se situe. Pour le service à table, un permis sera obligatoire.
Pour aller plus loin dans les méandres de l’urbanisme bruxellois, nos amis auront intérêt à consulter les pages sur l'urbanisme sur ce site.
Autres situations nécessitant un permis
Au-delà du changement d'utilisation, d'autres modifications peuvent nécessiter un permis d'urbanisme. Pour chaque transformation envisagée, il y a lieu de se poser la question : permis ou pas permis ?
Par exemple : la cheminée existante est trop étroite pour évacuer les fumées du fourneau. Une conduite de cheminée en métal doit donc être placée sur la façade arrière de la maison.
L’objectif est de protéger les voisins des odeurs et des fumées de cuisson. Pour ce faire, les cheminées doivent dépasser la corniche de la façade arrière (souvent autour de 2 mètres).
Les modifications de la façade (ou visibles depuis l’espace public), même celles qui semblent minimes comme un changement de couleur de la façade doivent être autorisées. Cette demande doit être intégrée dans le même dossier de demande de permis d’urbanisme que le « changement d’utilisation ».
Dans certains cas, la pose d’une nouvelle enseigne (y compris quand on reprend un support existant pour une nouvelle exploitation) sera soumis à permis d’urbanisme. Heureusement, dans de nombreux cas, une dispense de permis est possible. Mais il convient d’être vigilant aux conditions pour pouvoir bénéficier de celle-ci.
Les démarches
La constitution d'un dossier de permis d'urbanisme représente une étape cruciale. Pour préparer votre dossier de demande de permis d’urbanisme, vous pouvez consulter (évidemment 😊) les pages consacrées au sujet sur ce site. Tous les documents à préparer y sont présentés, avec de nombreux liens vers la documentation.
Les demandeurs peuvent désormais télécharger leur dossier sur la plateforme My Permit Urban : toutes les communes de la Région y sont désormais présentes.
La procédure
L’administration va d’abord analyser si le dossier est bien complet. Après 45 jours, un accusé de réception sera envoyé :
- soit le dossier est incomplet : le document précise les documents et informations à rentrer pour compléter le dossier. Il faudra faire le nécessaire dans un délai de maximum 6 mois sans quoi la demande sera classée sans suite !
- soit le dossier est complet et il n’y a plus qu’à attendre… : l’instruction de dossier commence et le demandeur sera averti de l’issue favorable ou défavorable de sa demande dans quelques mois (selon les cas et l’ampleur du dossier, 75, 90, 160 ou 450 jours) ;
Le délai de délivrance du permis peut être mis à profit pour quantité d’autres démarches nécessaires à l’avancement du projet (devis pour les travaux, plan financier, …).
Après l'obtention du permis
L'obtention du permis d'urbanisme n'est que la première étape. Les entrepreneurs doivent ensuite obtenir l'autorisation HoReCa auprès de leur commune, une démarche généralement plus rapide (environ trois semaines selon les communes) . Certaines communes acceptent d'ailleurs de commencer cette procédure en parallèle de l'instruction du permis d'urbanisme.
S'ajoutent ensuite les démarches auprès de l'AFSCA et diverses autres formalités liées à l'ouverture d'un commerce. Bien que ce parcours puisse sembler complexe, plusieurs organismes bruxellois proposent leur aide aux entrepreneurs.
Ressources et contacts utiles
- Le service d’urbanisme de la commune.
- Brufotec propose une aide personnalisée sur les normes en matière d’hygiène afin de répondre au mieux aux obligations de l’AFSCA. Les premiers renseignements avec parfois une visite sur place sont gratuits.
- Les conseiller.ères Urbanisme et Environnement de hub.brussels via le formulaire sur le site de hub.brussels ou l’adresse email permit@hub.brussels.