Six ans d'expérience dans le secteur bancaire en Belgique, trois années de coopération au développement au Burkina Faso, puis un retour au pays qui lui permet de combiner l'économique et le social : Denis Hees est délégué régional de microStart pour Bruxelles. A ce titre, il coordonne dans la Région toutes les activités de ce groupe qui s'est implanté ici début 2011. MicroStart compte deux agences de proximité à Bruxelles, l'une dans le bas de Saint-Gilles, l'autre à Schaerbeek. Succès aidant, le groupe se développe aussi en Wallonie, avec une agence à Liège, et en Flandre, avec une agence à Gand. L’an prochain, microStart sera également présent à Charleroi et à Anvers.
Quel est le métier de microStart ?
Denis Hees : « Notre métier, c'est l'octroi de microcrédit professionnel accompagné. Il s'agit donc de financer des projets portés par des gens exclus du système bancaire, par exemple les chercheurs d’emploi ou les allocataires du CPAS. Ils ont envie de créer ou de développer une petite activité indépendante, mais ils n'ont pas nécessairement accès au crédit, faute de garanties. A côté du microcrédit, nous proposons l'accompagnement des porteurs de projets. C'est d'ailleurs pour cette raison que nous nous présentons comme un groupe d’entreprises sociales. En fait, nous avons deux structures juridiques différentes : d'une part, une société coopérative à finalité sociale, microStart scrl-fs, qui distribue du microcrédit et, d'autre part, une association qui accompagne gratuitement les porteurs de projet, microStart support asbl. »
Association, finalité sociale, accompagnement... Le groupe microStart est-il pleinement ancré dans le secteur associatif ?
Denis Hees : « Non, et c'est bien ça qui fait toute l'originalité de notre groupe. Nous essayons justement de décloisonner les frontières traditionnelles entre le secteur public, le privé et l'associatif. Au départ, le projet belge est porté par une ONG (organisation non gouvernementale) française, l'Association pour le Droit à l'Initiative Economique, qui est le pionnier européen du microcrédit et qui fait ça depuis une vingtaine d'années. Ils ont apporté leur savoir-faire dans le projet microStart. Mais nous nous sommes associés d'emblée avec le groupe bancaire BNP Paribas Fortis, qui a apporté le capital de départ nécessaire au démarrage du projet et qui nous permet aussi d'avoir accès à une source de financement pour nos microcrédits. Et puis, il y a un acteur public, en l'occurrence, l'Union européenne. Elle est impliquée dans notre projet au travers du Fonds Européen d'Investissement, qui est également actionnaire de la coopérative à finalité sociale et apporte sa garantie à notre portefeuille de crédit.
C'est cette combinaison entre l'associatif, le public et le privé qui a permis de mettre sur pieds le projet microStart, avec une gouvernance qui a été organisée de telle sorte que ce ne soient pas ceux qui apportent l'argent qui pilotent le projet mais que celui-ci soit piloté par ceux qui connaissent le métier. Le Conseil d’Administration de la Coopérative est présidé par Philippe Maystadt. »
Que peut-on dire des personnes qui viennent vous voir ?
Denis Hees : « Certaines viennent nous voir avec une certitude, elles veulent entreprendre, mais sans toujours savoir exactement ce qu'elles veulent faire concrètement et comment. Là, dans ce genre de situation, on les oriente vers l'accompagnement, où on va les aider à structurer leur projet. Nous travaillons étroitement avec les autres structures d’accompagnement afin d’éviter les redondances et de faire en sorte que les porteurs de projet puissent profiter des savoir-faire de chacun. Et puis, il y a des personnes dont le projet est mûr, elles sont prêtes à démarrer, mais elles ont besoin d'un capital de départ. C'est pour ça qu'elles viennent nous voir. Maintenant, dans ce cas de figure précis, on leur propose tout de même un accompagnement, qu'elles sont libres de refuser, mais nous sommes convaincus que c'est utile. Les chances de succès augmentent avec un bon accompagnement. »
Existe-t-il un profil type du microentrepreneur qui vient vous solliciter ?
Denis Hees : « On peut le faire apparaître grâce au profil des 2500 porteurs de projets que nous avons rencontrés depuis le début de nos activités à Bruxelles. Un porteur de projet sur deux bénéficie du revenu d'intégration ou d'une allocation de chômage ; 20% des porteurs de projet sont des salariés précaires (intérim, etc.) ; 80% des demandeurs sont nés à l'étranger ; 42% de nos porteurs de projet sont des femmes et 80% de notre public vit sous le seuil de pauvreté. Concernant, la moyenne d'âge est relativement élevée (40 ans), c'est pourquoi nous avons lancé un projet « dreamStart » en collaboration avec impulse.brussels (ex ABE) pour favoriser les projets entrepreneuriaux des plus jeunes entre 18 et 30 ans. »
Quel est le montant moyen des microcrédits que vous accordez ?
Denis Hees : « Le montant de nos interventions va de 500 à 10.000 euros. Les durées de remboursement s'échelonnent elles de 6 à 36 mois. Nous sommes actifs à Bruxelles depuis une trentaine de mois et, sur cette période, nous avons octroyé 600 microcrédits dans cette région. Le montant moyen est de l'ordre de 5.000 euros et la durée moyenne des prêts est de l'ordre de 20-24 mois. On est donc clairement dans la philosophie du microcrédit : prêter de l'argent à des publics précarisés mais sans que le crédit soit une charge insurmontable pour eux. »
Peut-on déjà tirer des leçons de cette période de 30 mois d'activité à Bruxelles ?
Denis Hees : « Il est sans doute un peu tôt pour tirer des leçons définitives sur, par exemple, la pérennité des entreprises financées par microcrédit. Nous allons mener une étude d'impact dans les prochains mois.
En même temps, nous regardons bien sûr la situation de très près pour chacune des personnes que nous avons financées. Je précise d'ailleurs qu'on regarde aussi le taux d'insertion socioprofessionnelle : il arrive en effet fréquemment que autoentrepreneur soit engagé comme salarié par un client ou un fournisseur lié à son activité professionnelle financée par un microcrédit. Et pour nous, c'est vraiment important aussi.
Pour le reste, on a tout de même l'impression qu'on aura en Belgique des résultats similaires à ce qu'on connaît en France, c'est-à-dire qu'à terme de 3 ans, 80% des autoentrepreneurs seront à l'emploi, soit dans l'activité qu'ils ont lancée, soit comme salariés. Cela dit, un élément chiffré certain, c'est le taux de remboursement des crédits : on est au-delà de 92%. A ce niveau, on est tout à fait dans les normes du microcrédit. »
Est-ce que vous avez l'impression que le microcrédit est « poussé » par les autorités, que l'environnement réglementaire est favorable ?
Denis Hees : « Il y a des choses à améliorer. En fait, nous avons identifié trois freins à un développement plus important du microcrédit au sein des populations susceptibles de s'y intéresser :
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La perte immédiate des revenus sociaux éventuels (chômage ou CPAS) dès l’enregistrement comme indépendant ;
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Les cotisations sociales. Elles sont forfaitaires, ce qui signifie qu'elles n'ont pas de lien avec les rentrées financières réelles de l'autoentrepreneur et, dans le segment microcrédit, les revenus sont généralement assez modestes, en tout cas au début de l'activité ;
- L'accès à la gestion. Quelqu'un qui veut se lancer comme indépendant, qui a donc besoin d'un numéro d'entreprise, doit avoir un diplôme qui prouve sa capacité à gérer une activité économique. S'il n'a pas ce diplôme, il doit se soumettre à un examen organisé par un jury central au SPF Économie, examen qui, à notre avis, est assez déconnecté de la réalité des microentrepreneurs. On va retrouver des questions qui sont sans doute intéressantes pour des gens qui souhaitent créer une société avec 50-100 salariés, mais qui sont hors de propos pour quelqu'un qui souhaite juste créer sa propre activité et son propre emploi. »
Plus d'info :
Tél : 02 888 61 00
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