Savez-vous ce que vous devez faire si votre client fait faillite ? Quels privilèges pouvez-vous faire valoir ? Comment pouvez-vous empêcher cette situation à l'avenir ? Nous vous donnons 10 conseils pour limiter les dégâts.
Quel entrepreneur n’a jamais vécu ça ? Vous venez à peine de livrer une grosse commande ou de prester un service important et votre client fait faillite. Évidemment, vous pouvez faire une croix sur le paiement de votre facture, vous dites-vous. Pourtant, la faillite n’implique pas automatiquement qu’il n’existe aucune possibilité de récupérer (une partie de) votre argent.
Déclaration de créance
La première condition pour entrer en ligne de compte en tant que créancier et éventuellement bénéficier d’un paiement en cas de faillite d’un client est de faire une déclaration de créance.
Les créanciers connus du tribunal au moment de la déclaration de faillite sont normalement informés de la faillite par écrit par le curateur de la faillite et invités à effectuer cette déclaration de créance. Vous recevrez alors un formulaire à remplir, intitulé « déclaration de créance ». Les créanciers qui ne font aucune déclaration ne pourront rien récupérer.
Il est toutefois parfois très difficile pour le curateur de retrouver tous les créanciers. Ne restez donc pas passif. Faites savoir spontanément que vous avez effectué une déclaration. Il est aussi important d’envoyer des preuves, comme un bon de commande, une facture, les conditions générales, la mise en demeure, etc. De cette manière, vous vous assurez que le curateur va prendre en compte votre déclaration. S’il reste encore quelque chose à distribuer (après le paiement des créanciers privilégiés et les coûts du curateur), vous serez peut-être l’un des bénéficiaires.
Vous devez déclarer votre créance au greffe du tribunal de commerce, qui établit un tableau de toutes les créances signalées et une liste des créanciers, au plus tard à la date fixée par le jugement de faillite (à consulter sur le site du Moniteur belge).
Veuillez noter que le droit de déposer une déclaration de créance n’est en principe plus possible un an après le jugement de faillite.
Créancier privilégié ?
Les créanciers privilégiés ne se limitent pas aux banques et au fisc. La loi reconnaît différents privilèges.
Il est ainsi possible, dans certains cas, de revendiquer le droit de rétention qui vous donne la possibilité, comme créancier, de suspendre la restitution d'un bien qui vous a été remis ou qui est destiné à la personne qui vous doit de l’argent, tel qu’un site Internet ou un bâtiment, tant que la créance que vous détenez sur ce bien n'a pas été acquittée.
Il faut évidemment qu'il y ait une cohérence entre le bien retenu et la créance. Un lien doit donc exister entre la raison pour laquelle le créancier retient le bien et la créance elle-même :
Un autre exemple : un garagiste peut refuser de rendre la voiture qui lui a été confiée pour réparation tant que sa facture n’est pas payée, ou encore le transporteur peut garder des biens transportés pour obliger le client à payer. En tant que créancier, vous ne pouvez toutefois pas acheter le bien vous-même mais vous êtes considéré comme privilégié vis-à-vis du montant de la vente dudit bien. Si vous déposez votre demande, le curateur exigera de recevoir le produit. S’il le vend par après, vous serez alors payé en priorité grâce au montant de la vente.
En tant que propriétaire bailleur, vous jouissez également d’un privilège si une entreprise en faillite vous doit encore un loyer ou le remboursement de certains frais. Sur la base du privilège du bailleur, déterminé par la Loi hypothécaire, vous jouissez d'un privilège sur les recettes de la vente du mobilier présent dans l’immeuble loué. Les dégâts locatifs et l’indemnité de relocation sont également des créances privilégiées.
Tout comme vous avez pu le remarquer à partir des exemples susmentionnés, vous pouvez entrer en ligne de compte en tant que créancier privilégié principalement si vous avez acheté ou loué des biens. Les prestataires de services ont généralement plus de difficultés à récupérer une partie de leur argent.
Si votre créance est perdue, en tout ou en partie, que vous ne pouvez rien récupérer, le curateur vous remettra une attestation fiscale (appelée aussi « déclaration pro fisco ») pour vous permettre de déduire ou extourner votre créance. De cette manière, vous l’annulez en comptabilité et vous pouvez la déduire fiscalement.
Vous pouvez aussi choisir d’attendre avant de réduire la valeur de votre créance.
En effet, quand la faillite est clôturée par le curateur, votre créance existe toujours, sauf si vous l’avez partiellement ou totalement réduite en comptabilité. Cela veut dire que vous pouvez alors continuer à poursuivre, à vos frais, votre ancien client le débiteur pour obtenir le paiement de votre dû. C’est particulièrement intéressant quand le failli est une personne physique, non excusée, qui a recommencé une activité ou qui a repris un travail comme salarié. Il redevient solvable et peut donc être à même de vous payer, même après la clôture de la faillite ! Ce mécanisme ne fonctionne pas si le failli est une personne morale. Dans ce cas vous avez intérêt à réduire totalement et le plus rapidement possible votre créance dans vos comptes.
Vous pouvez donc éventuellement intenter une action judiciaire contre votre ancien client personne physique après la faillite. Attention toutefois à la prescription dont certains délais sont courts : 1 an, 2 ans, 5 ans ou 10 ans.
Un bémol à ce principe existe : lors du règlement de la faillite, le juge peut accorder au failli personne physique « l’excusabilité » quand ce dernier a agi en toute bonne foi et n’a commis aucune faute grave. Dans ce cas, vous (et les autres créanciers) ne pourrez plus poursuivre le failli pour paiement, même si celui-ci gagne au Lotto ou commence une nouvelle activité florissante. L’excusabilité de votre client failli s’étend aussi automatiquement à son conjoint. Toutes les dettes sont effacées (même certaines dettes privées !).
Par contre vous avez votre mot à dire dans cette décision d’excusabilité. Si vous pouvez prouver que des fautes graves ont bel et bien été commises (par exemple, vous pouvez démontrer que votre client savait qu’il ne pouvait plus vous payer au moment où il a passé une nouvelle commande), il est alors possible de poursuivre le failli à titre personnel.
En résumé, cela vaut donc la peine, lors de la faillite de l’un de vos clients, de prendre contact avec un avocat. Celui-ci vérifiera la prescription et si vous entrez en ligne de compte pour devenir créancier privilégié.
Réclamer la TVA payée
Votre facture comporte souvent de la TVA que vous avez dû payer à l’Etat alors que vous n’avez rien encaissé.
Vous ne pouvez demander le remboursement de la TVA qu’à partir du moment où la créance (partielle ou totale) est irrécouvrable et qu’il s’agit là d’un fait définitif, certain et établi. A priori, vous devez donc attendre que le curateur ait clôturé la faillite. Vous pourrez alors disposer de l’état de répartition aux créanciers final qui indiquera que votre créance n’a pas été acquittée.
Cependant, en cas de faillite ou de procédure de réorganisation judiciaire et que vous pensez raisonnablement votre créance perdue, la loi vous permet de demander la restitution de la TVA payée sur votre créance dès l’acceptation par le tribunal de la procédure de réorganisation judiciaire ou dès l’ouverture de la faillite. Bien évidemment, si finalement vous percevez un montant dans le cadre de la gestion de la faillite, vous devrez repayer la TVA sur la somme perçue par le curateur.
Un contrôle existe étant donné que le curateur doit remettre chaque année à l’administration fiscale une déclaration récapitulative concernant la TVA relative aux contrats et aux paiements.
Quelques conseils pour se protéger à l’avance
Soyez proactif et...
-
Vérifiez au préalable la solvabilité de vos clients, surtout s’il s’agit de nouveaux clients. Jetez un œil aux comptes annuels ou au bilan ou faites appel à des agences d’informations de crédit qui vendent ces informations. Rencontrez de préférence votre client personnellement ;
-
Rédigez vos conditions générales de façon claire et veillez à ce que vos offres et bons de commande y fassent référence. Afin d’éviter toute discussion, il est préférable que votre client les signe explicitement ;
-
Encouragez les paiements en liquide ou par mode de paiement mobile, demandez le paiement à la livraison ou instaurez un système d'acomptes suffisants ;
-
Prévoyez une réserve de propriété (voir ci-dessus) ;
-
Négociez un droit de gage ou d’hypothèque et envoyez rapidement une mise en demeure recommandée au client afin de faire débuter les clauses pénales, les intérêts, les majorations, même si en final vous ne les appliquerez peut-être pas ;
-
Négociez éventuellement une garantie bancaire ou un cautionnement, même d’un membre de la famille ou d’un tiers ;
-
Prévoyez l’exigibilité directe dans vos contrats (ce qui ne fait toujours pas de vous un créancier privilégié) ou incluez dans vos conditions contractuelles suffisamment de sécurités relatives au paiement. Pensez par exemple aux délais de paiement, aux intérêts de retard et aux indemnités en cas de retard de paiement ;
-
Si vous facturez sur la base d’un tarif horaire, faites signer tous les jours à votre client le décompte des heures prestées pour accord. Vous éviterez ainsi des discussions futures sur le nombre d’heures prestées ;
-
Suspendez les livraisons jusqu’à ce que les factures en attente soient payées et signalez-le par recommandé ;
-
Prenez une assurance-crédit qui vous permettra d’être indemnisé (en partie) pour les dommages occasionnés par la faillite d’un débiteur.