Malgré tous les efforts déployés pour gérer des difficultés financières, il se peut que votre entreprise soit menacée de faillite, vous plongeant dans un grand désarroi. Ne tardez pas, faites-vous accompagner dès que les difficultés surgissent car des solutions simples et rapides existent, et sont désormais prises en charge jusqu’à 75% par la Région.
À Bruxelles les entrepreneurs qui en ressentent le besoin peuvent faire appel à des professionnels prêts à les accompagner avec toute la bienveillance nécessaire dans le cadre de structures vouées à l’encadrement des entreprises en difficulté.
Le CEd (Centre pour Entreprises en Difficulté) accueille sans juger les indépendants et entrepreneurs dès qu’ils se sentent déstabilisés par des problèmes de gestion. Quant aux médiateurs, ils interviennent en aval, souvent à la demande du tribunal dans le cadre des PRJ (procédure de réorganisation judiciaire), pour négocier et résoudre des conflits.
Olivier Willocx, CEO de BECI et initiateur du CEd, et Maître Marie-Anne Bastin, avocate et médiateur agréé, détaillent leurs compétences, brossent le portrait de ceux qui les consultent et prodiguent quelques conseils avec un point commun : une profonde empathie envers tous ces indépendants et chefs d’entreprise qui traversent des moments difficiles.
Le CEd en première ligne
L’idée du CEd a germé il y a une vingtaine d’années au sein de BECI. « Nous nous étions rendu compte que si beaucoup d’incitants avaient été mis sur pied pour encourager à l’entrepreneuriat, peu de choses existaient pour aider ceux dont le projet chancelait, explique Olivier Willocx. Or les hauts et les bas, cela aussi fait partie de la vie des entreprises. Il nous a semblé qu’il en allait de notre responsabilité : si on aide les entreprises à se lancer, on doit aussi être là pour les aider à redémarrer, quelles que soient les causes de leurs difficultés et quel que soit le résultat final de la démarche. »
Une écoute sans tabou
Le CEd s’est donc donné pour mission d’écouter, orienter et répondre à toutes les questions ponctuelles ou générales que les entrepreneurs bruxellois se posent quand leur entreprise est confrontée à des difficultés. Il met gratuitement à leur disposition des spécialistes de la comptabilité, de la fiscalité ou de l’économie, mais surtout une écoute attentive sous forme d’entretiens individuels ou d’ateliers collectifs « parce que je pense qu’il y a une vraie valeur à comprendre qu’on n’est pas seul à avoir des ennuis, précise Olivier Willocx. Rien ne vaut le partage d’expérience dans la difficulté. La résilience est un modèle collectif. » Enfin, une solution est conseillée « uniquement à ceux qui le désirent, insiste-t-il, car notre interlocuteur reste maître de son entreprise. »
Un accompagnement psychologique indispensable
On l’aura compris, la psychologie joue un rôle décisif dans l’intervention du CEd. « L’accompagnement psychologique est tout simplement nécessaire, estime Olivier Willocx, même si cela fait partie des choses que nous avons eu du mal à expliquer aux politiques. Quand les événements les dépassent, qu’ils se retrouvent sans revenu et avec 150.000€ de dettes, beaucoup de gens perdent espoir. Leur dette ne fait qu’augmenter et la situation se détériore. Certains choisissent de disparaître. Ils partent. Souvent dans leur pays d’origine lorsqu’ils ont des attaches à l’étranger. » Si tous les entrepreneurs en difficulté ne partent pas, la plupart d’entre eux traversent des phases d’abattement que les collaborateurs du CEd connaissent bien et contre lesquelles ils luttent grâce à une écoute sans tabou « car on n’est pas là pour juger », insiste Olivier Willocx : le sentiment de révolte, voire de persécution qui incite à rejeter la responsabilité des difficultés sur autrui, le déni, la frustration, l’irritation et l’isolement croissant, la peur du qu’en dira-t-on. Et les larmes, tellement utiles, indispensables même pour traduire l’émotion, la tristesse. « Elles sont importantes parce qu’elles expliquent que la personne est au bout et qu’il ne faut pas le cacher. Nous l’orientons alors vers des gens plus compétents. Pour cela, nous disposons d’un très beau réseau. Je pense qu’aujourd’hui la qualité de ce réseau constitue la vraie force du CEd. »
Préparer la vie d’après
Tous ces moyens sont mis en œuvre pour aider l’indépendant ou le chef d’entreprise à reprendre le cours de sa vie. Cela peut passer par un dépôt de bilan car « pour certains, une faillite devient une libération, confie Olivier Willocx. Il faut juste les accompagner dans le piège dont ils ne voient plus de sortie. » Cela peut aussi passer par l’intervention d’un médiateur qui peut être consulté spontanément par l’entrepreneur ou désigné dans le cadre d’une PRJ (procédure de réorganisation judiciaire) à travers laquelle le tribunal de l’entreprise offre une seconde chance aux entreprises en difficulté en leur permettant de poursuivre leurs activités et de conserver des emplois tout en veillant à trouver un équilibre entre les intérêts des différentes parties.
Les médiateurs, alliés méconnus
La fonction de médiateur est insuffisamment connue et souffre, regrette Maître Marie-Anne Bastin, avocate et médiateur agréé, d’être financièrement à charge de l’entreprise déjà en mauvaise posture. Beaucoup d’entrepreneurs choisissaient donc jusqu’ici de se passer de ce soutien qui peut pourtant se révéler très précieux. Mais les choses sont peut-être en train de changer grâce à l’intervention de la Région qui prévoit désormais la prise en charge à 75% des frais de procédure de PRJ avec un maximum de 4000€, et de médiation avec un maximum de 1875€ pour les entreprises bruxelloises sous certaines conditions.
« Il est donc désormais possible d’obtenir l’aide d’un professionnel sans que les frais soient trop importants. Pour décrocher cette aide de la Région, il faut nécessairement passer par le tribunal. Ce n’est pas une recommandation, c’est la logique du système », précise Maître Bastin qui insiste sur les nombreuses compétences de ses pairs : « Le médiateur est quelqu’un de neutre, impartial, indépendant, et qui ne connaît pas les parties, n’a pas d’intérêt particulier pour l’un ou pour l’autre, n’est donc pas l’avocat de l’entreprise, et ne juge pas. Nous sommes des professionnels multitâches qui avons acquis grâce à notre formation des techniques et des outils utiles pour travailler dans le monde des conflits. Nos compétences s’exercent essentiellement dans deux domaines : la résolution de conflits et la négociation.
La résolution de conflits
« D’une part, nous sommes à même d’aider à résoudre des dossiers conflictuels, litigieux pouvant opposer un entrepreneur et un fournisseur, un bailleur, etc en amont et sans devoir recouvrir à une procédure longue et compliquée traditionnellement gérée au tribunal. Lorsque je commence une médiation, je mets les gens autour de la table et je les fais parler. J’essaie de comprendre quel est leur problème et je le mets en évidence. Ensuite j’essaie d’inciter les parties à réfléchir aux formules possibles pour trouver un arrangement, pour sortir de l’impasse dans laquelle ils se trouvent en leur faisant valoir que dans le cas contraire, ils vont se retrouver au tribunal, ce qui va leur coûter beaucoup de temps et d’argent. Quand on intervient en tant que médiateur, il faut se mettre à la place de la personne, de l’entreprise, du petit indépendant qui est dans la difficulté, et se demander qu’est-ce que je fais ? qui peut m’aider ? »
L’art de la négociation
« D’autre part, nous pouvons négocier avec des banques, des créanciers pour essayer d’aménager des plans de paiement, obtenir des délais, éventuellement la non-application des intérêts, des clauses pénales etc… bref obtenir de la bienveillance. Enfin, une PRJ peut aboutir éventuellement à un transfert d’entreprise en l’absence d’autre solution et lorsqu’il y a un repreneur potentiel. Le médiateur d’entreprise peut aussi accompagner cette opération pour essayer d’organiser un transfert impliquant le moins de casse possible pour l’entreprise. »
Chercher de l’aide sans attendre
Mais bien sûr personne ne désire arriver à de telles extrémités. C’est pourquoi tant Olivier Willocx que Marie-Anne Bastin insistent sur la nécessité pour les entrepreneurs de chercher de l’aide dès les premières difficultés : « Plus le problème est pris tard ou nié, plus il devient difficile à gérer », assure le premier. « La situation est particulièrement difficile pour les indépendants et les petites entreprises, renchérit la seconde. Le patron est tout seul pour tout faire et est très vite débordé. La faillite est une spirale qui va très vite et qui est très difficile à arrêter une fois qu’elle est lancée. Quand des clignotants s’allument, il faut tout de suite essayer de trouver de l’aide. »
Ils décrivent des mails qui restent sans réponse, des boîtes aux lettres qui ne sont plus relevées, des comptabilités désastreuses, des gestions du personnel catastrophiques ou encore des conflits qui ne sont pas gérés. Et tous deux insistent. Pour Marie-Anne Bastin « Par les temps qui courent, dès qu’il devient impossible d’envisager clairement comment payer les factures en retard, il ne faut pas hésiter. Le loyer, une dépense qui se répète tous les mois, est un véritable signal d’alarme. Il faut donc essayer le plus vite possible de se faire aider soit pour céder le bail, soit pour trouver une formule afin d’obtenir des termes et délais. Parmi les autres factures à surveiller de près, les dépenses basiques pour le chauffage, l’électricité, et bien sûr tout ce qui concerne le personnel. » Quant à Olivier Willocx, il détaille : « Le problème commence quand depuis un petit temps on ne parvient plus à ouvrir son courrier, on manque de courage, on n’éprouve plus de plaisir, on n’a plus envie d’agir. Cela signifie qu’on n’est plus en mesure de faire face. Il est alors urgent de prendre contact. » Des professionnels veillent et sont à votre disposition.
La première chose qui vient en tête quand on rencontre des difficultés financières, c’est un sentiment de honte. On se demande ce que vont penser les fournisseurs, les créanciers, la famille et on se sent fautif même quand on a fait tout son possible. Du coup, on se retrouve écrasé par le poids d’une responsabilité qui n’est pas vraiment la nôtre, on n’ose pas trop chercher des solutions. Mais une fois qu’on en parle, on se rend compte que ce sentiment de honte était injustifié. Lors des ateliers collectifs du CEd, on découvre que des tas de gens ont vécu la même chose que nous, voire bien pire. On y est entendu, écouté, on peut y trouver de l’aide pour avancer petit à petit. Et surtout on ne nous voit pas comme un ‘déchet’ parce qu’on a échoué. »
Wassima, entrepreneuse et conseillère au Centre pour Entreprises en Difficulté