N’est-il pas plus belle madeleine de Proust qu’un pain de savon artisanal ? Sa senteur fraiche et naturelle nous rappelle tout à la fois les effluves des draps d’enfance et le creux des mains de mamie. Ce sont ces souvenirs que deux homonymes bruxellois ont voulu faire perdurer avec la reprise, en 2019, des Savonneries Bruxelloises, la plus ancienne savonnerie de la capitale.
Dans toute belle histoire, il y a d’abord le «Meet Cute » (rencontre déclencheur) cher aux scénaristes hollywoodiens. En 2007, un jeune étudiant en ingénieur commercial fait son Erasmus en Chine et par le hasard des choses, est accueilli par le consul de Belgique à Shanghai. Son fils, étudiant le chinois pour un an, lui fait visiter la ville. Le décor est posé. Et les principaux protagonistes Maxime de Villenfagne et Maxime Pecsteen, destinés à faire de grandes choses. Restait juste à décider quoi.
La reprise d’un titan
En 2019, une nouvelle se chuchote au creux d’oreilles bruxelloises bien informées : les Savonneries Bruxelloises recherchent repreneur. Maxime et Maxime y voient une excellente opportunité de mettre à profit leurs expériences conjuguées en matière de finance et d’entrepreneuriat pour donner une seconde jeunesse à ce fleuron national, créé en 1926.
Les deux entre-repreneurs décident de préserver la tradition et l’artisanat qui font la force de la marque, tout en ajoutant à son business model une dimension plus actuelle et plus éco consciente. Six mois plus tard, les papiers sont signés et l’aventure peut commencer… ou presque.
L’Exode des Savonneries Bruxelloises
On raconte que dix plaies se sont abattues sur l’Egypte. Les Savonneries Bruxelloises, elles, en compteront cinq. Car deux mois après la reprise, c’est le COVID qui s’invite dans les cuves de la manufacture. Et ce n’est pas le genre de bulles pour lesquelles les deux repreneurs avaient signé. Le duo tirera parti de cet arrêt forcé en planchant sur leur certification bio, leur communication et les composants de leurs futurs produits.
En 2022, la savonnerie fait face à un deuxième obstacle : la multiplication par deux des coûts de l’énergie et par trois du prix des matières premières.
En parallèle, les deux entrepreneurs doivent en outre composer avec l’augmentation des salaires (+ 25% en trois ans) et la difficulté d’agrandir et de se développer en ville (notamment pour la délivrance des permis d’urbanisme).
Sauvée des eaux
Heureusement, il y a deux choses sur lesquelles les deux jeunes entrepreneurs peuvent compter : leur prise d’initiatives… et les aides régionales. Ils bénéficient ainsi de primes « énergie » pour pallier les pertes tandis qu’ils développent de nouveaux produits pour conquérir de nouveaux marchés (ex : les shampoings solides).
Dès la sortie du confinement, ils ouvrent un pop-up store – qui deviendra leur boutique – dans les Galeries Royales Saint-Hubert, afin d’aller à la rencontre de leur clientèle et la développer.
Ils se font également accompagner dans l’obtention de leur permis d’urbanisme, avoir des ateliers en ville (Tour & Taxis) apportant son lot d’obstacles et de complications…
Au niveau international, ils participent à des foires à l’étranger via hub.brussels pour faire connaitre leurs nouveaux produits.
L’augmentation de la capacité de production des Savonneries Bruxelloises passera également par l’achat de nouvelles machines. Là encore, l’entreprise peut compter sur les aides régionales.
Un business plan propre comme un sou neuf
Ayant à cœur de créer une activité en accord avec leurs valeurs - et celles de la société – le duo a pris soin de lustrer son business model afin de le rendre le plus durable possible : produits naturels, production locale et zéro déchet, refroidissement des machines à l’eau de pluie, panneaux solaires.
Ils collaborent par ailleurs avec des acteurs locaux pour créer des gammes de savons circulaires : des savons à la bière avec le Brussels beer project, récupération de chutes de savon au Jam Hotel…
Toutes ces expérimentations sont créées sans aucune aide industrielle, à l’aide de machines des années 70 maniées par les mains expertes d’une dizaine d’employés qualifiés. Cette expertise leur a d’ailleurs valu le titre de fournisseur de la cour. Rien que ça !
Et le retour sur investissement est bien là : les Savonneries produisent chaque année pas moins de 500 tonnes de savon. 25% garnissent les éviers bruxellois tandis que 75% viennent achalander les magasins et les armoires de salles de bain de foyers d’Europe, du Moyen-Orient ou encore d’Amérique du Nord. Preuve s’il en est que le savon est, comme le souligne un certain Chat bruxellois, le véritable propre de l’Homme.
Le conseil des entrepreneurs
« Nous avons eu la chance de reprendre une entreprise dont le produit était aligné avec nos valeurs : local, durable, qualitatif. L’adéquation de la mission de l’entreprise avec les valeurs portées par les entrepreneurs est fondamentale dans le développement d’un projet entrepreneurial. »
Maxime de Villenfagne et Maxime Pecsteen, Savonneries Bruxelloises