L'histoire du Brussels Beer Project commence au... Canada. C'est en effet dans une université de l'Etat de l'Ontario qu'Olivier de Brauwere et Sébastien Morvan se rencontrent. Très vite, ils se découvrent des affinités entrepreneuriales. Oui, ils vont créer leur société. Mais ce ne sera pas tout de suite. Ce n'est que quatre ans plus tard qu'ils feront le grand saut. Interview avec Olivier de Brauwere.
Est-ce qu'au départ, vous aviez juste envie de créer votre boîte avec Sébastien Morvan, quel que soit le secteur, ou bien était-il évident que ce serait dans le secteur brassicole ?
Olivier de Brauwere : « Les deux. Il y a eu un bon feeling entre nous, nous avions envie de créer notre entreprise ensemble et, dès le départ, il était clair que ce serait pour créer un produit de bouche, un produit de qualité destiné au grand public. Très vite, il est devenu évident que ce serait dans la bière... »
Pourquoi la bière ?
Olivier de Brauwere : « Sébastien et moi avons pas mal voyagé et tous les deux, nous avons été témoins de d'une véritable révolution brassicole un peu partout dans le monde, à commencer par l'Amérique du nord. On a voulu importer ce vent de fraicheur brassicole ici en Belgique. Il nous semblait intéressant de faire souffler un vent de créativité et de communication sur un monde brassicole belge hautement reconnu mais, au fond, très traditionnel. Comme nous, beaucoup de gens en ont ras-le-bol des bières standardisées, aseptisées, manquant un peu de caractère. Ils veulent autre chose et nous nous inscrivons dans cette démarche, dans cet essor des microbrasseries qui proposent des bières très typées, en développant une grande proximité avec leur communauté. »
Quand avez-vous commencé à produire de la bière ?
Olivier de Brauwere : « Le projet en tant que tel a été lancé en juin 2013. Entre le moment où on a quitté notre job – je travaillais essentiellement dans la gestion des marques, lui plutôt dans la (micro)-finance – et le lancement de l'entreprise, il s'est écoulé environ une année. Il fallait ce délai pour que nous puissions nous former au métier d'entrepreneur et, bien sûr, au métier de brasseur – même si nous ne sommes pas brasseurs. Mais il nous semblait indispensable d'au moins connaître les bases de la profession. On a donc pas mal expérimenté la création brassicole en tant que « home brewers », Sébastien a suivi une formation au Ceria. Une année de préparation donc, qui nous a servi aussi à préparer des recettes, prendre des contacts, mettre en place les bases de l'entreprise, assembler les pièces du puzzle petit à petit. »
Et depuis le lancement en juin 2013 ?
Olivier de Brauwere : « Ça ce passe plutôt bien puisqu'on est passé de 2 à 12 personnes dans l'entreprise et que, grâce à hub.brussels, on s'est implanté en plein Bruxelles, près du canal. Il faut bien comprendre qu'au départ, nous brassions nos bières dans une brasserie qui ne nous appartenait pas. C'était un choix délibéré : ne pas investir d'emblée dans nos propres installations mais attendre d'avoir suffisamment de confiance dans le projet, dans nos bières et dans notre communauté avant d'investir dans nos propres installations. Il faut sans doute avoir un grain de folie pour lancer sa propre entreprise, mais il faut absolument être raisonnable dans ses choix. »
Où en êtes-vous actuellement en termes de production ?
Olivier de Brauwere : « On est à environ 5-6.000 hectolitres de production en base annuelle. Il faut préciser que nous travaillons dans deux brasseries, celle du centre de Bruxelles, la nôtre, où on brasse nos bières éphémères et créatives, les nouvelles recettes (une trentaine par an) et une deuxième brasserie qui s'occupe des bières permanentes. Cette brasserie ne nous appartient pas, c'est une brasserie « partagée ».
Est-ce que l'essentie de votre production est embouteillée ou bien vendez-vous vos bières aussi en fûts ?
Olivier de Brauwere : « En Belgique, l'essentiel de notre production va en bouteilles, pour l'exportation, c'est un mix entre fûts et bouteilles. Mais c'est vrai qu'un de nos grands défis sera effectivement d'accéder aux bars en Belgique avec des fûts. On sait que, souvent, ces bars sont liés par contrat à de grands groupes. Maintenant, la situation évolue, les bars ne se contentent plus de trois ou quatre pompes à bières comme dans le passé, ils commencent tout doucement à augmenter le nombre de pompes. Il n'est plus rare de trouver des endroits avec 10-15 pompes ce qui, évidemment, donne plus de place aux petites brasseries comme nous. »
Quand vous jetez un coup d'oeil sur le chemin parcouru, y a-t-il un moment clé où un conseil, un accompagnement vous semblent avoir joué un rôle clé dans le développement de votre projet entrepreneurial ?
Olivier de Brauwere : « Nous avons reçu effectivement beaucoup de conseils, du pratico-pratique et du stratégique. Pour l'essentiel, ils nous ont en fait surtout confortés dans les choix que nous avions faits. Mais ces conseils nous ont aussi donné des idées, ouvert des portes. Pour autant, je n'ai pas l'impression qu'un conseil spécifique ait changé radicalement notre vision stratégique. Je pense d'ailleurs qu'il faut pouvoir garder une certaine distance avec ce que vous disent les gens que vous rencontrez. Ecouter les conseils, oui, mais pas trop quand même... Il faut filtrer, tout simplement parce que c'est à l'entrepreneur de mener sa barque et que personne d'autre que lui ne se trouve dans ses chaussures. »
Et l'accompagnement disponible à Bruxelles ?
Olivier de Brauwere : « Là, le rôle est vraiment crucial. Je ne dis pas ça pour vous faire plaisir mais effectivement, nous avons bénéficié d'un soutien très important, notamment chez hub.brussels qui nous a beaucoup aidé, notamment pour solliciter les subsides auxquels nous pouvions prétendre ou les permis dont nous avions besoin. Aide très utile aussi pour préparer nos dossier financiers avant d'aller chez nos banquiers. Nous avons également reçu beaucoup de soutien chez Atrium ou au sein du réseau Entreprendre – un concept formidable by the way. Il y a beaucoup d'aides à Bruxelles pour les entrepreneurs et je trouve ça très positif. »
Vous vous êtes lancés dans cette aventure avec un partenaire. Les associations, ce n'est pas toujours simple... Trois ans plus tard, quel bilan tirez-vous de cette collaboration ?
Olivier de Brauwere : « Ça se passe extrêmement bien. Nous formons une vraie équipe et ça, c'est vraiment le plus important. Nous avons des valeurs communes qui nous permettent d'aller dans la même direction, nous avons un langage commun, ce qui nous permet de nous comprendre facilement et en même temps, nous sommes très complémentaires. C'est une force énorme même s'il est vrai qu'elle a nécessité des réglages entre nous, des ajustements. Il faut apprendre à travailler ensemble ! Il y a forcément la première dispute, il faut apprendre à la gérer et faire en sorte d'éviter que de nouvelles disputes éclatent. Et pour y arriver, pas de secret, il faut être transparent et communiquer en permanence. Mais surtout, je pense qu'avant même de se lancer dans l'aventure, il est important à se mettre d'accord sur la manière de fonctionner, comment on va aborder tel ou tel problème. Il peut d'ailleurs aussi être utile de mettre une série de choses par écrit ! En cas de blocage, il est alors possible de se référer à un document rédigé avant pour voir comment sortir du blocage. »
Vous pensez à quel type de problème ? L'évolution de l'actionnariat de la société ?
Olivier de Brauwere : « Par exemple, oui. C'est un des sujets très importants dans la vie d'une startup. Autres exemples, les valeurs, les motivations personnelles, les ambitions à moyen/long terme, quelle localisation... Ça ne veut pas dire qu'on ne peut pas changer d'avis, évidemment, il est essentiel d'être flexible, d'évoluer en fonction des circonstances, mais c'est quand même utile de mettre les choses au clair dès le départ. En fait, nous avons fait le choix de tout formaliser avant de lancer commercialement l'entreprise. Cette phase de préparation est d'ailleurs une phase un peu paradoxale : elle est frustrante parce que les choses ne vont jamais assez vite et qu'on n'est pas non plus certains du succès commercial et en même temps, c'est une phase que je trouve très riche parce que justement, on n'est pas encore absorbé à 100% par l'opérationnel que que donc, on a encore du temps pour discuter des questions portant sur la manière de fonctionner, les attentes qu'on peut avoir, etc. »
Interview : Adrien Mintiens