En finir avec les acariens ! C'est le métier d'une spinoff bruxelloise issue de la recherche universitaire. Après ce premier produit baptisé Acar'up, la société Acar'Up, va en lancer d'autres, un kit qui permet de détecter la présence excessive d'acariens dans nos matelas et un produit vétérinaire destinés à la lutte contre les acariens chez les chiens. Pour assurer ces développements et financer son expansion internationale, Acar'Up a finalisé une levée de fonds . Interview avec Pierre Buffet, managing director de Acar'up.
Ce qui est singulier dans votre parcours, c'est que vous n'êtes pas à l'origine de la création de cette startup, vous êtes arrivés en cours de route. Qu'est-ce qui vous a attiré dans ce projet lancé par Anne-Catherine Mailleux?
Pierre Buffet : « C'est effectivement Anne-Catherine qui est à l'origine des recherches. Elle est biologiste de formation, moi pas... De 2005 à 2012, à l'UCL et à l'ULB, elle a mis au point la solution thérapeutique qui permet de lutter contre les allergies aux acariens.
En fait, nous nous sommes rencontrés en 2012 grâce à hub.brussels. Anne-Catherine était à la recherche d'un binôme entrepreuneurial. Généralement, quand vous souhaitez créer une spinoff sur la base d'un produit ou d'une technologie que vous avez développée à l'occasion d'une recherche universitaire, les universités vous encadrent pour trouver le bon binôme avec qui il sera possible de lancer la société. Ici, c'est hub.brussels qui a joué ce rôle de relais à la demande de l'UCL. »
Et donc, vous vous êtes impliqué à temps plein dans le projet...
Pierre Buffet : « Au début on a décidé de travailler ensemble un jour par semaine, puis deux, puis quatre. Et comme ça se passait bien, nous sommes passés chez le notaire en janvier 2013 et là, nous sommes devenus pleinement associés. »
Etait-il clair dès le départ que cette collaboration déboucherait sur votre entrée au capital de la société ?
Pierre Buffet : « C'était en tout cas l'idée mais les choses se sont faites graduellement. D'avril à décembre 2012, les huit premier mois de notre collaboration, nous avons essentiellement préparé la mise sur le marché du premier produit développé par Anne-Catherine. Il fallait faire un choix crucial : est-ce qu'on vend en pharmacie, ou dans le commerce classique, ou sur Internet ?
Il fallait en même temps définir le business model que nous allions mettre en place derrière ce choix, réaliser les levées de fonds nécessaires pour appliquer le business model et, bien sûr, définir la stratégie à 5 ans. Huit mois de travail intense qui se sont terminés par un road show qui nous a permis de lever les fonds nécessaires pour créer la société – une SA – en janvier 2013. Et quelques mois plus tard, nous avons accueilli des investisseurs extérieurs pour renforcer le capital de la société. »
Quand est-il apparu clairement que vous deviendrez-vous associé, actionnaire donc, de la société ? Dès le départ ?
Pierre Buffet : « Avant de prendre la décision formellement, il a d'abord fallu qu'Anne-Catherine et moi apprenions à travailler ensemble. Je sais d'expérience que l'association, ce n'est pas facile... Il faut répondre à quelques questions essentielles : est-ce qu'on a bien la même vision ? Est-ce qu'on travaille bien ensemble ? La décision de s'associer est venue vers septembre/octobre 2012, à partir du moment où nous avons décidé de lever des fonds supplémentaires pour lancer la société. Quand vous sollicitez des investisseurs potentiels en leur présentant votre dossier, vous devez déjà dire combien vous, vous allez mettre de votre poche... »
Cette mise à l'épreuve mutuelle, on vous l'avait conseillée ou ce sont plutôt vos expériences antérieures qui vous ont incité à prendre le temps de vous apprivoiser mutuellement ?
Pierre Buffet : « Les deux. Je savais d'expérience qu'il faut se tester mutuellement avant de se lancer dans une telle association, faute de quoi on risque d'aller dans le mur. Mais d'autre part, les universités savent très bien que c'est un point clé dans la réussite – on non – d'une spinoff et aussi bien à l'ULB qu'à l'UCL, on a beaucoup insisté sur ce point. »
Quels sont les ingrédients qui vous semblent indispensables pour qu'une association réussisse à long terme ?
Pierre Buffet : « De la confiance avant tout. Mais aussi la capacité de lâcher prise : il est évident que votre associé et vous n'allez pas faire tout exactement de la même manière – surtout quand vous réunissez un cerveau plutôt scientifique et un cerveau plutôt commercial. Non seulement il est nécessaire de comprendre et d'accepter qu'on ne fonctionne pas de la même façon mais, en plus, c'est souhaitable, c'est qui va ajouter de la valeur à l'association.
Il faut également une vision commune et aussi une excellente communication. C'est évidemment facile à dire, pas toujours à faire. J'aurais peut-être dû commencer par là, d'ailleurs... Il faut être totalement transparent avec son associé. »
Est-il important que les deux associés aient exactement le même pourcentage du capital de la société ou bien cela n'a-t-il pas d'importance selon vous ?
Pierre Buffet : « Il se fait qu'Anne-Catherine et moi avons le même poids dans l'actionnariat de la société, ça nous convient, mais je ne pense pas que ce soit forcément essentiel. Avec les augmentations de capital successives et l'arrivée de nouveaux actionnaires dans la société, nous avons bien sûr été dilués et, à deux, nous n'avons plus la majorité du capital.
Maintenant, il faut bien rappeler que c'est le conseil d'administration qui prend les décisions importantes pour l'entreprise et là, nous n'avons de toute façon jamais été majoritaires. Ce n'est pas un problème dans la mesure où l'intérêt de la société est que le management et le conseil d'administration soient bien alignés, et c'est le cas. »
J'imagine que quand on crée une spinoff, on reçoit beaucoup de conseils. En est-il un qui, aujourd'hui, vous semble avoir modifié la trajectoire de la société ?
Pierre Buffet : « On reçoit effectivement pas mal de conseils très utiles. Mais en sortir un du lot... Je dirais sans doute ce conseil qui nous a été donné de nous focaliser sur les ventes, de ne pas attendre qu'elles tombent. Avec le recul, j'ai un peu l'impression que – sans nous en rendre compte – nous étions partis un peu trop sur une logique produit, du genre « on a un produit incroyable qui marche super bien, les gens vont se l'arracher ! ». Mais ça ne marche pas comme ça !
Aujourd'hui, il est plus facile de vendre sur le marché un mauvais produit avec beaucoup de publicité et d'argent derrière qu'un bon produit sans argent et sans communication. On n'était dans aucun des deux cas mais on a vite compris que notre produit n'allait pas se vendre tout seul. Et donc, ce conseil, cette prise de conscience a changé pas mal de choses chez nous, notamment en termes de ressources humaines, puisque nous avons engagé plus de commerciaux et mis en place des process pour suivre de très près l'évolution de nos ventes. »
Et si vous deviez donner un conseil à quelqu'un qui envisage de s'associer, que lui diriez-vous ?
Pierre Buffet : « Tester la relation. S'assurer que le partenaire envisagé est le bon. Et puis surtout, communiquer ! Ça paraît un peu bateau, mais ça ne l'est absolument pas. Quand des dissensions apparaissent entre deux associés, on voit souvent apparaître des non-dits et plus le non-dit est ancien, plus l'effet peut être dévastateur sur la confiance entre les associés. Il faut communiquer fréquemment, évoquer les peurs éventuelles de chacun, dire aussi dans quel cadre chacun souhaite fonctionner, essayer de bien comprendre comment chacun fonctionne. Vraiment pas simple mais c'est capital. »