Un espace atelier de fabrication-boutique-salon de dégustation nimbé de voluptueuses effluves chocolatées, tel était jusqu’à la mi-mars l’univers de Julia Mikierova et Björn Becker, le couple aux commandes de ‘Mike and Becky’, un concept entièrement voué au chocolat ‘bean to bar’ (de la fève à la tablette). Depuis, les choses ont évolué mais ne se sont pas arrêtées, bien au contraire.
Le COVID-19 est en effet passé par là, mettant en veilleuse le salon de dégustation ucclois sans parvenir à entamer la détermination des deux entrepreneurs fous de chocolat au profil peu banal, eux qui étaient initialement venus à Bruxelles pour poursuivre leur carrière de consultants dans la sphère de l’Union européenne.
Une découverte fortuite
Ca, c’était avant leur découverte des subtilités du chocolat, comme l’explique Björn: « L’aventure commence en 2015 dans un café praguois spécialisé dans le chocolat chaud. L’endroit était charmant et on nous a présenté un menu qui ressemblait furieusement à une carte des vins avec une notice explicative pour chaque chocolat proposé. C’était étonnant, un peu compliqué même. Mais la dégustation nous a ouvert les yeux sur l’existence de différents types de cacao. Dès notre retour à Bruxelles, nous avons cherché à prolonger l’expérience. Et nous avons été très déçus. Nous avons donc pensé qu’il y avait une niche. Mais à condition de travailler sur base du chocolat que nous aurions produit nous-mêmes. »
Profession : fabricants de chocolat
C’est ainsi que Julia et Björn, ou plutôt Mike et Becky puisqu’ils ont décidé de réinterpréter malicieusement leurs patronymes pour baptiser leur petite entreprise, ont fait leur entrée dans le petit monde belge des fabricants de chocolat « et non des chocolatiers », tient à préciser Björn qui insiste sur la distinction entre les géants de l’agro-alimentaire qui élaborent et commercialisent à bon compte le chocolat destiné à la fabrication des pralines, les chocolatiers qui produisent ces petits bonbons chocolatés emblématiques de notre pays, et les artisans, véritables amoureux du chocolat qui sélectionnent rigoureusement leurs fèves, les torréfient et les travaillent avec le plus grand soin. Des artisans étonnamment peu nombreux dans notre pays. « Savez-vous qu’il y a trois ans, il y avait plus de fabricants artisanaux de chocolat en Hongrie qu’en Belgique et que paradoxalement, le meilleur chocolat est actuellement produit en Californie où l’on se pose beaucoup de questions sur l’alimentation ? » interroge même notre interlocuteur.
Le grand saut
Encore faut-il trouver les bonnes origines géographiques, les variétés adéquates -les bons cépages, dirait-on dans le monde du vin-, les producteurs éthiquement responsables et respectueux de l’environnement. Le couple se documente beaucoup, prend contact avec des producteurs des quatre coins du monde, reçoit un accueil chaleureux et est même submergé d’échantillons de fèves. Ce qui au départ ne devait être qu’un hobby a rapidement pris des proportions inattendues. «Finalement, cela tombait plutôt bien», constate Björn. «J’approchais de la quarantaine et après avoir passé une quinzaine d’années dans les coulisses des institutions européennes, j’avais l’impression d’en avoir fait le tour.»
(ndlr: l'article continue après la photo ci-dessous)
Des débuts fulgurants
C’est donc décidé, les deux consultants en phase de reconversion lancent d’abord un site de vente en ligne pour commercialiser les chocolats produits par leurs nombreux correspondants devenus des amis, puis sélectionnent quelques producteurs répondant à leurs critères qualitatifs et éthiques. Viennent ensuite les premières commandes, la conception d’un packaging informatif et, dès l’automne 2015, les premières dégustations «parce que pour des tablettes vendues entre 4 et 10 € l’une, c’était la meilleure solution pour convaincre les consommateurs», explique Björn.
Le succès est tout de suite au rendez-vous. Au lendemain des fêtes, nos deux apprentis entrepreneurs pensent à ouvrir un pop-up store et jettent leur dévolu sur leur adresse actuelle de l’avenue Brugmann découverte avec la complicité d’hub.brussels. « Cet espace convenait parfaitement aux trois facettes de notre projet: un magasin destiné à devenir un eldorado pour le bon chocolat à Bruxelles, un atelier de fabrication et un café où déguster notre chocolat chaud», détaille Björn. Le temps de rénover et d’aménager l’endroit, d’activer les aides disponibles à Bruxelles pour les entrepreneurs, parmi lesquelles 1819, Brufotec ou encore hub.brussels (Bruxelles Invest & Export à l'époque), et ‘Mike and Becky’ peut ouvrir ses portes en octobre 2016.
Faire partie de l’équipe des solutions et pas de l’équipe des problèmes
Dès avant le début de la crise du COVID-19 et du confinement qui y a été lié, Björn relativisait: « Il est généralement admis que trois à cinq ans sont nécessaires pour amener un projet entrepreneurial à maturité. Il me semble que nous sommes déjà pas mal avancés mais tout n’est pas encore gagné. Nous voyons distinctement le chemin à parcourir, qui tient un peu de la colline ou même de la montagne à gravir. Il suffit juste que nous parvenions au sommet.»
En prononçant ces mots, il n’imaginait certainement pas que l’espace de dégustation de Mike and Becky allait se retrouver fermé du jour au lendemain pour une période indéterminée et que la montagne allait prendre des airs d’Everest.
« Notre café occupe la moitié de notre surface uccloise. Autant dire que cette fermeture nous pose un gros problème. Entre le début du confinement et la mi-mai, nous avons perdu environ 70% de notre revenu. Et n’accueillir qu’un tiers de notre clientèle potentielle afin de respecter les règles de distanciation sociale ne nous paraît pas une option acceptable. Si le virus n’est pas jugulé d’ici là, je n’imagine pas pouvoir rouvrir le café cette année», regrette-t-il avant d’assurer « Mais nous faisons partie de l’équipe des solutions et pas de l’équipe des problèmes ! »
Savoir se réinventer
Démonstration: Il y a plusieurs mois déjà, Björn et Julia avaient déniché à Anderlecht des locaux adéquats pour accueillir une partie croissante de leur production de chocolat. Depuis le début de la crise, ils ont décidé de mettre les bouchées doubles pour l’aménagement de ce nouvel espace:
« Nous y consacrons beaucoup de temps et d’argent car nous estimons très important de disposer d’un lieu de production qui nous permette de mettre en valeur notre atout principal: le chocolat de qualité, éthique, transparent, qui ne nuit ni à l’environnement ni au consommateur. Ainsi, lorsque la demande augmentera, nous serons prêts à travailler dur et à produire mieux ! » détaille Björn.
Il explique aussi que le couple se focalise dans l’immédiat sur la production de tablettes et sur la piste intéressante du B2B afin de répondre à l’intérêt des pâtissiers-boulangers et des glaciers de plus en plus nombreux à rechercher du chocolat de qualité. Et dès qu’il aura le temps, que l’outil de production sera au point, Björn s’attellera aussi à la mise au point d’un site web performant pourvu d’un magasin en ligne attractif car « l’e-commerce est le moyen de nous libérer de notre dimension locale », estime-t-il. « Ainsi nous serons indépendants et si tout va bien, nous pourrons recevoir des commandes du monde entier ! »
L’avenir avec optimisme
On l’aura compris, malgré les circonstance, l’heure est à l’optimisme chez Mike and Becky, ou plutôt à la raison: « Je crois surtout qu’il faut rester calme, zen et ne pas perdre la tête », estime Björn. « Il faut éviter de tomber dans une forme de dépression. Restons positifs ! Tout est ralenti mais pas arrêté et il faut être attentif à la suite. Pour nous, en dehors de la fermeture du café, peu de choses ont changé: le chocolat est et reste le produit idéal pour se faire du bien, échapper au quotidien et rêver un peu. Nous savons que notre produit correspond exactement aux attentes des consommateurs. Par ailleurs, tout ce qui est local, transparent et/ou bio est très demandé, quel que soit le domaine d'activité. Ce courant est particulièrement perceptible à Bruxelles. C’est pourquoi nous sommes si heureux d’être ici. C’est pourquoi aussi il faut que nous renforcions notre visibilité non seulement dans la capitale mais également dans toute la Belgique. C’est pourquoi enfin je suis optimiste. »
Article écrit par Catherine Aerts
Il faut éviter de tomber dans une forme de dépression. Restons positifs ! Tout est ralenti mais pas arrêté et il faut être attentif à la suite. (...) Tout ce qui est local, transparent et bio est très demandé, quel que soit le domaine. Ce courant est particulièrement perceptible à Bruxelles.
Björn