En 2009, Florent Hainaut n’a pas hésité à tirer parti des opportunités générées par la tourmente financière qui faisait alors rage et lancer - avec succès- son entreprise. « C’est que je suis un opportuniste et que j’ai l’esprit d’entreprise chevillé au corps», sourit-il.
Racontez-nous les circonstances de la création de Bridgewater, votre première entreprise.
Florent Hainaut: «Fraîchement diplômé en sciences éco de l’ULB, j’ai commencé à travailler dans un cabinet de recrutement le 15 septembre 2008, jour de la faillite de la banque Lehman Brothers. On ne pouvait imaginer pire moment pour démarrer sa carrière professionnelle! Mais mon tempérament opportuniste m’a incité à penser que cette situation économique peu favorable devait receler des potentialités dont il fallait profiter. La réduction des coûts constituait un véritable leitmotiv dans les entreprises que je côtoyais. Pourquoi ne pas leur proposer des conseils sur la meilleure manière d’optimiser leurs dépenses? C’est de là qu’en 2009 est né Bridgewater avec pour ambition d’aider les sociétés à optimiser leurs dépenses en matière de frais, c’est-à-dire tout ce qui n’est pas lié directement à la stratégie de l’entreprise.»
L’entreprenariat était donc une idée qui vo
us souriait…
F.H. : L’envie de créer une société s’est ancrée en moi dès la rhéto, quand j’ai eu l’occasion de participer à la création d’une mini-entreprise. A l’université, on m’a conseillé de patienter un peu, d’acquérir un peu d’expérience avant de me lancer. Mais pourquoi attendre?
Quelle est l’originalité de Bridgewater ?
F.H : «L’idée est réellement née du besoin et de la conviction que ce service serait utile. Lors de l’élaboration du business plan, il est apparu que ce type d’offre existait déjà mais de manière très limitée parce que la principale concurrence à ce type de service se trouve au cœur des entreprises où les services d’achat internes se montrent volontiers réticents à externaliser cette tâche par crainte que la qualité des résultats offerts par le service externe nuise à leur légitimité. A nous donc de faire du lobbying pour démontrer que l’on n’est pas dans une relation de concurrence mais de complémentarité.
Autre facteur qui a clairement contribué à notre succès: nous fonctionnons sur le modèle ‘no cure no pay’, c’est-à-dire que nous sommes rémunérés en fonction des résultats. Les clients n’ont donc ‘rien à perdre’ à travailler avec nous. Ce modèle nous a permis de convaincre les entreprises malgré notre jeune âge et notre ‘inexpérience’, et de grandir en enchaînant les projets.»
Comment Bridgewater a-t-il évolué ?
F.H. : «Au début, nous visions les petites PME de 50-100 personnes mais ces projets n’étaient pas forcément rentables et nous avons évolué vers des sociétés de plus en plus importantes. Nous nous focalisons désormais sur le Top 500 des entreprises en Belgique.»
Et quels sont vos projets ?
F.H. : «Notre pays n’est qu’un tout petit marché. Depuis 2016, nous travaillons sur des projets internationaux, européens, de plus grande envergure, et nous comptons parmi notre clientèle de grands industriels comme ArcelorMittal, la SABCA, la SONACA et d’autres clients du même type.
Nous avons aussi développé le projet Cuustomer pour répondre aux demandes d’indépendants, de PME, d’ASBL que nous ne pouvions pas satisfaire en raison du modèle de Bridgewater. Après mûre réflexion, il nous a semblé opportun de nous axer sur l’adéquation entre la demande du client et la nature du service, et de mettre à profit la révolution numérique actuelle pour proposer une plate-forme largement inspirée de Tripadvisor sur laquelle nos interlocuteurs pourraient eux-mêmes trouver des fournisseurs. Convaincus que le client est le commercial 2.0., que l’avis posté par un client inspire aujourd’hui plus confiance que le message véhiculé par l’entreprise, nous avons constitué une sorte d’annuaire des fournisseurs possibles que leurs clients vont pouvoir évaluer comme sur Tripadvisor. Pour garantir la fiabilité de ces avis, les clients ne peuvent se connecter que via un compte Linkedin. Ainsi, les autres utilisateurs peuvent en savoir plus sur l’auteur du post et le fournisseur, être certain qu’il s’agit d’un vrai client. Il s’agit donc bien d’un outil d’aide à la décision pour les utilisateurs et d’une incitation à l’amélioration mais aussi une garantie de qualité pour les fournisseurs comme l’évoque notre slogan ‘Better Decisions, Better Suppliers’.»
Où en est le développement de Cuustomer ?
F.H. : «Le développement de l’application Cuustomer a commencé en juin 2018, les tests ont débuté en décembre 2018 et la plate-forme a été officiellement lancée en février 2019. Les premiers retours sont bons. Les utilisateurs comme les fournisseurs se montrent enthousiastes. Ils s’étonnent qu’un tel concept n’existait pas encore et sont rassurés par l’authentification via Linkedin. Mais ce n’est pas gagné pour autant. Aujourd’hui, 1% seulement des plates-formes sur Internet réussissent, atteignent le niveau de maturité que l’on peut qualifier de succès et 1% seulement des visiteurs laissent un avis. Une plate-forme doit attirer une double clientèle: d’un côté des utilisateurs et de l’autre des fournisseurs. S’il n’y a pas de contenu, il n’y a pas non plus d’intérêt. Atteindre la masse critique pour que les gens puissent trouver de l’information pertinente sur notre plate-forme est donc un sacré challenge!»
Et comment voyez-vous son avenir ?
F.H. : «Une chose a toujours été claire: nous sommes en mode fail fast, c’est un projet qui soit réussira vite, soit s’arrêtera tout aussi vite. La Belgique est notre marché test. Une plate-forme comme la nôtre ne peut fonctionner que si elle est géographiquement présente au niveau européen voire mondial. Une levée de fonds est donc programmée dans ce but. En avril, deux pays vont déjà rejoindre la Belgique. Notre ambition est d’être présents dans sept pays d’ici la fin de l’année pour couvrir 2/3 du marché européen.»
A quelles aides avez-vous eu recours ?
F.H. : «Au début de l’aventure Bridgewater, nous avons fait challenger notre business plan par BECI et nous avons contacté l’ex-SRIB devenu depuis Finance.brussels auprès de qui nous avons obtenu un crédit et qui nous a aussi soutenus dans le cadre du lancement de Cuustomer en nous accordant en juillet 2018 un crédit de 100.000 €. Pour Bridgewater, nous avons régulièrement fait appel à des aides à la consultance, à la formation. Bridgewater a aussi fait partie du programme ‘Croissance’, le programme d’accélération du Réseau Entreprendre destiné aux start-ups et scale-ups. Cela a débouché sur le projet Cuustomer. Le software que nous avions développé pour Bridgewater nous a aussi permis d’intégrer le cluster software et nous avons plus récemment suivi le même chemin pour Cuustomer.»
Quel est votre bilan personnel au bout de dix ans d’activité ?
F.H. : «Quand j’ai commencé, j’étais forcément novice dans beaucoup de choses, mais le temps m’a permis d’apprendre, de savoir quoi faire avec qui, de développer mon réseau. Les choses ont donc été beaucoup plus simple quand il s‘est agi de lancer Cuustomer. Je suis aujourd’hui entouré d’une équipe de dix personnes parmi lesquels des codeurs issus de l’école de codage BeCode. Ce noyau est encore appelé à évoluer en fonction de notre prochaine levée de fond et des résultats de Cuustomer. »
Quels conseils donneriez-vous à des aspirants entrepreneurs ?
F.H. : «Quand je me suis lancé, j’étais jeune et je craignais qu’en parlant trop de mon projet, mon idée soit copiée, je sois dépassé par des gens plus expérimentés que moi. Je crois que c’est tout le contraire qu’il faut faire: il faut parler de son projet à des publics aussi différents que possible, partager, exprimer son idée, ses craintes et il ne faut pas hésiter à demander de l’aide, des conseils. L’ouverture est très importante.»
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Article rédigé par Catherine Aerts