Jusqu’aux premiers jours de 2022, la crise du covid-19 a rendu les voyages hasardeux, les activités intérieures compliquées. Alors pourquoi ne pas jouer à voyager dans sa ville en solo ou en petits groupes grâce aux escape games urbains de CODDY ?
Nous sommes en 2018, Didier Boulvin, Sébastien Balieu et Stéphane Draux fondent la société Kalio. «A la base, il s’agissait d’une agence de développement web spécialisée dans la création de sites web ou d’applications pour une clientèle professionnelle, explique Didier Boulvin. Un jour, après avoir participé avec beaucoup de plaisir à un jeu géolocalisé en extérieur, il nous a semblé évident que nous serions capables de faire la même chose, mais en mieux.»
Découvrir en jouant
Il est vrai qu’avant même de créer Kalio, les trois associés comptaient déjà chacun une dizaine d’années d’expérience dans le développement web et qu’ils n’avaient pas encore assouvi leur quête de sens et toutes leurs aspirations au changement professionnel. Ils se lancent donc dans l’aventure, publient leur premier jeu et créent la structure CODDY en février 2020.
«Nous adorons visiter des villes, détaille Didier Boulvin. Pour nous, le jeu est le prétexte idéal pour partir à la découverte ludique d’une cité. Initialement, nous avions même prévu des événements théâtre dans chaque ville d’un de nos jeux pour créer un effet de compétition et permettre à un grand nombre de participants de se retrouver. Le concept global existait donc avant la crise Covid.» Mais quelques semaines seulement après le lancement de CODDY, le premier confinement bouleverse les plans de ses créateurs.
«Nos jeux prévus pour se dérouler à l’extérieur étaient compatibles avec les normes sanitaires mais nous avons tout de même été obligés de changer de paradigme, poursuit Didier Boulvin. Pour nous qui développons nous-mêmes notre produit, cela n’a pas été trop compliqué. Nous avons renoncé aux événements mais rendu nos jeux disponibles à tout moment en self-service. Certes, nous privions ainsi nos utilisateurs du plaisir de la compétition, mais nous leur offrions une plus grande souplesse d’utilisation.» Une opportunité qui correspond manifestement aux attentes des gamers de moins en moins enclins à programmer ce type d’activité à l’avance comme le constate Didier Boulvin: «Les chiffres montrent que 80% des achats sont faits pour jouer dans l’heure.»
Transformer une menace en opportunité
Derrière le jeu, il y a beaucoup de travail et pas mal de perspective de développement. « Quand nous avons créé CODDY, il fallait compter environ trois semaines de travail par jeu, précise Didier Boulvin. Je me rendais physiquement sur place pour les repérages. Ensuite, de retour au bureau, il fallait organiser les jeux, les publier dans l’app, etc. »
Le tour des villes belges intéressantes est vite fait et le trio pense à franchir les frontières, mais en pleine pandémie, ce n’est pas chose facile. À moins bien sûr de travailler à distance avec l’aide de google maps, google street view, wikipedia et d’autres plateformes spécialisées sur lesquelles il s’avère possible de trouver toutes les données nécessaires à l’élaboration d’un périple citadin réussi. Il ne reste plus qu’à améliorer les outils en interne pour réduire le temps de création d’un jeu à … trois jours sans quitter les bureaux bruxellois de CODDY tout en maintenant la satisfaction des utilisateurs comme l’explique Didier Boulvin: « A la fin de chaque jeu, les joueurs sont invités à noter leur expérience. Et que constate-t-on ? Que même pour les villes où nous n’avons jamais mis les pieds, la note est tout à fait comparable à celle de Bruxelles!» Une réussite qui prend la forme d’un nouveau challenge pour les trois entrepreneurs: la croissance à l’international.
«Nous proposons actuellement des jeux dans différentes villes belges et françaises. Dans notre pays, nous sommes confrontés à une assez forte saisonnalité. Pour y remédier, il nous faut mettre le cap sur des pays au climat plus favorable comme l’Espagne ou l’Italie, ce qui implique l’engagement de collaborateurs hispanophones ou italophones. Grâce à cette stratégie, nous pensons pouvoir lisser cette saisonnalité dès l’hiver 2022-2023. » Autre piste : l’élargissement de la cible. «À la base, nos jeux étaient créés pour les adultes mais nous avons constaté qu’on y joue de plus en plus en famille. Pour 2022, nous travaillons à des scénarios ou des modes de jeu un peu plus simples qu’aujourd’hui pour que de jeunes enfants puissent aussi participer activement. »
Transcender les difficultés
La levée de fonds qui s'est terminée début 2022 devrait permettre à CODDY de réussir ces différents défis, d’atteindre la rentabilité, d’étoffer l’équipe actuellement forte de cinq personnes et d’apporter un petit supplément de sérénité à ses créateurs. Car tout n’a pas été facile. «Passer d’une agence web rentable à un produit qui ne génère pas de profit a été compliqué, confie Didier Boulvin. Le chiffre d’affaires de Kalio diminuait sans cesse car nous n’acceptions plus de nouveau client et CODDY partait de rien. Nous avons été confrontés à une situation financière vraiment très compliquée. En plus, nous avons dû faire face aux règles covid qui nous ont compliqué la vie comme lorsque nous avons dû annuler au dernier moment notre événement pour halloween 2020 dans deux villes en parallèle organisé à l’occasion du lancement d’un nouveau jeu.»
Un trio gagnant
Heureusement, les trois créateurs de CODDY peuvent compter les uns sur les autres en cas de coup dur. Malgré leurs parcours différents, ils ont en commun leur expérience professionnelle, une grande envie de changement et d’innovation ainsi qu’une indispensable complémentarité. «Nous nous connaissions depuis longtemps sans être forcément proches, décrit Didier Boulvin. L’envie de créer une société qui ait du sens nous a réunis. Nous possédons des compétences et des envies très complémentaires : Sébastien supervise tout le volet financier, marketing et sales, deux domaines dans lesquels il excelle, Stéphane gère tous les aspects techniques de développement (application mobile, site web, studio) et personnellement je m’occupe de l’aspect produit et qualité, de la création des jeux, des nouveaux scénarios etc, ainsi que les ressources humaines. Être à trois nous a permis de nous équilibrer : quand l’un d’entre nous est dans le creux de la vague, les autres sont là pour le soutenir.»
Des aides précieuses
Les trois associés se sont aussi fait accompagner au moment de la création de CODDY malgré leur bonne connaissance des questions administratives due à leur précédent statut d’indépendants. «Nous sommes actuellement suivis par le Réseau Entreprendre Bruxelles et nous faisons partie du cluster hospitality de hub.brussels. Nous avons un peu tardé à nous faire accompagner et c’est dommage car nous y avons trouvé un accompagnement précieux dans des domaines aussi importants que la rédaction du business plan et les aspects financiers, ainsi qu’un suivi très rigoureux, notamment pour la levée de fonds qui a été réalisée auprès de Digital Attraxion et Finance&Invest.Brussels, de Business Angels, ainsi que de la plateforme belge d’investissement participatif Spreds.»
« Faites-vous accompagner »
C’est d’ailleurs sur ce point que Didier Boulvin insiste particulièrement lorsqu’on lui demande quels conseils il pourrait prodiguer à des aspirants entrepreneurs: « Il faut avoir une idée, l’envie, l’énergie, certes, mais il faut surtout se faire accompagner! Les outils ou les structures voués à l’accompagnement des jeunes entrepreneurs sont encore trop méconnus. Or il en existe adaptés à chaque statut, où l’on peut trouver des outils, des conseils, des spécialistes prêts à apporter leur aide ou même des subsides. Il ne faut pas croire qu’il est forcément difficile de demander de l’aide. C’est vraiment important et souvent gratuit.
Mon conseil serait donc: renseignez-vous, faites-vous accompagner et aussi créez-vous un réseau d’entrepreneurs, pas forcément dans votre domaine, mais qui ont le même statut. Ainsi vous pourrez échanger, être conseillé et pourquoi pas plus tard conseiller les autres.»
Interview faite par Catherine Aerts