C’est l’histoire d’un jeune juriste d’origine israélienne formé en Grande-Bretagne et venu à Bruxelles au milieu des années 90 pour y passer un MBA. Qui vingt ans plus tard y est toujours. Il y a fait sa vie et sa carrière et y est même depuis trois ans le co-fondateur et le CEO de CommuniThings, une startup spécialisée dans le smart parking...
Créer votre propre entreprise, était-ce une évidence pour vous ?
Etay Oren : A presque quarante-sept ans, j’ai derrière moi une carrière professionnelle longue de vingt ans dans plusieurs sociétés internationales où j’ai pu aborder différents secteurs, collaborer avec des équipes multidisciplinaires et découvrir dans quel domaine j’excelle. Peut-être le rêve de lancer ma propre structure était-il déjà été sous-jacent, mais j’ai toujours su qu’il n’était pas question de me lancer seul et qu’il me fallait trouver les bons partenaires.
L’opportunité ne s’est pas présentée plus tôt. L’idée de CommuniThings n’est donc pas venue du jour au lendemain. Il a fallu qu’elle murisse. Que nous discutions avec David Gillot et Ann Demarche, des collègues de longue date mais aussi mes futurs partenaires et co-fondateurs de CommuniThings, pour réaliser que nous étions prêts à nous jeter à l’eau. Nous avons réalisé que nous collaborions bien et que nous avions bouclé la boucle dans la société qui nous employait. On s’est dit ‘Now what?’
Chacun de nous possède un profil propre, assez complémentaire avec celui des deux autres. Nous avons réfléchi ensemble à la meilleure manière de collaborer, aux domaines d’avenir. Nous avons ciblé les objets connectés avec les smart cities (villes utilisant les technologies de l'information et de la communication) comme secteur cible. En tout, cette réflexion nous a pris environ six mois.
En quoi votre projet est-il innovant ?
E.O. : Après avoir quitté notre employeur, nous avons traversé une longue période d’incubation de différents concepts et sujets que l’on a testés avec des villes, leurs résidents, leurs municipalités. Au fur et à mesure, les smart cities se sont imposées comme une évidence. Nous avons donc commencé à nous adresser à elles et à leur offrir toute une série de services destinés à leur venir en aide.
Notre propos est d’essayer de résoudre le problème de congestion du trafic en optimalisant les possibilités de parking dans les villes. Les statistiques démontrent en effet que 30% du trafic est lié directement à la recherche de parking. Nous proposons des solutions basées sur des capteurs équipant chaque emplacement de parking afin de récolter des données sur ses disponibilités. Cela nous permet par la suite de guider les utilisateurs vers les places disponibles via une application mobile.
Par exemple, cela fait quatre mois que la ville de Mons est équipée de cent dix capteurs dans trente zones commerçantes différentes à la plus grande satisfaction des commerçants qui souffraient d’un déficit de consommateurs dû à l’insuffisance de rotation des places de parking. Grâce à notre système, le nombre de rotations par emplacement par jour a triplé. Quant à la ville, elle dispose de statistiques d’occupation heure par heure, jour par jour. Cela lui permet de mieux planifier. Nous aimerions évidemment convaincre Bruxelles, créer de l’impact au sein de notre région.
Trois ans plus tard, êtes-vous un entrepreneur heureux ?
E.O. : Je ne regrette absolument pas ma décision, même s’il est évident que la vie d’un entrepreneur est pleine de défis scientifiques, personnels, financiers… Nous ne vivons pas de manière aussi confortable qu’avant, en gagnant beaucoup moins bien notre vie, juste de quoi tenir plus ou moins la tête hors de l’eau.
Mais en contrepartie, il est extrêmement intéressant et enrichissant de travailler sur un domaine en pleine émergence. Nous aimons vraiment ce que nous faisons, nous sentons que nous impactons les villes dans lesquelles nous intervenons. Nous sommes conscients de leur fournir un service porteur de valeur en matière de sensibilité civile et environnementale.
De quelles aides à la création d’entreprise avez-vous pu bénéficier ?
E.O. : Nous avons débuté sur fonds propres. Chacun de nous a mis une grosse partie de ses économies dans la société. Par la suite, nous avons suscité l’intérêt de la société Wallimage Entreprises qui est intervenue d’abord sous forme d’aide convertible puis a été la première à entrer dans le capital en tant qu’actionnaire. Au bout d’un an et demi d’activité, nous avons aussi intéressé des ‘friends & family’ ainsi que quelques employés de la société. C’est le stade auquel nous nous trouvons actuellement.
Nous avons posé notre candidature au prix Rise d’Innoviris pour un produit spécifique qui fait partie de l’évolution de notre offre. Nous savions que le démarrage de ce projet nécessiterait une phase de recherche très onéreuse. Nous désirions le mettre en œuvre à Bruxelles et c’est donc ici que nous devions recruter. Grâce au budget qui nous a été octroyé via Rise et qui s’étend sur vingt-quatre mois, nous avons pu engager les personnes nécessaires. Nous sommes aujourd’hui une dizaine de collaborateurs.
Quels sont vos projets et vos ambitions ?
E.O. : Depuis l’obtention du prix Rise, nous avons signé avec plusieurs nouvelles villes. Nous sommes déjà présents dans plusieurs villes aux Pays-Bas, en Belgique et dans le courant de l’été 2017, nous nous implanterons dans une ville du nord de la France. Mais surtout, nous suscitons l’intérêt de différentes villes en dehors de l’Europe, jusqu’en Chine, aux Etats-Unis et même à Porto Rico.
Si nous ne nous étions basés que sur notre projet de base, avec nos forces de vente actuelles, notre croissance aurait été très lente. C’est pourquoi nous menons plusieurs projets en parallèle. D’une part, nous désirons doter le plus grand nombre possible de villes de notre équipement de base. A cette fin, nous avons réussi à mettre en place toute une série de partenariats au moins pour la partie vente avec toute une série d’opérateurs mobiles, de vendeurs de services, d’intégrateurs, d’autres acteurs liés aux smart cities qui démarchent en notre nom.
Au-delà de la vente nous assumons les développements, les projets et les supports techniques. Notre autre objectif est de montrer que notre service fonctionne bien, d’étendre notre offre à d’autres services et produits qui ne sont pas encore sur le marché et qui ne font pas encore partie de notre service de base. Le projet Rise nous permettra d’ouvrir cet autre axe de travail et de toucher d’autres villes plus rapidement.
Quels conseils donneriez-vous à ceux qui sont tentés par l’aventure de l’entreprenariat ?
E.O. : Je pense être encore trop dans l’action pour avoir la sagesse requise! Tout au plus puis-je témoigner de ce que j’ai appris. J’ai appris à être plus patient. Lorsque nous avons lancé l’idée de CommuniThings, nous espérions être trois ans plus tard à la tête d’une société en pleine croissance suscitant l’intérêt du monde entier. Mais cela prend du temps. Il faut faire face à énormément de défis. Il faut non seulement de la bonne volonté, mais aussi de la persévérance et la conscience que cela va durer plus longtemps que ce que l’on souhaite.
Un autre conseil très important: ne pas sous-estimer l’importance du partenariat, des personnes avec qui on crée la société. Avoir les bons associés est primordial. Il faut prendre son temps et bien, bien réfléchir avant de se lancer dans une telle aventure avec des associés. Il faut bien les connaître, peut-être essayer d’un peu travailler avec eux avant de se lier à eux.
Ajout 1819: depuis l'interview, CommuniThings a également été officiellement sélectionnée pour intégrer la première saison d’Orange Fab en Belgique et au Luxembourg