Lui était coiffeur depuis plus de 20 ans en Iran, elle vendait des vêtements sur un marché en Somalie. Arrivés ici, ils travaillent pour quelqu’un d’autre, alors que leur rêve est de créer leur propre entreprise. Ils ne savent tout simplement pas comment démarrer ni où trouver les bonnes informations. Coup de projecteur sur le parcours de ces entrepreneur·e·s venu·e·s d’ailleurs, leurs défis, leurs difficultés, ainsi que sur les actions concrètes pour rendre l’entrepreneuriat toujours plus inclusif.
Bruxelles, terre de diversité et d’opportunités
Capitale de l’Europe, Bruxelles est aussi une ville multiculturelle où se côtoient de nombreuses nationalités, dont une bonne partie originaires de pays hors UE. Selon les chiffres de l'office belge de statistique Stabel, en 2023 47% des Bruxellois·es étaient d’origine étrangère, venant d’un pays en dehors de l’UE. En Belgique, 32% de ces personnes ont fait des études supérieures, contre 27% de la population dite locale. Un véritable creuset de savoirs et de savoir-faire ! Pourtant, malgré leurs compétences et leur potentiel, bon nombre de ces personnes issues de ces pays rencontrent des freins dans leur intégration socio-professionnelle alors qu’elles pourraient à la fois combler les pénuries sur le marché du travail ou créer leur propre entreprise. Et par là, aussi se construire un réseau social, maîtriser la langue, gagner en autonomie et en confiance en soi … bref trouver leur leur voie dans leur nouveau pays.
Entrepreneur·e·s, migrant·e·s ou non, même combat ?
Se lancer dans l’aventure entrepreneuriale n’est jamais un parcours sans le moindre obstacle, mais le constat est clair : les personnes issues de l’immigration rencontrent des difficultés supplémentaires lorsqu’elles veulent se lancer en tant qu’entrepreneur·e.
Les difficultés sont de 3 types :
Les barrières administratives
J’étais infirmière en Albanie, raconte Zulma. Obtenir mon titre de séjour a été une longue procédure. J’ai eu plusieurs refus avant de l’obtenir. Mon but était de me lancer ensuite comme indépendante dans le secteur des soins, mais je ne savais pas comment faire et où m’adresser pour faire reconnaître mon diplôme, cela a été une vraie galère …
Lancer son projet et devenir entrepreneur·e nécessite un large panel de compétences – dans son secteur d’activité mais aussi en termes de gestion d’entreprise – ainsi qu’un grande motivation, de la flexibilité ou encore une bonne capacité d’adaptation et de résilience. Pour les personnes nées dans un autre pays, des freins propres au démarrage d’une activité d’indépendante viennent s’additionner. Par exemple, une personne ayant la nationalité d’un pays non-européen devra effectuer des démarches supplémentaires pour pouvoir exercer (carte professionnelle). Elle rencontrera également des obstacles liés à la reconnaissance de ses diplômes ou de son expérience professionnelle à l’étranger.
Les difficultés à accéder à l’information et à l’accompagnement
Trouver la bonne information est la première difficulté mise en avant par les migrant·e·s souhaitant entreprendre à Bruxelles : quelles sont les démarches administratives, les obligations, la fiscalité, où trouver de l’aide, du financement… ?
Pour une personne d’origine étrangère, qui ne connait pas bien le fonctionnement des institutions locales et/ou ne maîtrise pas bien les langues nationales, se faire accompagner et trouver du financement, ce n’est simple à trouver, explique Hassan, qui est en train d’ouvrir un restaurant Syrien.,
Pour pallier à cela, il est essentiel d’encourager une meilleure collaboration entre les acteurs de soutien à l’entrepreneuriat et les bureaux d’accueil pour primo-arrivants (BAPA), mais aussi d’aller à la rencontre des primo-arrivants, et de trouver les bons canaux pour leur permettre d’accéder à toute l’information, de préférence dans leur langue.
Le manque d’accès au financement
La majorité des migrant·e·s ou réfugié·e·s, et encore moins les personnes qui ne parlent pas une des langues nationales, n’a pas accès au crédit bancaire. Un manque d’historique bancaire, la méconnaissance des règles administratives, le manque de garantie ou d’apport personnel sont souvent mis en avant comme explications. Des alternatives comme le microcrédit existent, mais elles doivent davantage être connues.
Un rêve d'entrepreneur·e sans frontières
Karine est originaire d’Arménie. Arrivée en Belgique en 1999, elle a enchaîné les petits jobs en tant que serveuse dans divers bars et cafés. Comme son salaire ne lui permettait pas de subvenir à ses besoins, elle a décidé de se lancer dans l’aventure entrepreneuriale.
Diplômée en économie et ayant évolué dans le monde des affaires en Arménie depuis ses 18 ans, Karine n’a pas eu besoin de coaching pour lancer son activité et a réalisé elle-même toutes les démarches administratives. Elle a d’abord ouvert un premier café à Anderlecht avec le soutien de microStart. En 2019, juste avant la pandémie, elle a ouvert un nouveau café : le Wiel’s Renard Noir. microStart l’a également soutenue dans ce nouveau projet !
Ces trois catégories de difficultés sont amplifiées par la barrière de la langue, les différences culturelles, la méconnaissance des règles locales. Enfin, n’oublions pas non plus les freins personnels des migrant·e·s et réfugié·e·s. Quitter son pays, sa maison, sa famille pour partir vers l’inconnu n’est jamais un choix facile et fait à la légère : c’est un déracinement.
Pour un entrepreneuriat accessible à tous !
Depuis juin 2023, hub.brussels et l’organisme de microcrédit MicroStart sont impliqués dans un projet-pilote de l’union européenne dénommé PAFMI (« Partenariat et financement pour l’intégration des migrant·e·s»). Ce projet vise à favoriser d’inclusion des migrant·e·s par l’entrepreneuriat, grâce à des actions concrètes permettant de lever les freins évoqués plus haut.
« Les deux partenaires contribuent au projet en apportant chacun leur expertise propre », commente V. Flammang, responsable au sein de hub.brussels du service hub.info qui informe et oriente tous ceux et celles qui entreprennent à Bruxelles ou veulent le faire. « Notre rôle à hub.info est donc d’informer les migrant·e·s, de préférence dans leur langue et via leurs communautés respectives, sur l’ensemble des conditions et des aides pour lancer leur activité à Bruxelles. Les personnes qui font appel à nos services sont également orientées vers la large gamme de soutiens bruxellois à l'entrepreneuriat - publics ou privés - en termes d’accompagnement, de financement, d’hébergement, etc. ».
Actif depuis 2011 dans le soutien financier via des microcrédits et de l’accompagnement avant et après la création de l’entreprise, MicroStart va quant à lui permettre aux personnes habituellement exclues du crédit bancaire classique, d’accéder au crédit et de financer leur projet.
Concrètement, quelles solutions ?
Concrètement, en 2023, ce sont 487 participant·es qui ont été touché.es au travers de 20 sessions d’information organisées en français, anglais, espagnol ou avec une traduction en arabe ou en ukrainien.
Depuis janvier 2024, la fréquence des ces sessions a été accrue et plusieurs sont organisées chaque mois, dans différentes langues.
Durant le mois de juin, trois sessions plus longues sont également organisées en français, anglais et espagnol, avec le témoignage d’entrepreneur·e·s issu·e·s de l’immigration qui se sont lancé·e·s, ainsi qu’un moment de networking. Pour les personnes qui ont un projet ou une idée d’entreprise, c’est l’occasion de rencontrer des entrepreneur·e·s de leur communauté qui ont créé leur entreprise, de s’inspirer de leurs parcours, de bénéficier de leurs expériences et conseils et, enfin, de se mettre en contact avec d’autres porteurs de projet. Le planning de l’ensemble des prochaines dates est disponible ici.
Pour réussir ce projet ambitieux et lever les frein à l’entrepreneuriat des personnes issues de l’immigration, il est par ailleurs important d’inclure les acteurs de soutien aux entrepreneur·e·s afin qu’ils puissent mieux aider les personnes dans leur parcours de création d’entreprise. Deux événements de mise en réseau avec ces acteurs, ainsi que des workshops de renforcement de leurs connaissances, ont été organisés depuis le lancement du projet, afin de leur permettre de mieux répondre aux besoins des entrepreneurs migrants potentiels (formalités administratives spécifiques comme la carte professionnelle, communication interculturelle).
Un plaidoyer pour des solutions pérennes
Dans le cadre du projet PAFMI, il a semblé essentiel de dresser un panorama de ces difficultés et de proposer des pistes de solutions sur base des contacts de terrain. Un plaidoyer reprenant des recommandations pour lever les frein à l’entrepreneuriat des personnes issues de l’immigration a donc été rédigé.
De nombreuses parties-prenantes ont été consultés pour alimenter ce texte : des personnes migrantes et réfugiées voulant lancer leur entreprise ou étant déjà en activité en Belgique, l’Agence des Réfugiés des Nations Unies (UNHCR), les Bureau d’Accueil pour Primo-Arrivants (BAPA), ainsi que d’autres associations travaillant avec des migrant·e·s, sans oublier le retour des conseillers·ères et collaborateurs·trices des organisations de soutien aux entrepreneur·e·s à Bruxelles, qui rencontrent tous les jours des personnes nées ailleurs voulant entreprendre ici.
Tous nous ont remonté les mêmes freins et partagent le souhait d’améliorer l’accès à l’entrepreneuriat, pour les personnes ayant le projet et le potentiel de créer leur propre emploi et de contribuer de manière positive à la société tant d’un point de vue économique que social.
Ce plaidoyer sera présenté officiellement le 23 mai prochain et co-signé par de nombreux partenaires de soutien à l’entrepreneuriat à Bruxelles.
Vous souhaitez participer à l’une de nos sessions d’informations « Comment créer son entreprise en Belgique » ?
- Le planning de l’ensemble des prochaines dates est disponible ici.
- Les sessions avec témoignage et networking sont prévues :
Vous souhaitez prendre connaissance de notre plaidoyer et des recommandations pour lever les frein à l’entrepreneuriat pour les personnes issues de l’immigration ?
Ce projet est financé dans le cadre d'un accord plus large entre la Banque de développement du Conseil de l'Europe (CEB) et la Commission européenne (Direction générale des affaires intérieures) dont l'objectif est d'améliorer l'inclusion des migrants dans les États membres de l'UE par le développement de nouveaux partenariats et de nouvelles formes de financement.