Que se passe-t-il lorsque le confinement lié à la pandémie de Covid-19 offre à deux potes, adeptes du vélo de loisirs, l’opportunité de réfléchir aux affres du cyclisme urbain ? Ils créent l’application OWLEE !
Il est vrai que Romain Foncier, informaticien, et Erwan Segalen, Urban mobility leader chez Decathlon Belgium, possèdent le profil idéal pour élaborer un outil utile, voire indispensable à l’ensemble des cyclistes au quotidien. D’emblée, ils identifient le principal frein à la pratique sereine du vélo dans une ville comme Bruxelles : les possibilités de parking sécurisé largement insuffisantes. « Le coût d’un vélo électrique flirte avec les 2500€. Quant à la valeur d’un vélo cargo, elle peut équivaloir à celle d’une petite citadine, détaille Romain Foncier. Le risque de vol constitue donc un problème d’autant plus important que la police se révèle bien démunie face aux véritables réseaux de voleurs qui sévissent en ville. Pourtant, une grosse majorité des cyclistes utilisent des cadenas de qualité insuffisante tout simplement parce qu’ils sont plus pratiques et moins lourds à emmener avec soi. »
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Des idées en cascade
Les deux fondateurs d’OWLEE pensent d’abord à équiper les principaux emplacements de parking vélo existants de casiers contenant des cadenas vraiment robustes que les cyclistes pourraient louer au gré de leurs déplacements. Mais installer de tels dispositifs sur la voie publique s’avère extrêmement compliqué. Nos deux entrepreneurs, rejoints par un troisième co-fondateur, Martin Sonveau, préfèrent donc se tourner directement vers les opérateurs de parking classiques (Indigo, Interparking, Bepark,…). Ils leur proposent de convertir quelques-uns de leurs emplacements pour voiture en places de parking pour vélo. À charge pour OWLEE de les équiper de l’infrastructure nécessaire. « Il s’agissait d’une véritable solution clef en main, précise Romain Foncier. Elle était liée à une application également développée par nos soins donnant accès à tous les parkings pour vélo partenaires grâce à un paiement centralisé. Ainsi, il n’était plus nécessaire de télécharger les applications propres aux différents opérateurs.» Pour plus d’efficacité, cette application répertorie non seulement les possibilités en parking payant, mais aussi tous les emplacements à Bruxelles et même en Belgique.
« Ce fut un travail fastidieux et difficile, observe Romain Foncier, mais précieux pour les cyclistes qui souvent ne savent pas où garer leur vélo en ville. » Et puisqu’il s’agit d’une matière vivante, évolutive, puisqu’on est à l’ère des réseaux sociaux, la communauté est évidemment invitée à ajouter et à évaluer les nouveaux emplacements dont elle a connaissance. « Nous sommes en quelque sorte devenus le Tripadvisor du parking vélo ! résume le co-fondateur d’OWLEE. Nous avons accumulé assez de données pour attribuer à chaque emplacement de parking un score indicateur de confiance, qui va permettre de déterminer si le parking est sécurisé ou non. »
Un service précieux pour les cyclistes potentiellement victimes de vol. Et possiblement exposés à des démarches fastidieuses auprès de la police et de l’assurance, alors même que les conditions d’indemnisation sont de plus en plus sévères particulièrement en ville à cause de la multiplication des sinistres. « Notre application aide les cyclistes qui y ont encodé leur vélo dans le processus de déclaration de vol, précise-t-il. Il leur suffit d’en signaler la localisation au moment du vol. Nous envoyons automatiquement les informations à la police évidemment dans le respect de la vie privée. » Et ce n’est pas tout, il y a potentiellement moyen de greffer sur l’application des services de réparation grâce au partenariat avec Decathlon, ou d’assurance en collaboration avec Qover, une assurtech belge, en attendant des accords avec d’autres partenaires spécialistes de la réparation ou de l’assurance. Bref, OWLEE se présente désormais comme une application comparable à un couteau suisse pour les cyclistes.
Le virage numérique et international
Petit à petit, les créateurs d’OWLEE ont donc délaissé l’infrastructure matérielle au profit du software qui présente un avantage de taille : sa flexibilité tant en matière de fonctionnalités proposées que d’implantation géographique. « On peut très rapidement être présent partout », précise Romain Foncier qui ne cache pas ses ambitions à l’international et explique ce virage par le besoin d’arriver à court terme à un business modèle viable. Les trois partenaires ont aussi décidé de miser résolument sur les partenariats avec des spécialistes réputés de la filière, particulièrement en matière d’assurance et de marquage. À OWLEE le support numérique, au partenaire la logistique. Romain Foncier : « Pour le marquage, l’identification, nous supportons tous les opérateurs de marquage belges (MyBike et Vélopass) et français. En effet, avec Decathlon, nous tenions vraiment à être opérationnels en France, seul pays de l’Union Européenne qui impose l’identification des vélos. L’application y est désormais accessible. Elle indique les 80.000 emplacements de parking environ recensés dans le pays, permet aux cyclistes français·e·s d’encoder leur vélo et connaît un joli succès. Pour l’instant, nous essayons de nous développer le plus possible au niveau européen. L’application est actuellement disponible dans sept pays où elle recense plus de 250.000 emplacements de parking pour vélo. C’est pourquoi nous avons été particulièrement intéressés par la vocation internationale de Vélopass qui applique au monde du vélo les méthodes de scannage, d’enregistrement et de suivi qui fonctionnent bien dans le secteur automobile. Et nous continuerons évidemment à rechercher des partenaires susceptibles de nous aider à pousser le projet plus loin. »
Des soutiens bienvenus
Pour mener à bien une telle entreprise, quelques petits coups de pouce sont toujours les bienvenus. OWLEE ne fait pas exception. La startup été soutenue pas start it @KBC brussels, un incubateur bien connu, à l’époque où ses fondateurs cherchaient à déployer une infrastructure dans les parkings existants. Et ils ont d’emblée trouvé une aide très précieuse au sein de l’UCM, auprès de François De Meulenaere très tôt convaincu par le projet. « Nous avons aussi sollicité hub.brussels pour la communication, les réseaux sociaux, explique Romain Foncier. Pour faire connaître une application BtoC, grand public, il faut en effet consacrer beaucoup de temps et de soin à la communication. » Seul regret des créateurs d’OWLEE : ne pas avoir tiré tout le parti possible de ces aides. « Faute de temps », regrette Romain Foncier.
Un œil sur le futur
Si la création d’une entreprise n’est pas toujours simple, si les créateurs d’OWLEE ont un peu tâtonné dans la structuration de leur projet, il n’est cependant pas question d’abandonner l’aventure. « OWLEE est ma deuxième entreprise, précise Romain Foncier. J’avais donc déjà l’expérience de la création de projets entrepreneuriaux. C’est d’autant plus mon moteur que la mobilité me tient à cœur. Je me vois même bien me lancer à terme dans un nouveau projet dans ce domaine. Mais je privilégierais une approche BtoB car nous avons éprouvé combien le BtoC peut se révéler complexe.
Chez Erwan, l’envie était là et OWLEE avait l’avantage d’être en lien avec son boulot principal. C’était donc une opportunité. Ceci dit, nous ne sommes pas complètement fermés à l’idée de fusion, d’association. Nous pensons à une société d’identification puisque c’est assez proche de ce que nous faisons, ou un opérateur de parking qui voudrait se développer sur ce segment, même si cela semble plus compliqué faute de rentabilité réelle du parking vélo. »
De son expérience entrepreneuriale, Romain Foncier tire en tout cas quelques enseignements précieux pour lui-même et pour ceux et celles qui sont tenté.e.s par l’aventure : « Il faut démarrer sans se poser des questions, assure-t-il. J’ai toujours suivi mon intuition. Certains projets ont connu plus de succès que d’autres, mais au bout de trois ans, nous sommes satisfaits d’avoir pu déployer OWLEE dans sept pays et de compter des milliers d’utilisateurs. Il faut aussi essayer de trouver de l’aide le plus rapidement possible et ne pas hésiter à partager. Un regard extérieur est précieux parce qu’il peut arriver qu’on soit un petit peu trop amoureux de son idée.»
Plus d'infos : https://owlee.bike/fr/home
Interview: Catherine Aerts