Pour lancer une activité économique, il faut d'abord obtenir un numéro d'entreprise auprès de la Banque-Carrefour des Entreprises. Avec un passage obligé : le guichet d'entreprise. Obligé mais efficace puisque qu'en un seul point d'entrée, le futur entrepreneur pourra pour régler toutes les formalités administratives nécessaires au lancement de son entreprise en deux ou trois heures, en tout cas s'il a réuni tous les documents nécessaires.
Quelle est la mission principale d'un guichet d'entreprise ?
Miguel-Angel Hernandez : « Le guichet d’entreprise agréé est l'interlocuteur naturel des indépendants et des entreprises avant même le début de leur activité, puisque le guichet d'entreprise a notamment pour mission d'inscrire les entreprises commerciales et artisanales à la Banque-Carrefour des Entreprises.
Concrètement, il nous incombe de vérifier si le futur indépendant ou le futur gérant d'une entreprise remplissent tous les critères pour obtenir un numéro d'entreprise, autrement dit, une inscription la BCE. Exemple concret : maîtrisent-ils les connaissances de gestion de base ? C'est un point important, évidemment, il s'agit d'être bien certain que le futur entrepreneur a un minimum de connaissances en gestion d'entreprise, qu'il mesure bien les responsabilités liées au statut d'indépendant ou au métier de chef d'entreprise. Un diplôme, un cursus suivi par le candidat... On analyse tous les éléments pertinents qui prouvent cette maîtrise.
Puis, bien sûr, pour certains métiers, on vérifie si le demandeur dispose de l'accès à la profession, si le demandeur est d'origine étrangère, et à Bruxelles, c'est important, on vérifie s'il dispose bien de la carte professionnelle. En d'autres termes, nous vérifions si chaque futur entrepreneur remplit bien toutes les formalités administratives nécessaires à son inscription à la BCE. Après cette première étape indispensable, nous leur proposons une série de services complémentaires qui peuvent les aider à démarrer. »
Par exemple ?
Miguel-Angel Hernandez : « L'affiliation à une caisse sociale, les services d'un secrétariat social, les assurances complémentaires utiles pour couvrir les risques professionnels, puis il y a aussi toute une série d'autorisations dont ils pourraient avoir besoin dans le cadre de leur métier : une autorisation de la Sabam pour diffuser de la musique dans un salon de coiffure, une autorisation de l'Afsca pour exploiter une boucherie, un numéro de TVA, etc. Pour tout cela, nous pouvons les aider. Tout comme nous pouvons les aider à dénicher les aides publiques auxquelles ils ont éventuellement droit. »
Est-ce qu'il vous arrive de refuser à un demandeur l'inscription à la BCE ?
Miguel-Angel Hernandez : « Pas vraiment, les refus sont très rares. Ce qui peut arriver, c'est qu'un dossier ne soit pas complet et le refus est alors temporaire. Exemple typique, l'entrepreneur qui n'est pas en mesure de prouver sa maîtrise de la gestion, eh bien, il lui suffit de suivre une formation accélérée en gestion de base. Pour les métiers réglementés, c'est parfois plus difficile, plus long en tout cas, surtout si le demandeur vient d'un autre pays européen. Si au bout du compte nous refusons l'inscription, il y a toujours un appel possible auprès de conseil d'Etat. Mais nous sommes là pour aider le futur entrepreneur à lancer son activité, par pour l'arrêter. »
Vous voyez défiler pas mal de monde ici dans votre guichet d'entreprise agréé. Qu'est-ce qui vous frappe le plus dans l'attitude des futurs entrepreneurs ?
Miguel-Angel Hernandez : « Il y a évidemment des exceptions, mais ce que je constate souvent, c'est leur manque de préparation. Ils sont rares ceux qui mesurent vraiment l'ampleur de la tâche qui les attend ! J'ai rencontré des futurs entrepreneurs qui n'avaient même pas envisagé un instant que leurs futurs clients puissent ne pas les payer, j'en ai même rencontré qui n'avaient aucune idée de ce qu'est un contrat de vente ! Alors, il faut leur rappeler que 30% des nouvelles entreprises fermeront leurs portes dans les 3 à 5 ans suivant leur création.
Mais ne pas s'arrêter à ce constat : nous leur proposons aussi un accompagnement – payant – spécialement organisé en fonction des besoins des starters. Le principe est simple : un « business coach » les accompagne pendant 3 ou 6 mois, pas pour faire le travail à la place du starter mais pour l'aider à se poser les bonnes questions et, surtout, à trouver les bonnes réponses.
Un point aussi : l'autonomie. J'entends trop souvent de starters se plaindre d'avoir eu des soucis « parce que j'ai fait confiance au comptable, au fiscaliste, au notaire ». Avoir confiance, c'est bien, mais cette confiance ne doit pas être aveugle, car une erreur est toujours possible. Au bout du compte, c'est le starter qui va devoir assumer toutes les responsabilités (fiscales, économiques, juridiques, etc.) liées à son entreprise. C'est lui l'entrepreneur ! Les autres professionnels sont là pour l'aider, pas pour assumer ses responsabilités à sa place. »
Un conseil au futur indépendant ?
Miguel-Angel Hernandez : « Avant de se lancer tête baissée dans un projet, faire un peu d'introspection... Qu'est-ce qu'on aime ? Qu'est-ce qu'on déteste ? Inutile de se lancer dans l'exploitation d'une discothèque avec un copain si on a besoin de dormir 8 heures par nuit. C'est pourtant quelque chose que j'ai vu, et ça n'a pas marché. Donc, une petite colonne avec les plus, une autre avec les moins, et un peu de réflexion autour de ça. S'impliquer à fond dans un projet d'entreprise, ça commence par soi-même.
Et puis, un deuxième conseil : faire les choses dans l'ordre, c'est-à-dire d'abord se renseigner auprès d'un guichet, puis passer chez le comptable et, enfin, le banquier et le notaire, éventuellement. »
Ce n'est pas ce que font spontanément les futurs entrepreneurs ?
Miguel-Angel Hernandez : « Vous seriez surpris de voir à quel point certains futurs entrepreneurs sont pressés au point, parfois, de commettre des erreurs qui en définitive leur feront perdre du temps. Je pense par exemple à la mésaventure qui est arrivée au gérant d'une société et ses deux associés : ils ouvrent un compte en banque pour leur société, passent chez le notaire pour créer l'entreprise, investissent 6.200 euros, décrochent des contrats, bref, tout roule, sauf que nous avons dû leur refuser l'inscription à la BCE : aucun des trois actionnaires n'avait l'accès au secteur réglementé, ni les compétences de gestion requises. Ils ont dû trouver un autre gérant qui, lui, avait l'accès à la profession et les compétences de gestion...
Interview : Adrien Mintiens