Formé en Belgique, l’architecte Olivier Breda prend la direction de l'Espagne en 2007. C’est à Valence qu’il va créer un bureau d’architecture avec un confrère espagnol. On est alors au début de 2007, juste avant la crise économique et financière la plus violente depuis les années 1930 ! Dix ans plus tard, retour en Belgique – mais sans renoncer aux activités espagnoles – pour développer des projets architecturaux combinant le meilleur des deux mondes…
Olivier Breda : « Dans le courant des années 2000, suite à un Erasmus en 1999, je suis parti m’installer en Espagne, j’ai travaillé dans différents bureaux d’architecture, pour des promoteurs ou des investisseurs.
A Valence, le moment clé, c’est une rencontre avec l’architecte Manolo Miralles, nous nous sommes découvert une passion et un langage communs avec une vision partagée de l'écoconstruction, nous avons travaillé ensemble sur plusieurs projets puis nous nous sommes associés. Le bureau espagnol a été créé en 2007, peu avant le début de la crise économique là-bas. Nous y avons vu une opportunité. La crise a été extrêmement violente mais elle ne nous a pas empêchés de nous lancer avec, c’est vrai, des frais de fonctionnement limités mais aussi la capacité de répondre à des projets. Mais ça n’a pas été simple.
Puis, cinq années plus tard, la crise se prolongeant en Espagne, nous avons pris la température du marché belge et on s’est dit qu’il y avait des projets à saisir ici, d'autant que Bruxelles avait adopté une politique énergétique risquée mais qui la mettrait en avant plan au niveau européen avec la construction passive en 2015… et donc, je suis revenu ici. Actuellement, nous sommes deux architectes à Bruxelles, deux à Binche et deux à Valence. »
Un pied en Espagne, un pied en Belgique… Est-ce qu'on peut dire que cette double présence est un atout pour vous ?
Olivier Breda : « Oui, même si les choses ne se sont pas mises en place comme on l’imaginait au début. En fait, dans un premier temps, on s’était dit que cette double présence nous permettrait d’amener des clients belges en Espagne mais, petit à petit, on s’est rendu compte que c’était vraiment très compliqué, notamment parce que l’architecte arrivait toujours après l’agent immobilier dans ce genre de démarche, et c’était trop tard. Nous avons donc décidé de positionner notre bureau belge sur le marché belge même s’il est vrai qu’à Bruxelles, nous mettons beaucoup en avant notre dimension internationale puisqu’il y a une présence étrangère importante. Etant Wallon d’origine, j’avais également envie de développer notre bureau au sud du pays, ce que nous avons fait essentiellement dans le bassin de la Sambre entre la région du centre et Namur. »
Pour cela, il a fallu trouver des associés à Bruxelles et en Wallonie…
Olivier Breda : « Oui, c’était absolument indispensable, j’avais besoin d’un associé avec des visions innovantes et formé en construction durable pour assumer avec moi la responsabilité et le suivi des chantiers, sachant également que cette association permet aussi de limiter les déplacements et, donc, notre impact énergétique. Et là, le choix n’a pas été très difficile, puisque je me suis associé avec Gregory Dessart, un architecte que je connais depuis mes études et qui est par ailleurs un ami. »
Le choix de l’associé est-il un élément essentiel pour vous ?
Olivier Breda : « Oui, comme dans toute société, 1+1=3 car l’un des associés challenge l’autre comme un sparring partner. De plus, vous allez passer plus de temps avec votre associé qu’avec votre femme, dès lors, mieux vaut bien choisir… Sachant que les moments très positifs seront suivis de moments très négatifs qu’il va falloir gérer ensemble. Et donc, c’est très important de savoir avec qui on s’associe. Et pour le savoir, il faut se lancer, commencer par des missions ponctuelles. Il faut aussi beaucoup communiquer. Sans attendre que les problèmes se posent… »
Est-ce qu’il a été compliqué pour vous de choisir le type de clientèle que vous alliez cibler en revenant sur le marché belge ?
Olivier Breda : « En fait, je ne suis pas posé la question de cette manière. Pour moi, la vraie question, c’était plutôt : « Qu’est-ce que je veux faire ? » La réponse était très claire : essentiellement du résidentiel. C’est un secteur dans lequel nous avons une énorme expérience, qu’il s’agisse de maisons unifamiliales ou de blocs d’appartements. Et parfois des projets plus spécifiques, dans le but de diversifier l’activité, des écoles ou des magasins. Par la suite, quand la structure aura grandi, j’imagine que nous nous intéresserons aussi aux marchés publics, mais nous n’en sommes pas encore là. »
Une fois ce point éclairci, il a fallu se lancer…
Olivier Breda : « Effectivement. Nous nous sommes installés ici il y a trois ans. La première année, nous avons consacré l’essentiel de nos efforts à prospecter le marché. Je tiens à préciser que, pour nous lancer, nous avons été soutenus par Brussels Invest & Export. Ils nous ont aidés à nous installer, nous avons été incubés au sein même d’impulse.brussels pendant trois mois, ce qui nous a permis de découvrir certains réseaux d’entreprises, notamment le cluster ecobuild.brussels, dont nous sommes d’ailleurs devenus membres. »
Avec le recul, qu’est-ce qui vous a semblé le plus compliqué dans le développement de votre entreprise en Belgique ?
Olivier Breda : « C’est une entreprise et donc, des complications, on en gère tous les jours. Il n’y a pas de miracle, ça fait partie du jeu. Mais quand on monte une entreprise de service, le plus compliqué, en fait, c’est d’arriver chez le client, se faire connaître. Il faut créer puis développer un réseau. Curieusement, le premier projet que nous avons décroché en Belgique, c’est grâce à notre présence en Espagne et grâce à Facebook – preuve au passage que les réseaux sociaux peuvent aussi servir utilement au développement des affaires. En l’occurrence, une ancienne connaissance cherchait un architecte et elle nous a trouvés par l’intermédiaire de Facebook. A partir de là, tout s’est enchaîné assez rapidement : l’entrepreneur qui construisait la première maison « belge » a vu comment nous travaillons, la valeur ajoutée que nous apportons et le bouche-à-oreille a commencé à jouer son rôle. Dans notre secteur, il est essentiel d’être recommandé ! »
Quand vous jetez un coup d’oeil sur tout ce qui s’est passé depuis 15 ans pour vous dans ce métier, considérez-vous qu’il y a un conseil qui a vraiment changé la donne pour vous ?
Olivier Breda : « Pas vraiment. En revanche, je suis convaincu qu’il ne faut pas vouloir tout réinventer ; il faut écouter le secteur, les clients, les confrères, se retourner vers des groupements où il y a des réseaux, croiser des ingénieurs, des électriciens, des maçons, des entrepreneurs, des promoteurs pour apporter une réponse cohérente, fonctionnelle et durable dans une société en changement. »
Si un jeune entrepreneur venait solliciter vos conseils, que lui diriez-vous en premier lieu ? Développer votre réseau ?
Olivier Breda : « Oui, vos clients vous n’allez pas les trouver chez vos confrères ou chez les ingénieurs, il faut donc participer à des événements où vous rencontrerez des clients potentiels. Par ailleurs, il faut également développer une ligne, une façon de faire qui vous soit propre, apporter une vraie valeur ajoutée au client.
Dans notre cas, je suis convaincu que notre valeur ajoutée réside dans notre ouverture culturelle et notre expérience internationale. Je vous donne un exemple concret : en travaillant en Espagne, nous avons développé une expertise spécifique dans les questions de surchauffe dans les bâtiments et donc, pour éviter ce problème qui existe ici aussi en Belgique dans les bâtiments performants énergétiquement parlant, nous jouons avec les volumes afin de créer les ombres nécessaires.
Ce qui me semble important aussi, c’est de faire des affaires à votre manière, ce qui signifie oublier les schémas préétablis. Ce que les clients attendent d’un architecte, c’est qu’il soit lui-même, qu’il soit naturel. Il ne faut pas oublier que, quand un client vous choisit, nous partons pour une aventure commune de trois ans ! La confiance est donc un élément primordial, sinon, on va droit au chaos. »
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