Le concept Tale Me
Anna Balez : « Tale Me s’inscrit dans un nouveau modèle économique où on privilégie la fonction plutôt que la possession. Nous proposons aux clients de s’abonner à un service de location de vêtements destinés soit aux enfants de 0 à 4 ans, soit aux femmes enceintes.
Nous nous adressons à une clientèle qui a envie de consommer mieux, plus local et plus durable. Par exemple, nous utilisons du coton bio, nous travaillons avec des stylistes formés à La Cambre. Les vêtements que nous achetons à des producteurs font l’objet d’un cahier des charges très strict, nous n’achetons pas n’importe quoi à n’importe qui. Et d’ailleurs, nous faisons également fabriquer nos propres gammes, ce qui nous permet de contrôler complètement la production mais aussi – et peut-être surtout – de concevoir en amont un vêtement de telle sorte qu’il soit réparable… et beau. »
Pour gagner de l’argent, combien de fois devez-vous louer un vêtement ?
Anna Balez : « En moyenne, trois fois. Avec toutes les variations que cela implique puisque, par exemple, un vêtement pour un nouveau-né sera plus vite trop petit qu’un vêtement pour un enfant de 3 ans. Quant à la durée de vie moyenne d’un vêtement, elle est de l’ordre de 18 mois, sachant qu’il s’agit d’une estimation puisque l’entreprise n’existe que depuis 1 an. Mais tout cela va être ajusté avec l’expérience, c’est une part importante de mon travail. De même, je consacre aussi du temps à étudier de nouvelles matières, de nouveaux tissus, pour voir comment tout cela résiste au lavage, aux teintures (sans fixateurs toxiques, j’y tiens absolument), etc. En fait, on est encore en pleine phase de R&D. »
Quelle est la proposition de valeur que vous faites au consommateur ?
Anna Balez : « En s’abonnant à notre service, le consommateur va dépenser à peu près la même chose pour habiller ses enfants de 0 à 4 ans que s’il achète les vêtements dans une grande chaîne bien connue. Bien sûr, chez nous, c’est une location, mais nous proposons des vêtements de très haute qualité : nous louons des vêtements chers (valeur magasin entre 50 et 100 euros la pièce) pour 11 euros.
La création de Tale Me
Anna Balez : « L’idée venue de la rencontre avec de jeunes designers qui vendaient leurs vêtements à des prix vraiment dérisoires, genre de petites chemises en coton allemand bio vendues par une jeune Bruxelloise à 35 euros. Un déclic pour moi donc, qui s’explique sans doute par le fait que j’avais déjà un parcours de consultante en stratégie environnement et que, donc, j’avais le réflexe « comment on fait pour changer les modes de consommation ?
Fin décembre 2012, j’ai proposé à une amie de partir avec moi sur ce projet, nous avons été sélectionnées pour faire partie de la BSE Academy (NDLR : il s’agit d’un programme de soutien à l’entreprenariat vert) en 2013. Après six mois d’une formation très intense, nous avons été récompensées par le prix Triodos, ce qui nous a permis de faire un essai en taille réelle et de mesurer l’intérêt des consommateurs pour notre concept. Entre-temps, mon amie s’est retirée du projet, j’ai donc continué seule, et c’est là que j’ai vraiment décidé d’y aller à fond, en réunissant différents financements (subside européen, prêt du Crédal, investisseurs privés). Une fois qu’on y va, tout s’enchaîne. »
Le meilleur conseil qu’Anna Balez a reçu
Anna Balez : « Pas vraiment un conseil, mais plutôt une attitude : toujours écouter ce que les gens vous disent. J’ai rencontré pas mal de gens qui ont la capacité d’analyser un projet et cela a toujours été constructif en ce sens que j’ai pris les conseils qui me semblaient bons et laissé ceux qui ne me semblaient pas adaptés. Il faut en tout cas être capable d’écouter parce qu’on n’a pas la science infuse et que, quand on va créer une startup, on a une idée, et une idée, ce n’est pas encore un produit ou un service. Il faut être capable de détruire son projet et de le reconstruire. »
Son conseil aux autres entrepreneurs
Anna Balez : « Sachez écouter ! Sans abandonner votre esprit critique, évidemment, mais écoutez. J’ai le sentiment que plus on écoute, plus on attire l’empathie. Ce qui signifie aussi qu’on développe son carnet d’adresses, qu’on entre dans des réseaux ce qui est évidemment totalement indispensable. »
Son regard sur l’accompagnement
Anna Balez : « Je pense qu’il ne faut pas avoir trop d’accompagnement. Il faut choisir un accompagnement qui vous convienne. Moi, c’était impulse.brussels et j’ai trouvé que leur accompagnement était parfaitement adapté à mes besoins. La BSE Academy, c’était vraiment le moule parfait : comment on fait un business plan, comment on fait un pitch, etc.
J’ai aussi appui ICHEC-PME avec un coach spécialisé. Pas de redites, important aussi comme point. Une fois que la société est créée, alors on rentre dans une autre dimension, celle du réseau. Pour ce qui me concerne, je suis rentrée dans le réseau Entreprendre, avec un parrain qui est lui-même un entrepreneur aguerri. Ça permet de trouver d’autres appuis.
Je bénéficie également d’un suivi de Credal au plan financier avec un ancien CFO et ça aussi, c’est extrêmement précieux. Sans oublier Be Angel, qui m’apporte beaucoup sur le côté investissement. »
Son regard sur l’entrepreneur de demain
Anna Balez : « Je pense que pour devenir entrepreneur, il faut des prédispositions : ne pas avoir peur, ne pas douter trop longtemps, être capable de prendre des décisions rapidement mais aussi de revenir en arrière si c’est nécessaire. Faire des erreurs et quand même avancer, avoir un caractère qui le permet mais aussi un entourage qui le permet. J’ai deux enfants et, heureusement, un mari qui me soutient dans le quotidien : c’est indispensable ! Il fait partie de l’entreprise... »
Interview: Adrien Mintiens