«Quand on a mal à la tête, pourquoi ne pas commencer par une infusion de thym avant de passer au Dafalgan?» Voilà en quelques mots résumés la philosophie et les compétences qui ont mené Louise Dimanche à ouvrir -avec succès- son herboristerie au cœur de Saint-Gilles, à deux pas de la célèbre Barrière.
Cette Bruxelloise d’adoption est arrivée dans la capitale de l’Europe il y a environ 14 ans pour faire des études de photographie documentaire, un domaine qui la passionne. Puis, elle y a suivi les cours du soir en herboristerie de l’EFP, centre de formation en alternance PME à Bruxelles.
«Cela me faisait très envie aussi», explique-t-elle tout en précisant que «Ce n’est pas la formation qui fait l’herboriste ! C’est beaucoup plus que cela. C’est un métier de fond pour lequel Il faut être passionné et engagé.» Et Louise Dimanche, élevée à la campagne par des parents pharmaciens, sait de quoi elle parle. «Après l’école, je rejoignais souvent ma mère dans son officine, se souvient-elle. À l’époque, l’herboristerie était au programme des études de pharmacie, ce qui n’est plus le cas aujourd’hui. Elle était donc aussi herboriste. Et elle s’y connaissait en mycologie. En automne, je la voyais faire le tri des champignons. Quand elle m’a expliqué qu’à l’origine, les médicaments étaient fabriqués avec des plantes, je me suis étonnée qu’on ne continue pas à les utiliser. Sans doute est-ce à ce moment-là que mon intérêt pour l’herboristerie est né. Ma mère m’a soutenue dans ma démarche et aujourd’hui, je travaille avec plusieurs pharmaciens parce qu’il y a un équilibre entre ce qu’on peut proposer chacun de notre côté.»
Une gestation longue et documentée
Pendant deux ans, Louise Dimanche enchaîne donc les formations pour améliorer ses connaissances tout en travaillant dans un magasin bio du quartier Flagey. « J'étais même devenue l’herboriste attitrée du magasin », sourit-elle. Mais rapidement, l’envie d’indépendance la titille : « Chez moi, tout le monde est indépendant, je ne faisais donc que suivre la tradition familiale. » Une question se pose alors : galerie photo ou herboristerie? Ce sera une herboristerie. Deux nouvelles années seront nécessaires pour permettre au projet d’arriver à maturité. « Il faut bien ce temps-là pour monter un tel projet, commente la jeune femme. Il faut trouver l’idée, définir son projet et parfois aussi se retrouver confronté à des hauts et des bas », commente l’entrepreneuse qui a heureusement trouvé une écoute attentive et des conseils judicieux auprès d’une conseillère de Village partenaire. C’est d’ailleurs grâce à ce précieux soutien qu’elle a pu décrocher une bourse en Économie circulaire de Village Finance.
Un succès fulgurant
Un soutien financier qui s’ajoute aux économies personnelles de Louise Dimanche et à l’apport de sa banque séduite par son projet. La jeune femme est donc prête à se lancer. Elle sélectionne soigneusement son lieu d’implantation : ce sera la Barrière de Saint-Gilles, un quartier très bien desservi par les transports en commun. « Avant mon installation, il n’y a pas d’herboristerie dans la commune alors que la demande existe, détaille-t-elle. Je ne concurrence pas les magasins bio existants parce que je ne vends pas de produits frais. Ma spécificité, c’est le conseil, le suivi personnalisé, ainsi que la dynamique en économie circulaire avec une attention particulière pour la traçabilité. J’évite les grosses industries, les grandes marques. La plupart de mes fournisseurs sont bruxellois, belges, à la rigueur français ou allemands pour des produits introuvables ici. Et tant pis si une référence est manquante. C’est tout cela que mes clients apprécient. » Résultat : un succès immédiat. « Personnellement, je n’imaginais pas un tel démarrage », insiste-t-elle.
Développement et diversification
Cela fait donc cinq ans que les effluves délicates des plantes médicinales et des huiles essentielles accueillent les clients dans la jolie boutique pour laquelle Louise Dimanche a eu le coup de foudre et où elle dispense ses conseils. Mais c’est mal connaître la maîtresse des lieux que d’imaginer qu’elle allait en rester là. Deux ans après l’ouverture de l’herboristerie, elle récupère l’espace commercial voisin et en fait un lieu de partage et d’apprentissage parfait pour accueillir des stages et des formations, ou pour être mis à la disposition d’une petite vingtaine d’intervenants indépendants spécialistes du bien-être. S’ajoutent à la structure un labo et un cabinet de consultation. « On est ici dans l’aide, dans l’entraide, le développement des auto-entrepreneurs. La clientèle des thérapeutes qui y ont démarré se développe de manière encourageante », insiste la jeune femme qui ajoute « J'ai encore d’autres projets ! Je voudrais développer l’organisation d’événements, organiser des expositions. Mais je suis seule pour tout diriger, ce qui représente soixante heures de travail par semaine en moyenne.»
Les dessous d’une réussite
À quoi donc attribuer cette success story ? À la compétence professionnelle de la jeune femme ? Certainement. À son énorme puissance de travail ? Assurément. À sa préparation minutieuse de l’ouverture du magasin ? Incontestablement. À sa grande prudence financière ? Très probablement. Car une telle aventure entrepreneuriale, pour exemplaire qu’elle puisse paraître, n’empêche pas les moments de doute, les passes plus difficiles. Louise Dimanche: «Le covid a été source d’inquiétude. Je n’ai pas très bien compris pourquoi les herboristeries qui vendent des produits pour la santé n'ont pas été considérées comme des commerces essentiels et ont donc été obligées de fermer pendant le confinement. Les aides qui nous ont été octroyées étaient insuffisantes et je n’ai dû mon salut qu’à mes économies. »
Et même en temps normal, il arrive aux commerçants de connaître des moments d’angoisse, par exemple lorsque leur chiffre d’affaires s’infléchit sans véritable raison. « Ce qui est compliqué avec un commerce qui tourne bien, c’est qu’on est entraîné dans une dynamique avec un chiffre d’affaires élevé, observe Louise Dimanche. Quand d’un coup il baisse, les factures du mois précédent, la TVA, les impôts, tout cela reste à payer. C’est déstabilisant. Je suis perfectionniste, j’aime que tout soit fait dans les règles et je me sens parfois submergée. Il faut donc être très précautionneux, très compétent en gestion.» Mais elle veut rester constructive et tirer des enseignements de ces difficultés : « En janvier et février, les magasins bio ont enregistré une baisse de 30% de leur chiffre d’affaires en moyenne. C’est compliqué. J’essaie de voir le positif en me disant qu’on vit une période de réadaptation. Qu’il faut totalement changer de modèle. Et qu’il va falloir s’adapter en termes de commandes, d’offre. »
Conseils avisés
De là à prodiguer quelques conseils aux aspirants-entrepreneurs, il n’y a qu’un pas que la jeune femme franchit allègrement : « Je leur dirai d’abord de prendre le temps de parfaitement connaître leur produit, leur service avant de se lancer. La précipitation est à l’origine de trop d’échecs, détaille-t-elle. Ensuite, je les orienterai vers le Village partenaire et je leur conseillerai d’appeler le 1819. Ce service m’a littéralement sauvée ! J’ai passé des heures au téléphone avec ses conseillers. Je les ai même appelés deux jours avant d’ouvrir juste pour qu’ils me rassurent. Je leur dirais aussi d’appeler hub.brussels sans s’attendre à monts et merveilles. Et puis surtout, je les avertirais qu’il y a beaucoup d’aides trop peu connues, y compris au niveau communal. J’en découvre encore régulièrement. La visibilité à ce niveau est insuffisante. Il faudrait des facilitateurs pour nous aider à nous y retrouver.»
L'herboristerie de Louise : www.herbodelouise.be - www.facebook.com/
Interview : Catherine Aerts